Sacré rythme de travail pour Hong Sangsoo ! C’est déjà son quatorzième film, et il retrouve ici son thème de prédilection, les sentiments amoureux. Nouveau coup de pinceau dans la même gamme de couleur, Haewon et les hommes est cependant loin d’être redondant ; le cinéaste dessine sans complexe une élégante cartographie de la désillusion amoureuse.
Le pitch : Haewon, une jeune et belle étudiante, veut mettre fin à la liaison qu’elle entretient avec son professeur Seongjun. Se sentant déprimée par le départ de sa mère qui part s’installer au Canada, elle le contacte à nouveau. Le film se construit ensuite autour d’un désenchantement progressif…
Le départ de la mère d’Haewon, voilà l’élément déclencheur d’un film dont le titre international « Haewon nobody’s daughter » est à cet égard bien plus parlant. Sans l’aile protectice du parent, et les songes et rêveries de la jeune femme volent en fumée ; le passage à l’âge adulte est soudain, et donc violent. Difficile de comparer l’enfant qui court autour d’une statue au début du film, et la femme qu’elle est devenue à la fin : la frontière entre rêve et réalité est trouble. Situations et lieux se répètent et se mélangent, la confusion s’installe : l’histoire devient histoires, la véracité de l’action n’est plus qu’une illusion. Après tout, Haewon - qui est également narratrice - est souvent endormie, ou éméchée dans le film ; où s’arrête alors le fantasme ?
Les parallèles entre deux rencontres (le jeune homme et le professeur vivant aux USA) montrent bien ce jeu permanent : un plan sur la chaussure d’Haewon écrasant une cigarette, une rencontre devant la librairie, une discussion étrangement familiaire à propos d’un livre… Haewon raconte et prend le pouvoir, elle fait de son rêve la réalité cinématographique ; son désir d’inconnu (à la fois en tant que personne et en tant que désir de voyage) impose au spectateur sa propre réalité.
Le fantasme du voyage est illustré par la fascination de l’héroïne pour l’Occident, et ce dès le début du film lorsqu’Haewon rencontre et récupère le numéro de téléphone de Jane Birkin après une rencontre pour le moins incongrue. L’idée du voyage est présentée comme une promesse, d’abord par cette rencontre, puis par le départ de la mère, qui promet un lien avec le Canada. La dernière promesse est celle du professeur, qui l’invite à la rejoindre aux Etats-Unis. Des trois promesses, aucune ne se concrétise.
C’est cette dernière qui marque le plus, puisque la rencontre entre le professeur et Haewon est symptomatique des illusions que la jeune femme se crée à propos des hommes. La désillusion est habilement accentuée par un contraste frappant entre l’amertume de la scène finale et la scène plus enjouée qui la précède - et la musique (7ème de Beethoven) accompagne parfaitement cette décoloration progressive du fantasme.
Rien de très nouveau au fond pour Hong Sangsoo : une réalisation simple et précise, une illustration des sentiments amoureux, un jeu sur l’ambiguïté entre rêve et réalité, et une pointe d’humour pour enrober le tout. Le réalisateur sud-coréen utilise sa partition habituelle mais change les instruments et se renouvelle sans jamais ennuyer.
Un film à voir !
Auteur : Louisa Fourage
Mis en forme par RJB.
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