Mais où est passé Terrence Malick ? Bout de chou, qu'est-ce qui t'arrive ? Trois ans après sa date de sortie d'origine, Knight of Cups, conclusion de sa trilogie existentialiste autobiographique vient s'installer sur les écrans ; avec comme toujours un paquet de stars dans ses belles images, et qui jouent comme jamais vous ne les avez vu auparavant. Christian Bale, Natalie Portman, Cate Blanchett, Rooney Mara, Imogen Poots... tous méconnaissables. Parce que Malick.
A l'époque de Tree of Life, premier volet de la trilogie, on avait pu en lire, des critiques acerbes sur les envolées anti-structurelles et totalement sensorielles des images. Mais ça, c'était parce que le film avait eu la Palme d'or... là, les deux suivants dont Knight of Cups, personne ne les a vu au final. Du coup, personne ne s'en plaint mais il va quand même falloir le dire : oui, c'est beau. Oui, parfois c'est majestueux. Oui, c'est touchant, unique. Mais surtout, surtout Terrence, on ne comprend plus rien. Ha mais on ne pipe pas une jérémiade, on ne pige pas ! Et je vous jure que je fais attention hein... mais les structures éclatées avec des montages où ton perso marche dans une ville puis il est dans le désert puis il drague une fille dans un club puis il s'engueule avec son père sur un toit d'immeuble alors qu'un agent lui propose un script à écrire dans un décor de ville à Hollywood, le tout presque sans dialogue et avec une voix-off qui pose des questions ouvertes, je suis désolé, mais quand c'est mal dosé, je suis perdu.
Alors on se raccroche aux moments de bravoure, aux points de repères que l'on peut espérer ; on cherche un point d'ancrage périodique. En cherchant, on s'égare beaucoup, presque autant que Christian Bale qui à un moment se retrouve à écouter un type en super costume qui explique qu'il se fait un max de blé et que sa vie c'est un peu Call of Duty en mode easy... ce type soit dit-en passant, c'est Nick Offerman. Ouais, on voit jamais sa tronche ni de près ni de loin, mais on entend sa voix, et je vous jure que c'est lui, j'ai vérifié. Je suis resté au générique rien que pour lui ! Du coup, ça veut dire que Nick Offerman a tourné avec Terrence Malick, qu'il a probablement tourné un paquet de scènes d'anthologie, et que nous ne le verrons jamais. C'est un peu ça aussi la frustration d'un fan de Malick comme moi : savoir que ses oeuvres ne sont que le sommet d'un iceberg. Il submerge volontairement le reste pour correspondre à sa vision mais croyez-moi, il est difficile de toujours croire qu'il ne nous garde que le meilleur...
Et puis on le trouve, le point d'ancrage. C'est les jambes des femmes. Ouais. Carrément. Le film en est saturé. D'une manière absolument hypnotique, à chaque fois qu'une femme apparaît dans le cadre, l'oeil se dirige vers leurs jambes, de manière systématique, parce que c'est ce que Christian Bale regarde. Mais attention ce ne sont pas que des jambes ; ce sont des jambes avec des talons au bout des pieds, qui dessinent de fil en aiguille une obsession pour la forme charnelle qui se sublime dans certains passages (la femme nue sur le téléphone au balcon, assez bouleversant dans son apparition) ou transforme le grotesque en mignonnerie (oui, Christian Bale lèche les orteils de Natalie Portman, et c'est mignon, rien que ça on peut en parler comme un exploit de mise en scène).
Et puis bon, à part ça, ben difficile de trouver quelque chose à dire. Si ce n'est... reviens Terry. Reviens vite. Tu as réalisé trois des plus beaux films au monde, dont peut-être le plus beau de l'histoire du cinéma en 1978. Mais maintenant, tu m'inquiètes un peu. Reviens-nous voir vite.
Ici, on parle de cinéma, et on n'a pas peur des gros mots ! Comme cinématographie transcendantale, et comme fichtre et oulala pouet pouet. Venez donc ! On s'amuse bien !
jeudi 10 décembre 2015
mercredi 9 décembre 2015
Noël : Osons s'offrir du réconfort
Un critique de cinéma, amateur ou professionnel, est facilement rabat-joie. C'est vrai quoi, on passe notre temps à chercher la petite bête ; en sortant carrément le microscope parfois ! Rien que le mot semble terni de nos jours. Critique. Une tique qui hurle, ah ouais dit comme ça, ça fait pas envie hein.
Et Noël est une cible parfaite pour un tel comportement ; ah la fête commerciale, faussement religieuse, la fête faux-cul en somme, où les bonnes actions sont là pour se donner bonne conscience ,ne pas se poser de questions le reste de l'année... sauf que non. Stop les copains. Cessons un instant de rabattre les joies, et laissons-les s'exprimer dans la buée de l'hiver approchant.
Noël et les bons sentiments, cela va de pair ; il faut savoir se permettre une absence d'arrière pensée parfois, et aller chercher le réconfort dont nous avons besoin. On ne va pas se mentir, ce ne sont pas forcément des jours faciles chez nous. Et pour y remédier, il y a le cinéma ! Je vous propose donc, en attendant que la neige vienne nous passer le bonjour (laissez-moi rêver bordel), de vous montrer trois manières qu'ont le cinéma et Noël de s'associer pour réchauffer nos cœurs et nos âmes emmitouflés.
1) Noël, c'est laisser le cinéma nous rajeunir
Il y a toujours un film d'animation à Noël au cinéma, ce qui est parfait pour retomber en enfance ; face à l'immensité spectaculaire de l'écran des salles obscures, difficile de se sortir trop adulte. Cette année, c'est Le Voyage d'Arlo qui vient nous apprendre comment faire face à nos peurs, tout en nous rappelant ce que veut dire innocence. Et bordel, c'est beau de se sentir comme un enfant à nouveau.
2) Hollywood et sa hotte
Il est vrai que la majorité des grosses productions sortent pendant l'été, parce que le flouze coule à flots, mais certains résistent encore et toujours à l'envahisseur ; Peter Jackson et sa barbe ont joué à Papa Noël 6 fois en 15 ans, et dans tout pile une semaine des millions de fans vont accueillir à bras allongés les héros de Star Wars, les yeux embués.
3) Noël, c'est un sujet de cinéma
Enfin, Noël, c'est un excellent sujet cinéma, et là je vous propose de parfaire votre culture : plutôt que de revoir une énième fois le génial La Vie est Belle, tentez l'irrésistible Rendez-Vous d'Ernst Lubitsch, toujours avec James Stewart. Une belle histoire d'amour, celle d'un homme et d'une femme, mais aussi celle d'employés pour leur magasin et leur employeur. Croyez-moi, il n'y a pas plus Noël que ce film.
samedi 14 novembre 2015
J'ai besoin de communiquer.
J'ai besoin d'écrire et je me rends compte que j'ai une plate-forme pour le faire, rien qu'à moi. J'ai besoin de frapper les mots pour délier mes pensées parce que j'ai du mal à y voir clair. Difficile de penser, rien à foutre des répétitions. Pourquoi est-ce que j'ai pleuré cette nuit ? Pourquoi est-ce que j'ai dormi à peine trois heures ? Soyons clairs, tous mes proches sont en vie. Est-ce que j'essaie de tirer la couverture à moi, est-ce que je veux moi aussi hurler "je suis triste, regardez-moi" ? Apparemment oui, puisque j'écris ici, et puisque je compte bien publier ce texte.
Mais je ne pense pas que cela soit si simple. Je ne pense pas qu'il faille y voir de la malveillance, ou des sentiments méprisables. Non, tout d'abord, c'est parce que les mots ont besoin de sortir pour être communiqué, pour rester dans la conversation. Malgré cela, il est vrai qu'il y a beaucoup de voyeurisme dans les faits, et un côté pervers que certains ne manqueront pas de remarquer. Je n'ai pas voulu regarder les vidéos affreuses qui ont pu circuler ici et là, mais je n'ai pu m'empêcher de lire des témoignages, et d'être plus qu'horrifié. Ironie du sort, quand à peine 24 heures plus tôt un acte de performance art nous forçait à nous observer, nous et notre culture du moi, et à se remettre en question, d'autres viennent ici le faire, d'une toute autre manière. Avec le meurtre.
Donc, ce n'est pas simplement de la perversion, de la malveillance ; à ce stade-là, je ne pense pas qu'il faille refréner les sentiments. Tout ça, c'est de la peur, et elle est bien fondée. Parisiens, résidents français, nous avons raison d'avoir peur. Parce que d'un seul coup, nous avons basculé dans ces sections des journaux que nous lisons sans réellement percevoir la puissance du réel derrière les mots. Hier soir le réel a décidé de nous renvoyer l'appareil bien comme il faut. Nous avons peur, j'ai peur, et je pense que c'est le sentiment le plus important ici. Il ne s'agit pas de retrouver une fierté nationale, il ne s'agit pas de dire que nous n'avons pas froid aux yeux face aux dangers du terrorisme, non. Arrêtons de se voiler la face ; tout le monde sur Facebook et Twitter ne parle que de ça. Le terrorisme a pour but d'installer la terreur, c'est-à-dire une peur qui paralyse. Ouvrons les yeux : ils ont réussi. Le temps a arrêté de tourner pour beaucoup d'entre nous ici. J'ai passé ma journée à alterner entre des tentatives d'activités, et des retours sur les informations du Monde. Non, je ne suis pas capable de passer à autre chose. Oui, j'ai peur.
Heureusement, ce n'est pas entièrement le cas, ni le cas de l'Etat. Nous sommes beaucoup à avoir voulu donner notre sang pour les victimes ce matin. Quant aux forces de l'ordre ainsi qu'au gouvernement, ils font tout ce qu'ils peuvent pour... pour quoi ? Je ne sais même pas maintenant. Pour nous aider à nous relever de cette situation. Mais si l'Etat peut agir maintenant, c'est parce que ce n'est pas lui qui a été attaqué. Ce ne sont pas les forces armées, ce ne sont plus les journalistes, ce sont les citoyens. Les citoyens moyens, qui vont à des concerts, dans des bars, qui vont voir du sport. C'est le loisir qui est la cible, c'est nous. Alors je ne pense pas qu'il faille cacher ce fait : j'ai peur. Je passe ma vie dans les cinéma, je vais souvent à des spectacles, à des concerts, et j'ai peur.
Au final, j'écris beaucoup sans forcément réfléchir, et je sais que ça n'a ni queue ni tête, mais je pense qu'il est important, que maintenant, nous ayons peur. Techniquement, oui, cela veut dire que les terroristes ont gagné, sauf que non. Parce que la vie, ça n'est pas aussi simple que gagner et perdre, et parce que si l'instant veut que la prédominante soit une paralysie aveuglée par les bons sentiments qui sont toujours bons à prendre (voir les images de recueillement, le soutien apporté dans le monde entier...), l'instant passe. Et après cela vient la réaction, et c'est là qu'une deuxième forme de peur apparaît.
Quel impact sur la COP21 ? Sur les campagnes politiques ? Sur la radicalisation du pays ? Sur la montée du racisme, extrêmement évidente lorsque l'on sort de notre bulle ? Même si le premier n'est pas supposé être affecté, il y a tout de même des raisons d'avoir peur. C'est pour cela, que lorsqu'elle se sera dissipée, nous devrons réfléchir aux côtés de nos dirigeants et représentants, de ce que nous allons faire par la suite. Je dois l'admettre, quand François Hollande a parlé de guerre hier soir, je n'ai pas vraiment réalisé l'ampleur de ses propos. C'est comme si depuis début 2015, je vivais dans une espèce de paradis, ignorant volontairement le fait que la France est catégorisée comme cible numéro un du terrorisme dans le monde. Que nous le voulons ou non, la guerre est entrée chez nous, et quand nous serons tous calmés, peut-être serons-nous capable de nous refuser à l'embrasser, et plutôt la renvoyer chez elle ?
Tout cela est inconcevable. Vraiment, inconcevable. Comme toujours avec mes amis, nous n'avons pas attendu pour faire des blagues sur le sujet. Cela fait du bien, et puis on se prend un peu pour des comédiens (après tout beaucoup d'entre nous sommes comédiens amateurs et amateurs de comédie), mais cela n'a pas réussi à m'ôter cette idée de la tête : pourquoi ? Pourquoi ? Et surtout, comment peut-on espérer résoudre cela ? Les actions des terroristes, aussi barbares qu'elles soient, trouvent leurs sources dans un passé commun très lourd dans lequel notre pays s'est impliqué. Et ce sont des gens comme nous, des citoyens, qui en paient le prix. Des victimes de conflits entre puissants qui nous dépassent totalement. Les victimes, elles, ne nous dépassent pas. Elles sont là, et il sera difficile de les oublier.
Et je parle d'oublier car je pense à un autre risque : la sacralisation de la tragédie. Bon, je divague beaucoup et je ne sais plus trop ce que je veux dire par là, mais dans tous les cas, ne faisons pas comme les Etats-Unis avec le 11 Septembre. N'ayons pas peur de regarder les crimes en face, n'ayons pas peur d'en parler ; ayons peur, parce que ce serait absurde de refouler notre sentiment général là maintenant, mais n'ayons jamais peur de tenir tête aux actes, et ainsi peut-être, marcher ensemble vers des formes de solution.
Je pars dans tous les sens mais je ne peux m'en empêcher. J'ai peur, j'aime écrire plus que tout, et c'est la seule chose que j'arrive à faire maintenant. Certains dessinent le chagrin, ils le font très bien d'ailleurs. Moi je parle avec mes doigts. Hé, cette image est super moche et clichée ! Mais je pense que pour aujourd'hui, on me la pardonnera.
Allez. Il faut espérer sortir de ce merdier. Et ne pas avoir honte de cet espoir. Partout sur la planète, de mon balcon où la bougie ne cesse de s'éteindre (le vent n'a aucun respect ce gros bâtard) à des personnes qui n'ont jamais vu la Tour Eiffel en vrai, des personnes continuent de croire qu'il y a du bon en ce monde. Plus nous serons dans ce camp, à la fois d'idéalistes et de pragmatiques prêts à se battre pour que la peur n'ai plus lieu d'être, plus cette croyance sera la plus belle de toutes. Car elle sera alors la plus vraie.
dimanche 8 novembre 2015
Le Fils de Saul : Entendre l'Horreur
Il semble systématique qu'un film primé à Cannes fasse couler beaucoup d'encre ; alors quand l'un d'eux décide de plonger dans l'ambiance pas vraiment cinq étoiles d'un camp de concentration en Pologne, forcément ça va faire du bruit. Le Fils de Saul a été récompensé à Cannes par le Grand Prix de cette année, mais ce n'est pas pour autant que le film a été apprécié ; il a déjà fallu faire des pieds et des mains pour pouvoir le produire, le réalisateur s'étant retrouvé totalement niqué par les sociétés de production françaises notamment. Mais même après sa sortie, on a pu entendre tout et n'importe quoi sur le film ; génial ou abject, solaire ou diffamatoire, j'en passe et des oxymores.
Je n'ai pas l'intention de dire du bien ou du mal de ce film. Le Fils de Saul joue la carte de l'immersion et nous colle aux basques d'un personnage nommé Saul, qui fait partie des prisonniers aides dans un camp de concentration. En gros, il accompagne les gens à la douche, puis récupère les corps et nettoie derrière. Ouais, c'est pas pour les âmes sensibles mais en même temps pour parler d'un sujet pareil on ne va pas y aller avec les pincettes de la mère Michel, non il faut y mettre les mains et se salir bien comme il faut. Et pour cela, le réalisateur László Nemes a choisi de ne jamais quitter Saul ; le reste est dans le flou, ce qui pourrait sembler être de la pudeur mais qui a un effet totalement inverse. Bref, Saul trouve un jour un cadavre d'enfant et le cache pour que son corps ne soit pas mutilé par les docteurs nazi, et cherche un rabbin pour lui apporter la paix céleste. Je vous avais prévenu, ça fait mal par où ça passe.
Donc, ni de bien ni de mal, voyez-le et faîtes vous votre avis sur le sujet ; certains critiques que j'adore ont détesté et ont des arguments extrêmement persuasifs, d'autres ont adoré et sont tout aussi pertinents. Non, ce qui m'intéresse ici, c'est de porter attention à l'utilisation du son qui a été faite dans Le Fils de Saul. Je l'ai dit plus haut, en général en dehors du personnage principal le reste de l'image est flou ; souvent on y aperçoit les pires horreurs, un nombre incalculable de morts, et le flou n'apporte pas une pudeur comme on aurait pu s'y attendre, par un paradoxe qui à ce jour m'échappe, il intensifie l'horreur. Peut-être par une immersion aveuglante, puisque Saul vit avec des œillères depuis la découverte du corps de l'enfant. Mais contrairement à l'image, le son est terriblement clair. Tant et si bien qu'à un moment du film, il y a eu du bruit dans le cinéma et j'ai remarqué que j'avais du mal à faire la distinction entre ce qui sortait des enceintes et ce qui était réel.
Je ne sais pas comment ils s'y sont pris, mais le son dans Le Fils de Saul suffit à l'expérience. Tout de suite, on a le sentiment d'être à la fois sur la Tour de Babel, avec toutes les langues incompréhensibles qui se chevauchent ici et là, et dans un Enfer mythologique où les cris et supplices se font entendre sans discontinuer. Le volume - aux deux sens du terme - insoupçonné de l'atmosphère sonore du film est extrêmement déroutant et également novateur à mon sens. Si vous en avez le courage et ne trouvez pas l'entreprise déplacée voire immorale (ce que disait Jean-Philippe Tessé dans les Cahiers, et je ne peux pas vraiment lui donner tort), tentez l'expérience, je vous assure que cela vaut le détour. Prévoyez juste un chocolat chaud après pour se remettre d'aplomb.
samedi 17 octobre 2015
L'homme Irrationnel : L'homme était presque parfait
Franchement, ça va faire bizarre quand Woody Allen et Clint Eastwood seront morts. Ben quoi c'est vrai, les boloss sortent un voire deux films par an, à force on s'habitue ! On devrait pouvoir se repérer dans le temps comme ça. Arthur ? Non, c'est pas vrai, Arthur ? Mais ça fait au moins quatre Woody Allen qu'on s'est pas vus, qu'est-ce que tu deviens ? Ah t'es une femme maintenant ? Tu t'appelles Arthurette ? C'est vachement chouette mon gars ! Enfin, ma gaillarde. On devrait se faire une bouffe. Et un ciné ouais, pourquoi pas ? Tu veux pas aller voir le dernier Woody Allen justement ?
(...)
Alors ma chère Arthurette t'en as pensé quoi ? Si on résume, Woody reste avec sa muse du moment Emma Stone mais la place moins en valeur que dans le précédent où elle bénéficierait de l'aura du fantasmagorique. Oui, on est d'accord, il se concentre presque uniquement sur son personnage principal, le professeur de philosophie dépressif joué par Joaquin Phoenix. Donc, si j'ai bien compris, le film raconte comment un nouveau prof débarque dans une fac américaine prestigieuse - oui en effet tu as raison, j'ai beaucoup pensé à mon année universitaire à Chicago pendant le film, c'était extrêmement ressemblant - et vient bouleverser la vie d'une étudiante. Sa vie, ses douleurs la fascinent, tout autant que son auto-destruction la terrifie.
C'est vrai, tu as raison, la première partie du film ressemble à du Woody Allen classique. Des belles personnes, filmées dans des couleurs chaudes et avec des focales longues dans le but d'esthétiser. Tout est beau chez Woody Allen, comme dans un souvenir chéri. Et puis au milieu de tout ça, il observe encore et toujours les hautes sphères de l'intellect anglo-saxon avec son esprit mordant, qui parfois fait mouche et parfois agace de cynisme. Cette fois, il est assez doux et en retrait pour faire forme de cadre à l'histoire qui va suivre, et tant mieux on est d'accord mon bien vieil Arthur, enfin Arthurette ! C'est vrai, ce cadre léger et cérébral lui sert à mieux installer à sa manière une intrigue hitchockienne autour de son obsession permanente : le crime parfait !
Qu'en as-tu pensé Arthurette ? Personnellement j'ai été séduit par ce scénario inhabituel, et son traitement au sein du style envolé et sobre de Woody, qui tranche par exemple avec des aventurées plus sombres comme Le Rêve de Cassandre. Depuis deux films, et donc deux ans, ce bon vieux Woody Allen a de bonnes idées scénaristiques et il semble s'amuser beaucoup. Deux bonnes années ma chère amie. Content de t'avoir recroisée, on se verra au prochain du coup ?
dimanche 11 octobre 2015
Asphalte : Peinture sur béton
Mangez de l'asphalte, mangeurs d'asphaltes ! J'offre un DVD à la personne qui trouve d'où vient cette phrase. e DVD sera celui du film Asphalte, quand il sera sorti, et ce sera une excellente acquisition parce que ce film déchire sa brebis spatiale activiste écolo.
Asphalte, ce sont trois histoires entrelacées, reliée par un H.L.M délabré. Un jeune lycéen qui rencontre sa voisine, une ancienne actrice, un résident asocial coincé qui refuse de payer pour la réparation de l'ascenseur parce qu'il habite au premier et qui soudain se retrouve en fauteuil roulant, et un astronaute américain qui atterrit sur le toit par erreur et attend la NASA chez une maman marocaine. Oui, si vous avez bien lu les derniers mots que je viens d'écrire, vous devriez être en train d'halluciner tout azimuts, parce que nom de dieu cette dernière histoire semble brillante et folle, et vous savez quoi, c'est le cas mais j'y reviendrai plus tard.
Pourquoi asphalte ? Parce que c'est ce qui envahit l'image ici, c'est le décor, ce mélange de bitume et de granulats qui est franchement moche. Et dans ce cadre moche, trois histoires et six personnages décident de nous montrer dans un format carré à la fois triste et plein de profondeur toute la beauté et l'amour que le monde recèle. Un peu comme si le but était de nous montrer comment l'homme, avec un gros fuck you à la science, est capable de générer quelque chose de tangible à partir de rien du tout ; au milieu du néant, il créé l'amour, la compassion et le rire.
Car si l'on rit beaucoup dans ce film, avec et des personnages, ce n'est qu'avec un cynisme en forme de voile, qui s'envole au moment même où l'astronaute rencontre la maman arabe. C'est bien simple, leurs scènes sont parmi les plus touchantes, drôles, et bouleversantes que j'ai jamais vu. Aucun sens du vraisemblable dans Asphalte, mais beaucoup de vrai, et beaucoup de semblables imprévus. Asphalte, c'est ce moment où l'on retourne sur Terre, où le sol revient nous toucher ; parfois avec violence, parfois avec douceur, mais dans tous les cas c'est un retour les pieds sur terre qui s'ouvre vers l'avenir plutôt que d'enfoncer dans le chaud goudron.
mardi 6 octobre 2015
Sicario : Et le monstre s'en prit à la Bête
Il m'est impossible de ne pas parler du nouveau film de Denis Villeneuve sur ce blog. Bon, non, pas littéralement évidemment, il ne faut pas croire que quelqu'un me tient en joue actuellement et m'ordonne d'écrire sous peine de perdre ma vie, car de toute façon même dans ce cas il me serait possible de ne pas en parler. Je serais mort, mais ce serait possible. M'enfin, toujours est-il que ce blog a commencé par un article sur son précédent film Prisoners, alors voilà voilà les ptits chats, qu'en est-il maintenant ?
Sicario, présenté à Cannes et rentré bredouille, selon Premiere parce qu'il avait trop de liens avec les membres du jury (Un acteur fétiche en Jake, les frères Coen qui partage le même directeur de la photo - le meilleur - Roger Deakins, un compatriote en Xavier Dolan, un ami proche en Guillermo Del Toro...), selon les Cahiers parce que le film est raté. Ne soyons pas si décisifs, cessons d'écouter les autres et faisons-nous un peu notre avis. Donc voici le mien :
...
...
Ouais. J'ai un petit problème, je n'arrive pas à savoir quoi penser de ce putain de film. C'est-à-dire que je suis extrêmement mitigé, pas dans un sens où tout m'a semblé terne mais dans le sens où certains éléments m'ont subjugués tandis que d'autres m'ont laissé de marbré. Sicario raconte comment une agent de police - Emily Blunt - se retrouve embarquée aux côtés de la CIA dans une opération liés aux cartels mexicains. Le film se construit alors autour d'un trio complexe entre la policière réglo qui se retrouve désemparée et fauchée par l'horreur abjecte de leur entreprise diaboliquement nécessaire, un flic insupportable jouer par l'éternel insupportable Josh Brolin, et enfin un mexicain mystérieux et terrifiant, campé par Benicio del Toro.
Le problème majeur selon moi, c'est qu'il est difficile de voir où Villeneuve veut en venir avec tout ça. Le monde est dur, le monde est infect et affreux, il nous plonge dedans en nous forçant à nous questionner sur les opérations de la CIA tout en nous rattachant au personnage d'Emily Blunt qui perd sa féminité dans un monde d'hommes à grosses couilles qui puent. Mais au delà de ça... où allons-nous ? Et c'est là que le tout est surprenant, car je l'avais déjà dit au sujet de Prisoners, Villeneuve est tellement doué en mise en scène que c'en est limite pas permis. Le type devrait être interdit de réaliser des séquences comme celle des serpents dans Prisoners, celle du tunnel dans Enemy ou dans Sicario, celle de l'expédition au Mexique puis celle du tunnel et enfin toute la fin du film. Parce qu'il le fait avec tellement de puissance, que c'en est tout de suite impressionnant ! Et en plus, épaulé par le génie de Roger Deakins à la photo qui ne tombe dans aucun travers - ça c'est réservé aux porcs -, cela permet des séquences absolument géniales (de cette scène où les policiers vomissent chacun dans leur coin suite à leur découverte aux plans aériens des voitures de la CIA à la frontière). Mais pour dire quoi, là est le souci à mon sens. On verra bien comment il s'en sort avec le prochain, et pas des moindres puisqu'il doit réaliser la suite de Blade Runner. Ouais...
Malgré tout cela, il est toutefois délicieux de remarquer comment les obsessions et autres marottes s'installent au fur et à mesure de l'oeuvre de Villeneuve. Lui qui ne cesse de parler de l'Amérique le symbole, voilà qu'il l'étend au continent et continue de dépeindre la destruction de la famille et la vilaine et malsaine structure patriarcal qui règne en ces lieux. Dans Sicario, la famille est forcément cible de la violence, mais aussi son bouclier... que dire alors de la solitude terrible d'Emily Blunt et Benicio del Toro ? Vous le saurez en allant voir le film !
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