Vous avez pu remarquer que souvent, je cherche à mettre dans mon titre une petite trouvaille humoristique, qui aurait de quoi résumer le film et son propos au mieux. Cette fois-ci, j'ai réécrit le titre du film. Parce que je ne trouve rien de plus approprié. Ouais. C'est à ce point-là. Mais par où commencer ? Par où commencer bordel de mamies dopées en surf décathlon ? JE NE SAIS PAS COMMENT PARLER DE CE FILM. Mais... essayons ?
Bon, y a quand même un semblant de narration dans
Mad Max, faut pas croire. C'est juste que c'est souvent... absurde, insensé, déconnecté... du moins du point de vue de tout ce qui est logique. Les émotions, elles, on y reviendra, sont vraies. Bref, cette fois, Max se fait capturer par une espèce de secte totalement
débile, des obsédés du V8 et du chrome qui sont prêts à mourir sur la
route pour que leur leader (Dark Vador avec des dents de mamouth à la
place du triangle sur la tronche) les guide jusqu'au Valhalla des héros de la route. Sans trop l'avoir souhaité, Max se retrouve mêlé à une course poursuite entre une dissidente nommée Furiosa (Charlize Theron, un seul bras et cent fois plus de badassitude que tous les personnages de tous les autres films de l'univers réunis) et la secte des débiles tous pâles, puisque celle-ci a enlevé les filles/femmes - l'inceste paraît tellement peu insensé au milieu de tous ces autres trucs déjantés - pour leur offrir un peu de liberté. Et puis on a Nicholas Hoult, qui joue un des citrons frappés de la secte, qui a l'arc narratif le plus intéressant du film, entre aller-retour et bouleversement et le tout sans trop de paradoxe.
Et puis, il y a l'esthétique, le cœur de la saga. George Miller, qui a bien planché sur les théories de Joseph Campbell depuis le deuxième film (qui nous ont aussi donné les films de
Star Wars, autre petit passage légèrement marquant dans l'histoire du cinéma), sait puiser dans l'image pour lui créer une force évocatrice, et ce à la fois à travers les paysages - ces déserts qui font du film une oeuvre éminemment australienne et si unique - et à travers ses personnages. Ce n'est pas simplement qu'ils sont toujours hauts en couleur, c'est que chacun d'entre eux, notamment les méchants dans
Fury Road, est coloré comme un trip à l'acide dans un montage de film sur les sixties. Vous voyez ce genre de séquence ? Prenez-tout ça, et faites-en des personnages totalement barrés, et le tour est joué.
Surtout que ça n'était pas gagné d'avance.
Mad Max 2, et dans une moindre mesure
Mad Max 3, ont inventé l'esthétique post-apocalyptique façon punk du désert, en s'inspirant de l'époque moderne en mélangeant ça avec le western et l'émergence de la culture asiatique. Et bien de temps a passé depuis, et les copies, plagiats et inspirations pullulent. Fury Road risquait donc de se heurter à un mur comme l'a fait
John Carter, qui n'a pas réussi à dépasser en tant que film les clichés qu'il avait lui-même inventé un siècle plus tôt en tant que roman. Mais que nenni,
Fury Road le défonce le mur, avec un gros 4x4 porc-épique. Donc, on résume ; l'esthétique fonctionne, elle enrobe les personnages et les émotions simples - désir de liberté - mais frappantes d'une histoire déglinguée, les mythes sont en place. Il reste donc encore à évoquer les deux cœurs du film : le spectacle, et le Max.
Si on lui arrache toutes ses parures,
Fury Road est ni plus ni moins une gigantesque course poursuite effrénée de deux heures. Et si tout le monde en a déjà parlé, et si c'est une part intégrante de la promotion du film, cela mérite d'être redit : ici pas d'écrans verts, mais des vrais cascades avec des cascadeurs qui sautent sur des véhicules lancés à toute berzingue dans le désert aride. Des explosions à droite à gauche, des types qui se balancent sur des perches, un PUTAIN de bassariste (guitare+basse) qui joue d'un espèce de monstre hideux qui crache des flammes accroché à un camion pendant l'intégralité du film, des motards volants, et fur et à mesure que les moteurs ronflent tout autour de nous la musique s'empare de nos sens, puis des tambours retentissent et le tour est joué sa mère. Si George Miller compare souvent son cinéma aux premiers films de Keaton, ce n'est pas à tort : l'action est privilégiée à la parole, le montage raconte le spectacle sans être confus (ce qui, vu le foutoir gigantesque, n'est pas tâche aisée), le tout dans un monochrome éblouissant (cette-fois ce n'est plus du noir et blanc mais du orange et bleu, le fameux). Il utilise même à de très nombreuses reprises des plans en accélérés, ce qui dans tout autre film ne passerait absolument pas, mais chez lui ça passe comme une lettre à la poste. Enfin, une lettre de deux cent tonnes qui écraserait la poste de son passage. Ce sont ses petits écarts qui font que le réalisme du tournage ne se transforme pas en réalisme à l'écran : si l'action a bien été tournée telle quelle, elle paraît toujours surréaliste tout en gardant un impact qui va crescendo, notamment grâce à sa charge émotionnelle. L'émotion est au cœur de l'action, et ça marche. Enfin... ça roule quoi.
Et ce nouveau Max n'y est pas pour rien. Car pour la première fois, ce n'est pas Mel Gibson qui endosse le blouson en cuir, mais Tom Hardy, dont la carrière continue d'impressionner à peu près tous les amateurs de cinéma de genre. Et là où le Max de Mel (ça sonne bien ça) avait cette prestance naturelle qui lui permettait d'exister au dessus de tout le reste, Tom Hardy a eu l'intelligence (enfin, lui ou George Miller ou quelqu'un d'autre, qu'est-ce qu'on s'en branle) de ne pas essayer d'imiter cela. Son Max est plus doux, moins resplendissant ; on retrouve le Max des débuts en fait, celui qui vient de perdre sa famille et par là-même ses repères. Il est bien plus bavard dans ce film que dans les précédents, et plus actif. Bref, il n'est pas une resucée des héros des années 80, eux-mêmes inspirés des personnages de Clint Eastwood dans les Western post-Leone, il est plus moderne et interagit avec les autres héros de ce film. Notamment avec Furiosa qui est clairement le personnage le plus cool de tout l'univers, avec Max bien sûr.
Ce qui m'impressionne le plus, au delà de tout ce que m'a fait ressentir le film, c'est la cohérence de ce qu'il propose dans son contenu et son esthétique. C'est-à-dire que réussir à mettre en place le ton d'un monstre pareil sans se prendre les pieds dans le tapis, et faire en sorte que lorsqu'un personnage s'arrache un dent pour la mettre dans le chargeur de son revolver, cela paraisse tout aussi frappé que naturel, c'est un tour de force d'une rareté précieuse. Savoir réinvestir son univers, réinventer son héros tout en restant fidèle au monde créé et en acceptant de voir son héros évoluer et adopter une nouvelle forme, c'est ce qu'a fait George Miller.
Enfin, un mot sur la promotion de Fury Road, qui fait extrêmement plaisir dans le paysage des films à gros budget actuels : voilà un OVNI (j'aurais pu dire ORNI pour faire un jeu de mot avec roulant, mais même moi je ne peux pas tomber aussi bas) puisque la Warner s'est dit "les potos on va vendre un film ultra violent plutôt que de viser une audience large comme on le fait d'habitude, et comme le fait Disney", et le résultat est le suivant : un film de série B, finalement destiné à un public relativement réduit d'initiés et de nouveaux venus, qui sort en 3D et sur 653 copies en France. C'est ridicule ! A aucun moment les producteurs n'ont dû se dire que le film avait une vocation universelle que ce soit pour son contenu ou son esthétique... mais c'est du vrai cinéma, et là dessus les critiques partout dans le monde ne se sont pas trompés. Tout le monde respire un coup, et pousse un hurlement parce que
Mad Max Fury Road est désormais la définition du dictionnaire pour le mot jubilatoire.
Fury Road n'est pas une claque, c'est un uppercut avec poing américain dans l'estomac, qui te retourne le coeur et te rassoit dans ton siège ; tiens, assis-toi confortablement, je vais te montrer ce que c'est du cinéma. Tu sais le mouvement cinétique accompagné de sons ? Des images, de la poésie, du sang, de l'essence ? Tout ça, je vais te le donner, et dans deux heures, tu pourras peut-être arrêter d'agripper ton siège comme ça. Calme-toi, c'est fini... et tu en veux encore.
Oh yeah!
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