samedi 16 janvier 2016

Carol : Rémanences d'un regard dévorant

Carol, contrairement à ce que l'on pourrait attendre, ne parle que peu de Carol, interprétée par Cate Blanchett. D'ailleurs il parle très peu tout court, c'est un vrai film d'intello élitiste à la con. Donc, parfait pour moi quoi !


Le nouveau film de Todd Haynes ne montre presque exclusivement qu'une seule chose : le regard de Thérèse. Ce dernier se balade et fuit, il ne rencontre presque jamais les hommes qui la séduisent ; tandis que sa bouche leur dit oui, ses yeux ne les voient pas. Parce que tout se fait entre les mots dans Carol, la vérité des sentiments se lit uniquement dans les pupilles. Ainsi, permettez-moi d'utiliser une expression courante : Thérèse n'a d'yeux que pour Carol.


Chaque instant où les deux femmes sont ensembles à l'écran, une relation passionnée, discrète et inégale se met en place : Carol est mystérieuse, elle a le regard fuyant et porte le poids du passé pesant d'une femme - relativement - âgée. Thérèse dévore Carol autant qu'elle le peut, comme pour inscrire son image sur sa rétine et ne plus jamais la perdre... et le spectateur, donc toi, et moi, regarde Thérèse, dans le blanc des yeux. Le film est, en plus d'être une histoire d'amour sacrément belle et déchirante - deux femmes qui s'aiment dans les années 50, ça va carrément passer niveau social ça -, un récit initiatique. Thérèse, en plus de découvrir sa sexualité et son individualité, se découvre un regard ; celui d'une photographe qui trouve enfin un sujet à capturer et qui peut-être un jour, la regardera à son tour.


Grâce à sa mise en scène et à la richesse du jeu des actrices, Carol est un film incroyable qui aura été injustement mis de côté par les Oscars ; certains reprochent aux critiques de n'avoir su voir la subtilité des sentiments dans les gestes et regards volés des personnages, mais je trouve ça totalement stupide. Rien n'est subtil dans Carol, puisque tout ce que l'on sait est à l'écran. On voit tout, et si ce n'est pas dans les mots, c'est à l'image. Quel critique serait assez mauvais pour ne pas remarquer les qualités visuelles d'un film et ne s'attacher qu'à son histoire ou à ses dialogues, je vous le demande ? Non, en vrai je ne vous le demande pas que je vais dire ce que je pense franchement ; c'est le cas de beaucoup trop d'entre eux.

lundi 28 décembre 2015

Star Wars : Et si en fait, les parents de Rey...

On n'en avait rien, mais alors rien de putain de rien à carrer sa race ?


Oui, depuis que le film de Star Wars est sorti - et c'était déjà le cas avant d'ailleurs, mais là ça a tout bonnement explosé -, impossible de dénombrer tous les articles qui tentent d'analyser tout ce que l'on sait pour comprendre l'ascendance de la nouvelle héroïne de la saga, et leur quantité est inversement proportionnelle à leur qualité. Ouais, ça clashe sévère par ici, attention les yeux.


Ouiiii voilà Han Solo est super protecteur vis à vis d'elle et elle comprend hyper bien le Faucon Millenium, Kylo Ren est intriguée par son existence, elle est supra méga puissante en terme de maîtrise de la Force, elle a une vision au milieu du film durant laquelle on entend les voix de Yoda, Luke et même Obi-Wan... donc c'est plein de mystère ! Serait-ce la fille cachée de Luke Skywalker, et donc la nièce de Han ? Serait-ce une descendante d'Obi-Wan, parce qu'allons-y dans la ouate de phoque tant qu'on y est ? Serait-elle la fille de Yoda ? non, ça je ne l'ai jamais vu dans les théories, mais ça serait bien marrant. Mais voilà, que faisait-elle sur Jaaku, qui étaient ses parents, pourquoi l'ont-ils abandonné ? Et bien si on en croit le film, c'est des putain de fils de pute, parce qu'ils ont abandonné leur fille dans une putain de décharge, pour qu'elle grandisse en mode semi esclave bien ou bien... à moins que ce ne soit pas ces vrais parents bien sûr, et que c'était pour la protéger du monde, du Premier Ordre, de Kylo Ren, de Snoke... UN PEU EXACTEMENT COMME LUKE DANS UN NOUVEL ESPOIR QUOI.


Les gars, je pense qu'il va falloir se calmer un peu, et repenser à un moment important du film. Le moment où Lupita - je suis une petite alien à lunettes - Nyong'o explique à Rey qu'il faut qu'elle arrête de regarder en arrière. Pour paraphraser, elle lui dit : "l'identité que tu cherches n'est pas derrière toi, elle est devant". Bien sûr, si on veut pousser, cela veut dire que son identité c'est Luke, ouais ouais... mais si on est plus logique, cela veut dire qu'elle parle de la Force, et des Jedi. Autrement dit, on s'en tampax le fion avec un nacho des origines de Rey. Elle a la Force ? Ouais, Yoda aussi, Obi-Wan aussi, et on ne parle jamais de leurs parents. Et Poe Dameron alors, le super pilote de la mort qui tue, c'est le fils du super pilote Luke Skywalker aussi ? Ou celui de Wedge Antilles ? Ben voyons. Et mon cul c'est du McNugget.


Et bien sûr, il est tout de même fort probable qu'on nous parle des vrais parents de Rey un jour dans la nouvelle trilogie, je ne suis pas dupe. Mais franchement, ils feraient mieux de s'abstenir car ce serait aller à l'encontre de tout l'entreprise de "retrouver l'esprit Star Wars" de Disney. Parce que Star Wars, à l'origine, ça nous faisait rêver plus que tout ; ça nous montrait une histoire grave méga cool, tout en nous donnant à voir 1/10000000ème de l'immensité de sa galaxie. C'est pour ça que dans le premier film, quand Obi-Wan parlait des "guerres cloniques", j'avais les yeux qui pétillaient quoi ! Je m'imaginais les choses les plus incroyables du monde ! Pareil pour Boba Fett, qui est devenu instantanément cool parce que Dark Vador lui a dit "et pas de démembrement cette fois !"... quoi ?? Ce mec est un chasseur de prime tellement badass que parfois il ramène ses proies avec les bras et jambes arrachés ? Mais ça défonce !!


La prélogie a pour défaut principal non pas la mise en scène désintéressée de George Lucas, le jeu perplexe des acteurs, les effets visuels datés ou son histoire d'amour à l'eau de rose des toilettes de station d'autoroute, mais le simple fait de remplacer notre imagination avec des histoires arrêtées. La coolitude de Boba Fett ? Anéantie par son passé de fils de clone, et le futur spin-off en projet chez Disney. Les guerres cloniques ? Beaucoup moins fascinantes que tout ce que l'on pouvait se laisser imaginer. L'histoire d'Anakin et de comment il devint un seigneur Sith ? C'est la même chose... à force de vouloir tout raconter, de vouloir tout couvrir, on ne fait que réduire le spectre de l'univers Star Wars. Parce que l'imagination ne s'arrête pas, elle balaye sans trouver de limites... et c'est pour cela que je préférerais que les origines de Rey ne soient pas révélées dans la saga.


Surtout que, excusez-moi, mais Rey DECHIRE SA POONTANG ARTCURIENNE !! Elle est badass, elle est attachante, elle est intelligente, elle est belle, elle est drôle... c'est déjà une des héroïnes les plus cool de tout l'univers Star Wars, alors ce n'est pas la peine de nous expliquer qu'elle déchire parce qu'elle est la fille de Luke ou une connerie de ce genre. Non, ce qui est bien clair dans Star Wars VII, c'est que Rey déchire parce qu'elle est Rey, point barre à la ligne fermez la parenthèses fermez les guillemets.


Alors calmons-nous un peu les gars, et concentrons-nous sur l'essentiel : le fait que nous soyons tous et toutes tombés amoureux de Rey, le nouveau visage de la galaxie très très lointaine, et qu'on a tous envie de l'épouser pour qui elle est, pas pour nos futurs beaux-parents...

jeudi 10 décembre 2015

Golden Globes : Les couilles en or

Oui, ça va, je vais expliquer mon titre. Un petit peu de patience mon ami.

Plus le temps passe, plus les cérémonies me frustrent. Bon, les américaines sont bien, bien, BIEN meilleures que la française des Césars, durant laquelle aucun des participants ne donnent l'impression d'avoir vu les films en lice ou de s'intéresser d'une quelconque manière au cinéma (le moment qui restera gravé à jamais dans ma mémoire : Cécile de France qui tente un sketch sur La Vie d'Adèle en se dirigeant vers Léa Seydoux, sans savoir que ce n'est pas elle Adèle dans le film...), mais tout de même, il y a de quoi s'agacer.

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Quand on voit plus d'une centaine de films sortis au cinéma chaque année ( = quand on est totalement débile comme moi ou alors quand c'est un métier), on verra toujours des perles que l'on voudra offrir au monde. Seulement voilà, force est de constater qu'aux Golden Globes comme aux Oscars et autres, bien souvent, les petites merveilles feront pâle figure fassent à la beauté miroitante de belles productions léchés, très souvent très bonnes, trop souvent oubliables. MAIS ! Malgré cela, on retrouve toujours de très belles surprises, qui montrent que certains films, ceux dont se souviendront les cinéphiles, ne sont pas oubliés.

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Pour jongler avec ces deux extrêmes - la nomination facile et la reconnaissance des vrais -, il faut en avoir une sacrée paire : les Golden Globes, je vous le dit, ce sont des couilles en or. Et voilà mon titre expliqué ; bon par contre il est dommage que cette année elles ne soient plus représentées par Tina Fey et Amy Poehler, mais on ne peut pas tout avoir.

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Voici donc mes impressions sur les nominations de cette année, en vrac :

  • Comment peut-on voter pour Spy dans les meilleurs films comiques de l'année, en faisant de lui LA référence espionnage de l'année alors que Kingsman et Mission Impossible 5 ont tout défoncé ?
  1. Comment est-il possible de laisser sur la touche le premier excellent Woody Allen depuis Match Point ainsi que la première grande réussite insoutenable de Denis Villeneuve en la matière de Sicario ?
  2. Qu'est-ce qu'il est chouette de voir Mark Ruffalo nominé pour Infinitely Polar Bear, Daddy Cool chez nous (#1 du pire changement de titre de l'année c'est lui), un très très beau film qui a eu la malchance de sortir en plein été ! Même chose pour Alicia Vikander, nominée pour le meilleur rôle d'intelligence artificielle au cinéma cet année dans Ex Machina, LA tuerie SF indé 2015. Rien que pour la scène de danse d'Oscar Isaac.
  3. Si la chanson de Youth ne gagne pas, le monde est définitivement pourri.
  4. Qu'il est frustrant pour nous de voir cette partie des nominés qui n'est pas encore sortie chez nous. Le Tarantino, le Sorkin... on les veut nous aussi !!
  5. LE grand oublié de cette cérémonie, il n'y a pas photo, c'est Steven Spielberg. Tout le monde semble d'accord, il a signé avec Le Pont des Espions son meilleur film depuis bien dix ans, mais non, que dalle ? Euuuuh vous aviez nominé War Horse mais pas ça ? Et attention, j'ai adoré War Horse, mais euh, faut pas déconner mémé dans les orties là quand même...
  6. Comment juge-t-on un film d'animation ? Sur la qualité de son animation ou de son histoire ? Parce que si Vice-Versa apparaît comme le vainqueur évident, il ne l'est clairement pas d'un point de vue visuel. Mais bon, cette catégorie n'a absolument aucun sens de toute façon... vous vous souvenez quand La Reine des Neiges a niqué le dernier Miyazaki ? Ouais, on en a encore mal au derrière...
  7. La nomination de Mad Max en meilleur film et en meilleur réalisateur est encourageante pour les Oscars... franchement, ce serait pas géant de le voir gagner ?
  8. Où. Est. The. Fucking. Lobster.
  9. Le candidat français au meilleur long-métrage étranger est en réalité turc, produit par l'Allemagne, et voici un poème pour vous donner envie de le soutenir :

Il était une fois cinq beautés en prison,
Prisonnières d'une culture, d'une maison.
L'oncle vil, ses barreaux ; symboles d'une oppression
désarmante, désolante. Vile religion !

Virgin Suicides, mais en Turquie ? Réducteur,
Et pourtant vrai, tout deux font l'ode de la Candeur.
L'esthétique peut être hasardeuse parfois
mais dis-moi pourquoi pinailler face à la joie ?

Mustang parle de la vie, parle de malheur,
Mais ce sont les gloires de ces enfants, leurs bonheurs,
Qui peignent tristement le cadre en couleur;
Mustang ! Mélancolie figée, pleine de cœur.

Et voilà tout ! Passez une bonne semaine cinéma ! Et à très bientôt pour parler de STAR WAAAAAARS !!!!!

Knights of Cup : Transe Malick

Mais où est passé Terrence Malick ? Bout de chou, qu'est-ce qui t'arrive ? Trois ans après sa date de sortie d'origine, Knight of Cups, conclusion de sa trilogie existentialiste autobiographique vient s'installer sur les écrans ; avec comme toujours un paquet de stars dans ses belles images, et qui jouent comme jamais vous ne les avez vu auparavant. Christian Bale, Natalie Portman, Cate Blanchett, Rooney Mara, Imogen Poots... tous méconnaissables. Parce que Malick.

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A l'époque de Tree of Life, premier volet de la trilogie, on avait pu en lire, des critiques acerbes sur les envolées anti-structurelles et totalement sensorielles des images. Mais ça, c'était parce que le film avait eu la Palme d'or... là, les deux suivants dont Knight of Cups, personne ne les a vu au final. Du coup, personne ne s'en plaint mais il va quand même falloir le dire : oui, c'est beau. Oui, parfois c'est majestueux. Oui, c'est touchant, unique. Mais surtout, surtout Terrence, on ne comprend plus rien. Ha mais on ne pipe pas une jérémiade, on ne pige pas ! Et je vous jure que je fais attention hein... mais les structures éclatées avec des montages où ton perso marche dans une ville puis il est dans le désert puis il drague une fille dans un club puis il s'engueule avec son père sur un toit d'immeuble alors qu'un agent lui propose un script à écrire dans un décor de ville à Hollywood, le tout presque sans dialogue et avec une voix-off qui pose des questions ouvertes, je suis désolé, mais quand c'est mal dosé, je suis perdu.

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Alors on se raccroche aux moments de bravoure, aux points de repères que l'on peut espérer ; on cherche un point d'ancrage périodique. En cherchant, on s'égare beaucoup, presque autant que Christian Bale qui à un moment se retrouve à écouter un type en super costume qui explique qu'il se fait un max de blé et que sa vie c'est un peu Call of Duty en mode easy... ce type soit dit-en passant, c'est Nick Offerman. Ouais, on voit jamais sa tronche ni de près ni de loin, mais on entend sa voix, et je vous jure que c'est lui, j'ai vérifié. Je suis resté au générique rien que pour lui ! Du coup, ça veut dire que Nick Offerman a tourné avec Terrence Malick, qu'il a probablement tourné un paquet de scènes d'anthologie, et que nous ne le verrons jamais. C'est un peu ça aussi la frustration d'un fan de Malick comme moi : savoir que ses oeuvres ne sont que le sommet d'un iceberg. Il submerge volontairement le reste pour correspondre à sa vision mais croyez-moi, il est difficile de toujours croire qu'il ne nous garde que le meilleur...

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Et puis on le trouve, le point d'ancrage. C'est les jambes des femmes. Ouais. Carrément. Le film en est saturé. D'une manière absolument hypnotique, à chaque fois qu'une femme apparaît dans le cadre, l'oeil se dirige vers leurs jambes, de manière systématique, parce que c'est ce que Christian Bale regarde. Mais attention ce ne sont pas que des jambes ; ce sont des jambes avec des talons au bout des pieds, qui dessinent de fil en aiguille une obsession pour la forme charnelle qui se sublime dans certains passages (la femme nue sur le téléphone au balcon, assez bouleversant dans son apparition) ou transforme le grotesque en mignonnerie (oui, Christian Bale lèche les orteils de Natalie Portman, et c'est mignon, rien que ça on peut en parler comme un exploit de mise en scène).

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Et puis bon, à part ça, ben difficile de trouver quelque chose à dire. Si ce n'est... reviens Terry. Reviens vite. Tu as réalisé trois des plus beaux films au monde, dont peut-être le plus beau de l'histoire du cinéma en 1978. Mais maintenant, tu m'inquiètes un peu. Reviens-nous voir vite.

mercredi 9 décembre 2015

Noël : Osons s'offrir du réconfort

Un critique de cinéma, amateur ou professionnel, est facilement rabat-joie. C'est vrai quoi, on passe notre temps à chercher la petite bête ; en sortant carrément le microscope parfois ! Rien que le mot semble terni de nos jours. Critique. Une tique qui hurle, ah ouais dit comme ça, ça fait pas envie hein.

Et Noël est une cible parfaite pour un tel comportement ; ah la fête commerciale, faussement religieuse, la fête faux-cul en somme, où les bonnes actions sont là pour se donner bonne conscience ,ne pas se poser de questions le reste de l'année... sauf que non. Stop les copains. Cessons un instant de rabattre les joies, et laissons-les s'exprimer dans la buée de l'hiver approchant.

Noël et les bons sentiments, cela va de pair ; il faut savoir se permettre une absence d'arrière pensée parfois, et aller chercher le réconfort dont nous avons besoin. On ne va pas se mentir, ce ne sont pas forcément des jours faciles chez nous. Et pour y remédier, il y a le cinéma ! Je vous propose donc, en attendant que la neige vienne nous passer le bonjour (laissez-moi rêver bordel), de vous montrer trois manières qu'ont le cinéma et Noël de s'associer pour réchauffer nos cœurs et nos âmes emmitouflés.

1) Noël, c'est laisser le cinéma nous rajeunir

Il y a toujours un film d'animation à Noël au cinéma, ce qui est parfait pour retomber en enfance ; face à l'immensité spectaculaire de l'écran des salles obscures, difficile de se sortir trop adulte. Cette année, c'est Le Voyage d'Arlo qui vient nous apprendre comment faire face à nos peurs, tout en nous rappelant ce que veut dire innocence. Et bordel, c'est beau de se sentir comme un enfant à nouveau.

2) Hollywood et sa hotte

Il est vrai que la majorité des grosses productions sortent pendant l'été, parce que le flouze coule à flots, mais certains résistent encore et toujours à l'envahisseur ; Peter Jackson et sa barbe ont joué à Papa Noël 6 fois en 15 ans, et dans tout pile une semaine des millions de fans vont accueillir à bras allongés les héros de Star Wars, les yeux embués.

3) Noël, c'est un sujet de cinéma

Enfin, Noël, c'est un excellent sujet cinéma, et là je vous propose de parfaire votre culture : plutôt que de revoir une énième fois le génial La Vie est Belle, tentez l'irrésistible Rendez-Vous d'Ernst Lubitsch, toujours avec James Stewart. Une belle histoire d'amour, celle d'un homme et d'une femme, mais aussi celle d'employés pour leur magasin et leur employeur. Croyez-moi, il n'y a pas plus Noël que ce film.

samedi 14 novembre 2015

J'ai besoin de communiquer.

J'ai besoin d'écrire et je me rends compte que j'ai une plate-forme pour le faire, rien qu'à moi. J'ai besoin de frapper les mots pour délier mes pensées parce que j'ai du mal à y voir clair. Difficile de penser, rien à foutre des répétitions. Pourquoi est-ce que j'ai pleuré cette nuit ? Pourquoi est-ce que j'ai dormi à peine trois heures ? Soyons clairs, tous mes proches sont en vie. Est-ce que j'essaie de tirer la couverture à moi, est-ce que je veux moi aussi hurler "je suis triste, regardez-moi" ? Apparemment oui, puisque j'écris ici, et puisque je compte bien publier ce texte.

Mais je ne pense pas que cela soit si simple. Je ne pense pas qu'il faille y voir de la malveillance, ou des sentiments méprisables. Non, tout d'abord, c'est parce que les mots ont besoin de sortir pour être communiqué, pour rester dans la conversation. Malgré cela, il est vrai qu'il y a beaucoup de voyeurisme dans les faits, et un côté pervers que certains ne manqueront pas de remarquer. Je n'ai pas voulu regarder les vidéos affreuses qui ont pu circuler ici et là, mais je n'ai pu m'empêcher de lire des témoignages, et d'être plus qu'horrifié. Ironie du sort, quand à peine 24 heures plus tôt un acte de performance art nous forçait à nous observer, nous et notre culture du moi, et à se remettre en question, d'autres viennent ici le faire, d'une toute autre manière. Avec le meurtre.

Donc, ce n'est pas simplement de la perversion, de la malveillance ; à ce stade-là, je ne pense pas qu'il faille refréner les sentiments. Tout ça, c'est de la peur, et elle est bien fondée. Parisiens, résidents français, nous avons raison d'avoir peur. Parce que d'un seul coup, nous avons basculé dans ces sections des journaux que nous lisons sans réellement percevoir la puissance du réel derrière les mots. Hier soir le réel a décidé de nous renvoyer l'appareil bien comme il faut. Nous avons peur, j'ai peur, et je pense que c'est le sentiment le plus important ici. Il ne s'agit pas de retrouver une fierté nationale, il ne s'agit pas de dire que nous n'avons pas froid aux yeux face aux dangers du terrorisme, non. Arrêtons de se voiler la face ; tout le monde sur Facebook et Twitter ne parle que de ça. Le terrorisme a pour but d'installer la terreur, c'est-à-dire une peur qui paralyse. Ouvrons les yeux : ils ont réussi. Le temps a arrêté de tourner pour beaucoup d'entre nous ici. J'ai passé ma journée à alterner entre des tentatives d'activités, et des retours sur les informations du Monde. Non, je ne suis pas capable de passer à autre chose. Oui, j'ai peur.

Heureusement, ce n'est pas entièrement le cas, ni le cas de l'Etat. Nous sommes beaucoup à avoir voulu donner notre sang pour les victimes ce matin. Quant aux forces de l'ordre ainsi qu'au gouvernement, ils font tout ce qu'ils peuvent pour... pour quoi ? Je ne sais même pas maintenant. Pour nous aider à nous relever de cette situation. Mais si l'Etat peut agir maintenant, c'est parce que ce n'est pas lui qui a été attaqué. Ce ne sont pas les forces armées, ce ne sont plus les journalistes, ce sont les citoyens. Les citoyens moyens, qui vont à des concerts, dans des bars, qui vont voir du sport. C'est le loisir qui est la cible, c'est nous. Alors je ne pense pas qu'il faille cacher ce fait : j'ai peur. Je passe ma vie dans les cinéma, je vais souvent à des spectacles, à des concerts, et j'ai peur.

Au final, j'écris beaucoup sans forcément réfléchir, et je sais que ça n'a ni queue ni tête, mais je pense qu'il est important, que maintenant, nous ayons peur. Techniquement, oui, cela veut dire que les terroristes ont gagné, sauf que non. Parce que la vie, ça n'est pas aussi simple que gagner et perdre, et parce que si l'instant veut que la prédominante soit une paralysie aveuglée par les bons sentiments qui sont toujours bons à prendre (voir les images de recueillement, le soutien apporté dans le monde entier...), l'instant passe. Et après cela vient la réaction, et c'est là qu'une deuxième forme de peur apparaît.

Quel impact sur la COP21 ? Sur les campagnes politiques ? Sur la radicalisation du pays ? Sur la montée du racisme, extrêmement évidente lorsque l'on sort de notre bulle ? Même si le premier n'est pas supposé être affecté, il y a tout de même des raisons d'avoir peur. C'est pour cela, que lorsqu'elle se sera dissipée, nous devrons réfléchir aux côtés de nos dirigeants et représentants, de ce que nous allons faire par la suite. Je dois l'admettre, quand François Hollande a parlé de guerre hier soir, je n'ai pas vraiment réalisé l'ampleur de ses propos. C'est comme si depuis début 2015, je vivais dans une espèce de paradis, ignorant volontairement le fait que la France est catégorisée comme cible numéro un du terrorisme dans le monde. Que nous le voulons ou non, la guerre est entrée chez nous, et quand nous serons tous calmés, peut-être serons-nous capable de nous refuser à l'embrasser, et plutôt la renvoyer chez elle ?

Tout cela est inconcevable. Vraiment, inconcevable. Comme toujours avec mes amis, nous n'avons pas attendu pour faire des blagues sur le sujet. Cela fait du bien, et puis on se prend un peu pour des comédiens (après tout beaucoup d'entre nous sommes comédiens amateurs et amateurs de comédie), mais cela n'a pas réussi à m'ôter cette idée de la tête : pourquoi ? Pourquoi ? Et surtout, comment peut-on espérer résoudre cela ? Les actions des terroristes, aussi barbares qu'elles soient, trouvent leurs sources dans un passé commun très lourd dans lequel notre pays s'est impliqué. Et ce sont des gens comme nous, des citoyens, qui en paient le prix. Des victimes de conflits entre puissants qui nous dépassent totalement. Les victimes, elles, ne nous dépassent pas. Elles sont là, et il sera difficile de les oublier.

Et je parle d'oublier car je pense à un autre risque : la sacralisation de la tragédie. Bon, je divague beaucoup et je ne sais plus trop ce que je veux dire par là, mais dans tous les cas, ne faisons pas comme les Etats-Unis avec le 11 Septembre. N'ayons pas peur de regarder les crimes en face, n'ayons pas peur d'en parler ; ayons peur, parce que ce serait absurde de refouler notre sentiment général là maintenant, mais n'ayons jamais peur de tenir tête aux actes, et ainsi peut-être, marcher ensemble vers des formes de solution.

Je pars dans tous les sens mais je ne peux m'en empêcher. J'ai peur, j'aime écrire plus que tout, et c'est la seule chose que j'arrive à faire maintenant. Certains dessinent le chagrin, ils le font très bien d'ailleurs. Moi je parle avec mes doigts. Hé, cette image est super moche et clichée ! Mais je pense que pour aujourd'hui, on me la pardonnera.

Allez. Il faut espérer sortir de ce merdier. Et ne pas avoir honte de cet espoir. Partout sur la planète, de mon balcon où la bougie ne cesse de s'éteindre (le vent n'a aucun respect ce gros bâtard) à des personnes qui n'ont jamais vu la Tour Eiffel en vrai, des personnes continuent de croire qu'il y a du bon en ce monde. Plus nous serons dans ce camp, à la fois d'idéalistes et de pragmatiques prêts à se battre pour que la peur n'ai plus lieu d'être, plus cette croyance sera la plus belle de toutes. Car elle sera alors la plus vraie.

dimanche 8 novembre 2015

Le Fils de Saul : Entendre l'Horreur

Il semble systématique qu'un film primé à Cannes fasse couler beaucoup d'encre ; alors quand l'un d'eux décide de plonger dans l'ambiance pas vraiment cinq étoiles d'un camp de concentration en Pologne, forcément ça va faire du bruit. Le Fils de Saul a été récompensé à Cannes par le Grand Prix de cette année, mais ce n'est pas pour autant que le film a été apprécié ; il a déjà fallu faire des pieds et des mains pour pouvoir le produire, le réalisateur s'étant retrouvé totalement niqué par les sociétés de production françaises notamment. Mais même après sa sortie, on a pu entendre tout et n'importe quoi sur le film ; génial ou abject, solaire ou diffamatoire, j'en passe et des oxymores.


Je n'ai pas l'intention de dire du bien ou du mal de ce film. Le Fils de Saul joue la carte de l'immersion et nous colle aux basques d'un personnage nommé Saul, qui fait partie des prisonniers aides dans un camp de concentration. En gros, il accompagne les gens à la douche, puis récupère les corps et nettoie derrière. Ouais, c'est pas pour les âmes sensibles mais en même temps pour parler d'un sujet pareil on ne va pas y aller avec les pincettes de la mère Michel, non il faut y mettre les mains et se salir bien comme il faut. Et pour cela, le réalisateur László Nemes a choisi de ne jamais quitter Saul ; le reste est dans le flou, ce qui pourrait sembler être de la pudeur mais qui a un effet totalement inverse. Bref, Saul trouve un jour un cadavre d'enfant et le cache pour que son corps ne soit pas mutilé par les docteurs nazi, et cherche un rabbin pour lui apporter la paix céleste. Je vous avais prévenu, ça fait mal par où ça passe.


Donc, ni de bien ni de mal, voyez-le et faîtes vous votre avis sur le sujet ; certains critiques que j'adore ont détesté et ont des arguments extrêmement persuasifs, d'autres ont adoré et sont tout aussi pertinents. Non, ce qui m'intéresse ici, c'est de porter attention à l'utilisation du son qui a été faite dans Le Fils de Saul. Je l'ai dit plus haut, en général en dehors du personnage principal le reste de l'image est flou ; souvent on y aperçoit les pires horreurs, un nombre incalculable de morts, et le flou n'apporte pas une pudeur comme on aurait pu s'y attendre, par un paradoxe qui à ce jour m'échappe, il intensifie l'horreur. Peut-être par une immersion aveuglante, puisque Saul vit avec des œillères depuis la découverte du corps de l'enfant. Mais contrairement à l'image, le son est terriblement clair. Tant et si bien qu'à un moment du film, il y a eu du bruit dans le cinéma et j'ai remarqué que j'avais du mal à faire la distinction entre ce qui sortait des enceintes et ce qui était réel.


Je ne sais pas comment ils s'y sont pris, mais le son dans Le Fils de Saul suffit à l'expérience. Tout de suite, on a le sentiment d'être à la fois sur la Tour de Babel, avec toutes les langues incompréhensibles qui se chevauchent ici et là, et dans un Enfer mythologique où les cris et supplices se font entendre sans discontinuer. Le volume - aux deux sens du terme - insoupçonné de l'atmosphère sonore du film est extrêmement déroutant et également novateur à mon sens. Si vous en avez le courage et ne trouvez pas l'entreprise déplacée voire immorale (ce que disait Jean-Philippe Tessé dans les Cahiers, et je ne peux pas vraiment lui donner tort), tentez l'expérience, je vous assure que cela vaut le détour. Prévoyez juste un chocolat chaud après pour se remettre d'aplomb.