Parfois, dans la vie, il faut savoir s'avouer vaincu. Non, je n'arrive pas à retenir le nom du génial réalisateur Thaïlandais qui a reçu la palme à Cannes il y a quelques années pour son Oncle Boomee. Apichatpong Weerasethakul, c'est pourtant facile ! Mais je devrais le retenir, parce que nom de dieu quel bâtard bourré de talent. Cemetery of Splendor, de son titre putain de sublime avouons-le, raconte comment des soldats thaïlandais se retrouvent frappés par une mystérieuse maladie du sommeil (ils ne font presque que dormir, parfois se réveillent, vivent un peu, et se rendorment soudain sans crier gare, parce que personne ne crie gare pour s'endormir sauf peut-être quelqu'un qui s'endort après un orgasme en criant le nom de son compagnon qui est Gare, mais bon, peu probable), et hospitalisés par des vieilles femmes dans une ancienne école.
Attention, qui dit film expérimental et poétique qui parle de rêve, dit film lent. Là où Kubrick l'avait si bien montré avec Eyes Wide Shut, Weerasethakul force encore plus le trait en imposant une lenteur extrême, intense, puissante, qui pourra rebuter certains. Ces personnes, je les appelle des faibles. Ha ! Non, plus sérieusement, il faut s'accrocher pour tenir ce rythme incongru, mais cela vaut le coup. Car très vite, le rythme permet au réalisateur d'instaurer une dimension mystique inattendue mais totalement sublimée par le style épuré. La majorité du film se concentre sur une vielle femme atrophiée (elle a une jambe qui fait dix cm de plus que l'autre, ou une jambe qui fait dix cm de moins que l'autre, ça dépend de votre conception de la vie) et son attachement à un des soldats endormis, le tout culminant dans une visite spirituelle d'un parc à la fois banal et majestueux. Et puis, le plus surprenant dans ce film, c'est une sensation de malaise politique sous-jacent ; dans la situation de ces soldats et en l'image d'un bulldozer qui sort du décor pour devenir personnage à part entière, on ressent une gêne, quelque chose qui dérange, sans vraiment pouvoir mettre le doigt dessus. Sans doute parce que je ne sais absolument rien de la Thaïlande, mais en tout cas, il y a quelque chose ici, et la scène des enfants qui jouent au foot dans les monticules de terre veut clairement nous mener quelque part. Je ne suis juste pas assez cultivé pour comprendre où.
Comme dans un rêve, le surnaturel s'installe avec aisance et sans surprendre, et ce grâce à des choix extrêmement épurés en termes de mise en scène : presque tous les plans du film - et par presque tous je veux vraiment dire presque tous puisque seulement trois y échappent - sont des plans larges. Ainsi, on apprend petit à petit que les âmes des soldats sont utilisés par des seigneurs d'antan pour une bataille qui dure depuis la nuit des temps et durera jusqu'à la nuit suivante. Une idée assez brillante, et si je me permettre de terminer ma critique sur une digression : cette idée fonctionnerait assez bien dans un film d'action intelligent. J'aimerais beaucoup voir une version, par exemple de Paul Verhoeven, de Cemetery of Splendor, qui reprendrait l'idée de ses soldats avec plus de tragédie, et en montrant effectivement les scènes de bataille mystique, ce qui à mon sens serait possible sans transformer le tout en une espèce de bouse blockbusterisable. Non, derrière ce film qui est déjà excellent en lui-même, je pense qu'il y aurait moyen de faire un film de genre tout à fait fascinant. Allez Paul, tu voudrais pas refaire un film ?
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