lundi 23 février 2015

Oscars 2015 : The Sound of Movies



(Avant de lancer l'article, voici une "petite" vidéo tournée pour le fun, pour discuter des Oscars. C'est tout. Lolilol. C'est assez drôle de voir comment on s'est planté pour plein de trucs. Mais ne regardez pas cette vidéo.)

Salut ! Vous allez bien ? Il fait un peu beau mais un peu moche aujourd'hui, c'est assez étrange comme type de ciel.



Voici mes remarques et pensées sur la cérémonie des Oscars de cette année, en quelques catégories bien distinctes :

Des Césars aux Oscars :

De vendredi soir à dimanche soir ont lieu tous les ans trois cérémonies. Les Césars bien de chez nous, puis les Spirit Independent Awards, et les "Dependent Awards" le dimanche, comme l'a si bien dit Neil Patrick Harris, c'est-à-dire les Oscars.


Et franchement, j'aime le cinéma français, mais je n'aime vraiment pas les Césars. Déjà, je trouve qu'ils représentent une tranche étrange de notre cinéma, sans oser par exemple aller représenter les plus indépendants (Pascale Ferran...) ou aller chercher dans les gros succès populaire - en dehors de La Famille Bélier -. Mais ça, c'est une mince critique, c'était une belle sélection et il y avait de très beaux films qui méritent d'être vus et reconnus, notamment Les Combattants et Timbuktu. Donc, seulement trois choses :

1. La cérémonie coûte quatre fois moins cher que les Oscars, mais elle fait beaucoup, beaucoup, beaucoup moins professionnelle que cela. A aucun moment je n'ai ressenti un amour pour le cinéma émaner de l'assemblée... et encore moins pour la comédie. Car admettons-le, un bon français est un français qui a de l'humour, et si on engage des comédiens comme Edouard Baer pour animer, il faudrait peut-être que les stars rient un peu à ses blagues, plutôt que de le laisser se manger des bides intersidéraux... Aux Oscars, le temps de parole est limité, et c'est grave abusé pour les techniciens (mais au moins eux reçoivent des prix là-bas), mais au moins c'est pro.

2. La musique. Putain de merde la musique. Est-ce que c'est si compliqué que ça, au moment où un film remporte un trophée, de passer dans la salle la musique du dit film ? Et ainsi honorer le film en question ? Ah, on me répond "non fuck youuu on va mettre la musique des Avengers quand Timbuktu va gagner c'est pas logique mais je t'emmerde mon gaaars", donc tant pis.

Aux Oscars, ils ont tellement la classe qu'ils ont un orchestre. Et cet orchestre joue des phrasés musicaux cohérents à chaque fois qu'une célébrité vient présenter quelque chose : la musique d'Edith Piaf pour Marion Cotillard, une variation des Hunger Games pour Josh Hutcherson... et... une version symphonique de "Eye of the Tiger" pour Matthew McConaughey? Bon, je n'ai pas compris ce dernier choix, mais hé au moins c'était classe !

3. On peut aimer ou non La Famille Bélier. Bon, moi je ne l'aime pas du tout. Mais déjà, la nomination en tant que meilleur espoir de l'actrice principale m'avait beaucoup surpris. Le fait qu'elle ait remporté le prix me dégoûte, tout simplement. Parce que si je n'aime pas sa manière de chanter, je peux reconnaître qu'elle chante bien. Mais son jeu... n'était pas bon. Et face à elle, dans cette catégorie, il y avait les deux actrices de Respire, le film bouleversant de Mélanie Laurent. Cette victoire peut vouloir dire deux choses : les votants ne savent pas ce que c'est que de jouer, ou bien ils n'ont vu aucun des autres films nominés dans cette catégorie, ce qui n'est pas franchement plus glorieux.
Je trouve que récompenser sa performance et ignorer celles des autres est une injure à tous les acteurs et actrices du pays qui tentent de faire carrière.



Passons maintenant aux Oscars, et pour en parler, divisons cela en trois catégories : le défilé, le spectacle et les vainqueurs. (Je précise ici : il y a quelques films que je n'ai pas pu voir au moment des Oscars, puisqu'ils n'étaient pas sortis : Selma, Still Alice. Et j'ai aussi raté Unbroken)

Le Défilé :

Les Oscars, c'est avant tout une démonstration, un show. Ce sont des belles tenues, des belles coiffures et l'occasion pour nous tous qui adorons le cinéma d'admirer tous ces acteurs et ces actrices sur leur 31. Et malgré le fait que j'ai un jour eu la chance de mettre en scène un défilé de mode (forever grateful Marinette), on ne peut pas dire que je m'y connaisse beaucoup donc : c'était beau. Voilà.


J'ai notamment apprécié les costumes de Jared Leto et Matthew McConaughey, ainsi que certains de Neil Patrick Harris qui rappellent aux hommes qu'ils ne sont pas forcés de se vêtir de noir. Anna Kendrick était superbe, Zoe Saldana resplendissante, et Reese Witherspoon transpirait la classe.



Le Spectacle :

Avec trois sous-parties :

Neil Patrick Harris :

Il est vraiment agréable de voir comment un hôte apporte sa touche personnelle à une cérémonie. Avec ce cher NPH, on pouvait s'attendre à un peu d'humour, beaucoup de musique et une touche de magie ; et c'est exactement ce que nous avons vu. Le numéro d'ouverture, évidemment musical, célébrant la grandeur du cinéma tout en s'offrant une auto-critique décapante avec cette apparition de Jack Black, a été pour moi la meilleure partie de la soirée. NPH a aussi lancé une scène parodiant Birdman tout en incluant Whiplash avec brio, c'était vraiment bien trouvé.



Son tour de magie a aussi été assez amusant, même s'il était plus directement réservé aux personnes présentes dans la salle.
Enfin son humour a été... en dents de scie. La plupart des blagues étaient amusantes, mais son tempo était vraiment étrange. Mais ça n'a aucune importance, le reste était super !



La musique :

Là, le film Lego a marqué un grand coup. La performance de "Everything is Awesome" était vraiment totalement dingue, vraiment il faut le voir pour le croire. Ils n'avaient pas besoin d'être nominés dans la catégorie meilleur film d'animation, ce numéro aura bien suffi à faire jaser ! Et puis lors de leur distribution d'Oscars en lego (ah mais oui) dans le public, ils n'ont pas oublié Channing Tatum, énorme snub après sa performance dans Foxcatcher, et cela m'enchante.







Puis, il y a eu Glory. C'est un de ces moments où Hollywood mélange réalité et fiction, mais sans le côté malsain qu'on lui reproche souvent. C'est simplement un moment d'émotion pure, c'est une toute salle émue par des mots et par l'héritage qu'ils portent avec eux. Les Oscars, tous les ans c'est politique et cette année ne déroge pas à la règle ! La mention de la mise en danger du Civil Rights Act, des inégalités hommes/femmes, de la situation d'Edward Snowden, sans parler du discours exceptionnel du scénariste de The Imitation Game... certains s'attaquent à des grandes causes et ont bien raison.




Enfin, le moment wtf de la soirée pour moi, c'est clairement l'hommage à The Sound of Music par Lady Gaga. Finalement, l'étape suivante dans le "toujours plus choquant et bizarre" de la chanteuse, c'était ça, et c'était absolument brillant. Chapeau bas, franchement bravo.



Les animations :

C'est là aussi où les Oscars ont franchement, la classe ultime. La réalisation de l'événement est toujours irréprochable, et la présentation des nominés dans toutes les catégories notamment les techniques et technologiques, est à la fois inventive et respectueuse des films présentés. Je pense à l'animation qui accompagne le montage son, qui montre des pistes dans un logiciel de montage, je pense à la transformation des acteurs qui illustre le travail de coiffure et de maquillage, ou encore aux belles photographies qui montrent les décors et accessoires... Ce respect du travail de l'artisan qui réalise les films est sans aucun doute ce que je préfère aux Oscars.




Les Vainqueurs :

On s'en fout. On s'en fouuuuuuuut. On s'en fout. Vraiment. Bon, non, pas vraiment. Mais un peu.



Au final, cela n'a aucun sens de comparer la majorité de ces films ou leurs travaux. Regardez la catégorie film d'animation : comment comparer deux superproductions pour enfants de Disney et Dreamworks, à des films plus expérimentaux et plus adultes comme Le Conte de la Princesse Kaguya et Le Chant de la Mer ? Cela n'a pas vraiment de sens, c'est simplement une question de goût.



Les nominations ont du sens. L'académie sélectionne un petit groupe, une élite qui correspond à son cadre cinématographique (ce qui ignore une grande partie du cinéma du monde bien évidemment, et en toute conscience !) et dit aux spectateurs "voici des films, œuvres, talents, personnes, qui nous ont impressionnés cette année. Nous vous les présentons". C'est de la promotion ! Il s'agit de mettre certaines créations sous les feux de la rampe. Ainsi, quand un film des frères Dardenne (Deux Jours Une Nuit), un film d'animation franco-danois (Le Chant de la Mer) ou encore un film en noir et blanc polonais (Ida) se retrouvent honorés aux Oscars, aux côtés de d'autres films plus "importants" mais tout aussi bons comme les succès indépendants de l'année Birdman et Boyhood... et bien il y a de quoi être content.

Dès lors, les vainqueurs sont juste une satisfaction personnelle ; Ida a remporté un Oscar et son réalisateur a parlé plus longtemps que la musique, c'était merveilleux. Eddie Redmayne a été récompensé pour sa performance, Patricia Arquette aussi, et surtout The Grand Budapest Hotel a été honoré pour sa richesse visuelle et sonore à de nombreuses reprises. Sans parler du succès d'Interstellar dans la catégorie effets visuels, ce qui dénote d'un respect et d'une appréciation encourageante pour les réalisateurs et techniciens qui tentent encore et toujours de nous faire rêver avec des effets spéciaux, et non pas un abus d'effets numériques.



Je me fiche de qui a gagné, je retiendrai simplement que beaucoup de très beaux films ont été représentés lors d'une soirée importante pour le cinéma, puisque la cérémonie est vue par beaucoup de gens qui n'ont pas vu les films en question... alors si ça peut leur faire de la pub, tant mieux !

Joyeuse semaine à tous, et vive Ida, vive Boyhood, vive The Grand Budapest Hotel, et vive le cinéma sa race.

vendredi 20 février 2015

Bis : Nope.



Et ben c'est nul. Voilà.

C'est l'histoire de deux bobos parisiens qui par une extraordinaire facilité de scénario et un effet numérique bidon, se retrouvent en 1986, quand ils avaient 17 ans. Oui, exactement comme dans Camille Redouble ! C'est surtout l'histoire de Renaud ne peut pas blairer les comédies françaises à la sauce TF1 je crois. Bien sûr, les acteurs et actrices sont bons, très bons, et il y a des répliques drôles ici et là (UNE scène est irrésistible. Kad Mérad, 17 ans, débarque chez une femme qui hurle parce qu'elle va accoucher. Il a toute son expérience de gynécologue de cinquante ans, mais une tronche de gosse de 17 ans. Franchement, la scène est super), mais dans l'ensemble c'est chiant. Qui plus est la résolution scénaristique finale n'arrive jamais, vu qu'au final tout est conclu par un accident, et l'évolution des personnages est purement circonstancielle. Quitte à faire un film bateau, autant en respecter les codes...



Le seul moment où le film sort de la médiocrité, c'est lors d'une séquence émotion entre Frank Dubosc et son papa, puisque ce premier tente de réparer leur relation. C'est sympa sauf que Noémie Lvovsky l'a déjà fait, et en beaucoup mieux, il y a à peine deux ans. Mais bon ! Tant pis. Je retiendrai surtout de ce film que les habits des années 80 et les coiffures sont superbes, que les filles dans le film sont extrêmement jolies et que le type qui joue Dubosc jeune est absolument magnifique.

Enfin, heureusement, comme dans toute comédie franchouillarde franco-française, il y a de très bons rôles féminins.



HAHAHAHAHA. Mais non enfin. Le deuxième personnage féminin le plus présent à l'écran après la fille principale a pour seule identité "nymphomane".

"So swagg", comme dit la fille de Kad Mérad dans le film, parce que les jeunes ça parle comme ça.

American Sniper : Où comment Clint Eastwood tira en plein centre.

Tous les ans ou presque lors de la présentation des films nominés aux Oscars, un film alimente la polémique. The Wolf of Wall Street fait l'apologie d'un mode de vie immoral et ternit le rêve américain, Zero Dark Thirty glorifie la torture, et maintenant Clint -le républicain fou - Eastwood réalise une hagiographie infâme sur un sniper des SEALS avec American Sniper...


Tout cela, je l'ai lu et entendu. Et à tout cela, je réponds : allez tous vous faire foutre, vous ne méritez pas de parler de cinéma. C'est violent là hein ? J'apparais pédant, hautain et grossier, et encore je n'ai pas encore dit que toute personne qui voit dans American Sniper un portrait idéalisé d'un héros américain (avec deux réactions opposées : le soutien de ce portrait ou le dégoût face à la propagande) n'est pas capable de comprendre comment le cinéma fonctionne. Oups ! Je l'ai dit. Là je parais même détestable. Vous me trouvez détestable là ? C'est parce que je vous ai donné l'occasion de me caractériser comme tel, c'est justifié. C'est dans le texte, vous avez lu mes mots et vous en avez tiré une conclusion logique. Vous voyez où je veux en venir ? Toute personne capable de lire un film ne verra dans American Sniper ni une horreur propagandiste, ni une célébration méritée. Est-ce que je suis extrêmement catégorique juste pour marquer le coup ? Est-ce qu'en réalité je ne suis pas dur à ce point ? Bien sûr que oui, je fais juste ça pour capter votre attention et présenter mes idées. Alors on est parti.


American Sniper raconte l'histoire de Chris Kyle, le sniper le plus redoutable de l'histoire de l'armée américaine, qui a tué un nombre terrifiant de personnes lors de ses quatre tours sur les traces d'Al-Quaeda. Le film raconte sa découverte de son sens du devoir, qui s'est éveillé devant la télévision lors des attentats du 11 septembre 2001, puis alterne entre sa vie dans l'armée sur le terrain et sa vie de famille, "back home". Mais ce n'est pas comme cela que le film commence : tout d'abord, le scénariste (qui a sans doute trouvé cela dans le bouquin de Chris Kyle, dont le film est adapté) montre la perception du monde extrêmement simpliste de Kyle, héritée de son père. Il divise les hommes en trois catégories : les loups, les moutons, et les chiens de berger. Donc, des méchants, des gentils, et des héros qui se doivent de protéger les gentils. C'est là qu'est toute la clé du film : Chris Kyle conçoit le monde comme cela, ce qui explique la perspective "héroïque" de l'oeuvre. Chris Kyle n'est à l'aise dans la guerre, et dans ses traumatismes liés, uniquement lorsqu'il se force à rester dans une vision simpliste, et Clint Eastwood le montre très bien, avec beaucoup de retenue : Kyle se crée un adversaire, un sniper ennemi, une sorte de bête noire qui dans un Disney serait le grand méchant du film, sauf qu'ici personne ne fait une fixette dessus en dehors de lui. On voit passer des comic books du Punisher, ainsi qu'une lettre d'un camarade mort au combat qui dit avoir perdu foi en cette vision patriotique du monde. Ce à quoi Chris Kyle répond : ce n'est pas la guerre qui l'a tué, c'est qu'il a arrêté de voir le monde comme il faut et il a perdu ses convictions. A un moment, Eastwood menace même sa division tripartite de la société : les premières victimes de Chris Kyle au front sont bien des menaces, mais ce ne sont pas du tout des soldats...


Ah tout de suite, vu comme ça, on comprend mieux hein ? Clint Eastwood ne raconte pas l'héroïsme de cette homme, il ne fait pas de propagande, il ne fait QUE raconter avec la retenue la plus grande possible. Ce qui était également le cas dans Zero Dark Thirty : la mise en scène est plus que sobre, le réalisateur se concentre sur l'efficacité du montage pour les éléments dramatiques mais pour le reste, il est très en retrait. C'est exactement pour cela que les débiles de Fox News ont vu dans le film une biographie élogieuse, et qu'ils l'encensent, et c'est exactement pour cela que les journaux libéraux réac attaquent le film et Eastwood pour acte de propagande à la Griffith : Eastwood ne fait que présenter sans juger d'aucune manière. Aucun lyrisme dans le montage, aucune musique pour accompagner les actes de guerre, juste de l'efficacité et de la distance. C'est comme une page blanche, et le spectateur non habitué peut alors projeter ses propres conceptions sur le film. Est-ce que c'est la faute du film si les spectateurs ne sont pas parvenus à faire cela ? Est-ce que ma vision des choses sera considérée comme "fausse", puisque la majorité n'est pas d'accord avec moi, et que la vérité appartient à la masse ? Je n'en sais rien, et puisque la masse ne me lit pas, je l'emmerde. Je lui dit va te faire foutre un œuf chez la mère Michel.


Oui, je suis énervé. Mais c'est parce qu'on parle de Clint Eastwood là. Le bonhomme a beau avoir fait parlé de lui ses dernières années pour son image publique de républicain déglingué sénile, il reste un des derniers géants du cinéma américain classique, et surtout il a TOUJOURS su utiliser son art pour questionner ses propres croyances. C'est là tout son génie. Eastwood est devenu réalisateur alors qu'il véhiculait déjà un bagage taille Star Destroyer de l'Empire (un gros bagage quoi) en tant que star, et quelle a été la première image de son premier film ? Une célébrité, jouée par lui-même, face à un tableau de lui-même dans une mansion sublime. Eastwood n'est pas con, alors n'essayez pas de simplifier son art ! Républicain très affirmé, il a pourtant remis en cause ses propres croyances dans sa filmographie récente avec la déconstruction de J. Edgar, la question de la peine de mort dans Jugé Coupable, de l'éthique du débranchage (je sais que ça s'appelle pas comme ça) dans Million Dollar Baby, sans parler de son coup de maître avec Gran Torino et de son dyptique sur la guerre avec Flags of our Fathers et Letters from Iwo Jima. Alors franchement, penser que Clint a pété une durite et fait un portrait sans réfléchir à la complexité qui l'entoure, et pire penser que Clint a voulu présenter la vision du monde Chris Kyle comme la sienne, c'est faire honte à sa carrière.


Tout ça pour une polémique autour d'un film qui, au final, n'est pas d'un intérêt majeur. Franchement, c'est un bon film, très professionnel ça c'est clair et on n'attend jamais moins d'un film d'Eastwood. Mais il n'a rien d'exceptionnel au final, il est sympa quoi. Et il est alors difficile de comprendre comment il s'est retrouvé nominé dans la catégorie Meilleur Film aux Oscars de cette année... sachant que la seule explication logique étant qu'une partie des votants y a vu, justement, un portrait héroïque essentiel et représentatif de ce qu'est réellement l'Amérique, la grande, celle qui te bombarde la gueule et écrit Freedom avec ton sang en ouvrant une canette de Coca.


Le cinéma est l'art le plus démocratique, et je fais parti de ces snobs insupportables qui sont prêts à cracher sur les spectateurs qui ne le comprennent pas comme moi, je voudrais qu'il soit compris. Tout le monde a tort, et j'ai raison. Sauf qu'en réalité, il est bien sûr fort possible que je sois celui qui se trompe. Mais c'est moi qui écrit, alors je peux me mentir autant que je veux, en espérant que je ne fais que dire vérité.

mercredi 18 février 2015

Réalité : et l'Oscar du meilleur gémissement de l'Histoire du cinéma est attribué à...

Quentin Dupieux. Ce mec est totalement frappé. Le monsieur, compositeur de musique électronique à ses heures, s'est fait connaître avec son troisième film, Rubber. Un film dont la partie la plus logique décrit la vie d'un pneu qui tue les gens par la télépathie (si la première question qui vous vient à l'esprit est "mais voit-on le pneu prendre une douche dans un motel ?", je peux y répondre. Oui.)... ça vous pose la carrière du type.


Réalité est son sixième film, et une synthèse de sa filmographie selon lui. On y retrouve les Etats-Unis, la langue anglaise, les comiques français (Jonathan Lambert et Alain Chabat qui succèdent ici à Eric et Ramzy... Eric Judor ayant joué dans trois films de Dupieux !), les animaux, la violence, et bien sûr l'absurde. C'est là-dessus que le cinéma de Dupieux a évolué avec le temps ; on est passé du "no reason" de son Nonfilm et de Rubber à un absurde beaucoup plus réfléchi, et donc beaucoup plus dérangeant. C'est un retour à la société dérangeante par son obsession plastique dans Steak, et la continuation de ses deux précédents opus, Wrong et Wrong Cops. Le principe est simple ; chez Dupieux, le monde est instable. Tout est bizarre. Il pleut à l'intérieur d'une agence de voyage pour les Bahamas, alors qu'à l'extérieur il fait beau... et c'est là que l'univers s'installe : les personnages n'en sont pas choqués. L'absurdité dérangeante du monde chez Dupieux est traité avec un détachement chronique qui rappelle beaucoup le cinéma de David Lynch, mais dans une veine bien plus comique.


Réalité est donc un film complètement incompréhensible. Alors là, pas de honte à l'avouer, à la fin on ne comprend plus rien, niet, nada, C'est l'histoire d'un caméraman, Alain Chabat, qui va vendre un projet de film à un producteur, Jonathan Lambert : les téléviseurs se révoltent et envoient des ondes qui tuent tous les êtres humain. Le producteur veut voir les gens souffrir et dit à Alain Chabat de trouver le gémissement que font les hommes en mourant. Comme ça, ça paraît simple... sauf qu'à cela s'ajoutent d'autres séquences. Des rêves, et des films. Et les personnages des trois réalités finissent par se croiser et alors là tout fout le camp.


Et c'est drôle, si drôle. Un homme vêtu d'un costume de rongeur se plaint d'avoir de l’eczéma mais personne ne le croit et surtout pas son médecin qui lui a la tronche bouffée par les plaques rouges, une gamine débat de la possibilité qu'un sanglier avale une cassette vidéo sans la mâcher, Alain Chabat s'interne lui-même dans un asile avec le même ton qu'un homme demandant une baguette au sésame à la boulangerie...


On se perd dans les différentes réalités, et Quentin Dupieux interroge habilement et malicieusement la perception de l'homme, la nature du spectateur, jusqu'à ce que tout se mélange et se confonde. Là-dessus, le choix de la musique est parfait : on entend sans cesse le début d'un morceau de Philip Glass qui avec ses notes très rapides et répétitives créé un sentiment de confusion similaire quant à la mélodie entendue.


C'est Dupieux, c'est génial, c'est trippant, toutes les répliques sont cultes, c'est débile, c'est marrant. Oh et on y voit le père de Lex Luthor dans Smallville jouer un réalisateur excentrique et hautain, et c'est sans doute la meilleure idée de casting de tous les temps. Et ça c'est une hyperbole. Bim.

Birdman : le rêve éveillé de Michael Keaton

Les favoris dans la course aux Oscars cette année commencent tous deux par la lettre B et reposent chacun sur un gimmick, un truc de réalisation qui impressionne la presse et les spectateurs : pour Boyhood, c'est l'originalité de son tournage étalé sur douze ans qui sert les études sur la vie et le temps de Richard Linklater (il l'a toujours fait depuis son Dazed and Confused), et pour Birdman (The Unexpected Virtue of Ignorance), c'est le plan séquence, ce qui différencie les petits garçons des vrais hommes comme le disait Orson Welles. Parce qu'Orson Welles c'était un bonhomme les amis, et qu'il n'aimait pas les fils de pute.


Birdman, cinquième film du réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu, prend ainsi le contre-pied de ce qui a fait le succès des films précédents auprès des critiques notamment à Cannes à de nombreuses reprises, le montage. A la place, on obtient un film qui est composé d'un long plan séquence (ou plusieurs ? Là je ne veux pas gâcher le film, attendre une coupe potentielle fait partie du plaisir du film donc je ne dirai pas s'il y a un seul plan séquence ou plusieurs), et tout de suite une question se pose (enfin non, elle ne se pose pas, je la pose, les questions ne sont pas encore dotées d'une intelligence artificielle) : est-ce une simple révolte, un désir de se renouveler, un simple artifice pour Iñárritu ?


Non.

Voilà, au moins j'ai le mérite d'être clair !
Et bien bonsoir.

...Hmm je vais quand même en dire un peu plus.

Le film raconte la tentative pathétique d'une ex-superstar du cinéma populaire de faire "de l'art". Il adapte un roman en pièce de théâtre qu'il met en scène et dirige. Nous suivons alors cet homme, joué par Michael Keaton (ex-Batman, actuel... que dalle), lui-même ex-Birdman et actuel que dalle, dans les derniers jours avant la première du spectacle. Autour de lui gravitent des personnages qui apportent leurs conflits et couleurs à l'histoire : son ex-femme, sa fille qui sort d'une cure de désintox, son agent qui lutte contre le désespoir, son actrice principale et sa compagne, et enfin un acteur de théâtre qui est une parodie gigantesque du method acting. A tous ces conflits externes s'ajoute un conflit interne au personnage, puisque le personnage de Birdman lui parle dès qu'il se retrouve seul et le pousse à chercher au fond de lui son ancienne gloire, sa nature de super-héros - et c'est là que le film marche avec grâce sur un fil tendu entre réalité et fantasme, sans jamais se péter la gueule comme une merde.

L'intelligence de ce plan-séquence, c'est qu'il ne sert pas à représenter le temps réel, ni à créer un sentiment de vraisemblance en éliminant la notion de coupe : au contraire, plus il se prolonge, plus l'univers de ce théâtre labyrinthique semble se déformer et devenir intangible. Les couloirs s'allongent  et se tordent et les portes ne mènent jamais à la même sortie, et les percussions insistantes (presque toute la bande-son du film est uniquement composée de soli de batterie) accompagnent une descente très rythmée dans la folie. Les moments les plus vertigineux sont les sauts dans le temps, qui n'interrompent pas le plan séquence (un mot là-dessus : bien sûr, il y a des trucs, des coupes numériques qui permettent la longueur de la prise, mais on s'en contreflanche les corn flakes, on ne les voit pas et la magie opère - pas avec un scalpel, avec un fil et des points de suture), je n'avais que rarement autant jubilé devant un effet au cinéma.


Au final, c'est la qualité de la forme qui fait le film, puisque les thématiques de l'histoire n'ont rien de neuf : c'est simplement la mise en scène de l'homme qui a peur de la mort, c'est-à-dire de l'oubli, et cette mise en scène est enrichie par une direction innovatrice, des monologues grandioses (notamment celui d'Emma Stone en mode pétage de plomb, et celui de Keaton sur l'orage dans un avion), et des performances d'acteurs ahurissantes. La prestation d'Edward Norton en acteur insupportable qui vit sur scène et recherche l'authenticité jusqu'au ridicule est la plus belle que j'ai vu depuis un moment, ainsi que celle d'Emma Stone qui a elle le droit de donner le ton à la plus belle scène du film. Enfin, je ne peux pas terminer cette critique sans dire un mot sur la fin : elle est grandiose.

Oui, j'ai dit un mot sur la fin, c'est tout. Jvais quand même pas vous gâcher le film ! Nan mais oh.

mardi 17 février 2015

Le Dernier Loup : et la bête dévora l'Annaud

Nous sommes lundi soir, sur les Champs Elysées. La grande salle au beau plafond de l'UGC Normandie est pleine à craquer, les invités journalistes et producteurs sont partout, sauf au fond de la salle où se rassemble les spectateurs lambda. Nous sommes là pour l'avant-première du film Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Annaud. Le bonhomme est un des rares membres du club francophone "le spectacle à l'américaine" avec Luc Besson (même si leurs parcours sont très différents), et on retrouve dans cette nouvelle oeuvre tout ce qu'il aime : la grande nature, les animaux, les conflits à échelle humaine et aux idéaux métaphysiques.


Je risque de répéter le mot spectacle à de nombreuses reprises, mais c'est bien là qu'est tout le propos: toute la promotion du film est faite sur la qualité unique du travail fourni pour réaliser le projet. Filmé en Chine et en Mongolie, avec des vrais loups et chevaux dressés, avec très peu d'effets numériques, Le Dernier Loup joue la carte de l'événement, du cinéma façon Lawrence d'Arabie. C'est d'ailleurs pour cela qu'avant la diffusion, nous retrouvons l'équipe technique du film sur scène : les stars ne sont pas les acteurs, ce sont le chef opérateur, le chef monteur, le chef machiniste, le mixeur son... ceux qui ont fait du film une expérience immersive.


Là dessus, c'est absolument réussi. Toutes les scènes d'action sont impressionnantes, avec en tête une course poursuite en pleine tempête de neige entre des loups et des chevaux, en pleine "nuit" (pour ne pas affoler les loups, toutes les scènes étaient tournées de jour puis retravaillées, comme les fameuses "nuit américaines" d'antan, ce qui donne un aspect surréel voire lyrique aux apparitions nocturnes majestueuses des loups). La technique est là, et l'émotion aussi, on se retrouve facilement impliqué dans les événements grâce à la musique - imposante et rentre-dedans - d'un James Horner qui n'avait pas été aussi inspiré depuis longtemps, et grâce au scénario qui place des enjeux dramatiques efficaces. J'en profite justement pour prévenir : attention, des animaux meurent dans l'histoire, et oui, c'est absolument affreux.


Mais justement, à côté du spectacle, qu'en est-il du scénario ? Le film raconte comment deux jeunes hommes chinois sont envoyés en Mongolie pour apprendre la langue à une tribu nomade. Ils se retrouvent confrontés à leur culture, leur façon de vivre, et leur environnement c'est-à-dire le monde des loups. Le héros recueille un loup par pure curiosité scientifique et s'y attache. Et là... je suis bien embêté. Avec la forme du film, on s'attend justement à une histoire assez archétypale, qui rentre aisément dans les codes de l'histoire du héros à la façon des mythes. Et si les thèmes sont bien là (opposition entre culture moderne et croyances ancestrales, la civilisation face à la nature, l'individu face à l'immense machine, la transformation du héros), ils sont traités dans une suite d'événement très surprenante. Plutôt que de suivre les codes d'une narration classique avec des causes et des conséquences, des actions puis des réparations, le film suit un développement totalement aléatoire qui se rapproche plus d'un traitement de la vie par l'absurde dans un Robbe-Grillet que dans un pseudo blockbuster.

Par là, le film se retrouve en hésitation constante entre un grand cinéma classique au sens mélioratif du terme, et une narration qui donne l'impression d'assister à la mise en image d'une histoire vraie (ce qui n'est pas le cas, c'est l'adaptation d'un best seller chinois de fiction) mais sans le passage par la case "il était une fois". Je ne sais donc pas du tout quoi penser du film. Les scènes d'action m'ont enchanté, c'est un véritable voyage grandiose dans un des plus beaux endroits de la planète, et tout le côté spectaculaire est extraordinaire, mais le traitement narratif me perturbe trop pour parvenir à me décider.

C'est con hein !
Le film sortira la semaine prochaine partout en France, en IMAX et en pas IMAX, en 3D et en pas 3D. Voilà voilà.

jeudi 12 février 2015

It Follows : Carpenter, petite mort et MST, vous allez bien vous amuser !

"Votre attention s'il vous plait. Je vous rappelle que vous pouvez également acheter vos places au stand confiseries".

Ah, le MK2 Bibliothèque sort les grands moyens pour gérer un public inhabituel et inhabitué ? Les personnes qui vont au cinéma au moins deux fois par mois constituent 5% des spectateurs, et pour moi les 95% restants sont un peu des genre d'alien, dont je peux me moquer allègrement. Alors, pourquoi y-a-t-il autant de monde au cinéma pas cher de Paris aujourd'hui ? Ah mais bien sûr ! C'est la sortie de Fifty Shades of Grey. Quelle honte, aller voir un film qui présente le sexe comme quelque chose de vicié, tordu et malsain, ça n'a aucun intérêt !


Non, non, mes amis et moi, on va plutôt aller voir le nouveau film d'horreur de David Robert Mitchell, It Follows. Un film qui présente le sexe comme quelque chose de vicié, tordu et malsain, ça au moins c'est cool !

Le point de départ est simple mais efficace; une fille couche avec un garçon, celui-ci lui refile une MST bien puante, sous la forme d'une chose qui la poursuit sans relâche. La chose marche, lentement, mais toujours, et elle atteint toujours son but. Elle prend la forme de proches, et une fois qu'elle t'attrape, et ben tu meurs ! Donc là tu te dis, ha, facile, il suffit d'aller coucher avec quelqu'un d'autre et lui refiler, en mode "tag! You're it!", sauf que non non non, haha trop facile mon couillon.Tu refiles le monstre à quelqu'un, mais si ce quelqu'un meurt, ça redevient ton tour ! Je vous l'avais dit, simple, mais efficace.


Un film d'horreur centré sur la question de la sexualité dans une bande de jeunes adolescents en banlieue résidentielle aux Etats-Unis ? Après les expériences métatextuelles de Wes Craven avec Scream, ça fait un peu démodé non ? La mort, et la "petite mort", on maîtrise tous c'est du déjà vu vous ne trouvez pas messieurs les jurés ? Et ben non, même pas. Pourquoi ? Simplement parce que c'est trop cool. It Follows assume son héritage et lui fait référence et révérence tout au long du film : il a été tourné en analogique, ce qui donne des couleurs pâles et évasives, une lumière diffuse et crasse (tout ce que j'aime ! C'est vraiment triste que les diffusions en analogiques aient quasiment disparu par contre...), la musique ressemble à s'y méprendre à du John Carpenter, les maisons à celle de son Halloween... par ailleurs, le film bénéficie d'un petit plus qui m'a toujours plu dans cette niche cinématographique : un casting totalement inconnu au bataillon (du moins pour moi). Sans star-power, on oublie très vite les acteurs pour se concentrer sur les personnages et leurs actions débiles .Car oui, étant donné que le spectateur n'est pas en danger de mort, contrairement aux personnages, il peut contempler le manque de logique avec amusement et agacement: Oh mais pourquoi tu rentres là tu vois bien qu'il n'y a pas d'autre issue ? Mais cours, cours !


Et pourtant Mitchell se garde bien de ne faire que recopier sans inventer ; au contraire, il pose une esthétique bien à lui et réalise un film d'horreur très réjouissant de la première minute à la dernière. Le grain terne du film malgré les couleurs accompagne une présentation d'un monde désertique, ce qui accentue le sentiment de désœuvrement des adolescents face à la menace qui les poursuit (évidemment, tourner dans les environs de Detroit, ça aide à créer ce genre d'ambiance... "my mom told me to never go south of 8 Mile", Ouaip ! Sinon tu vas croiser Eminem). Menace qui prend souvent la forme des parents, histoire d'ajouter une petite touche d'inceste dans une oeuvre déjà bien parsemée de symboles. Par ailleurs les plans et le montage sont très riches à la fois en termes de création d'atmosphère et de participation à la narration.  Il sait utiliser la caméra, la placer au bon endroit, et surtout exploiter au maximum le hors-champ. Attention, cela ne veut pas dire que Mitchell a recourt à des putain de jump scares à la con, il n'a pas besoin de ça pour créer le malaise, la peur de la mort. 


Car au final, c'est à cela que revient le film : une simple constatation de notre mortalité et l'angoisse créé par ce savoir. Perdre sa virginité, devenir adulte... comprendre qu'un jour la mort arrive et nous enlève, comme ça. Un des principes fondateurs de ce qui fait l'être humain résumé et exploité dans un film de genre, c'est le genre de grand écart que le cinéma - et l'art - aime et peut se permettre ; cette idée est parfaitement résumée lors d'une scène à l'hôpital où une des héroïnes lit un passage bouleversant de l'Idiot de Dostoïevsky en sirotant en jus de pomme et en mangeant un sandwich avec l'air le plus normal du monde. Bouleversant.