C'est l'histoire d'un stagiaire de 35 ans qui est envoyé en Guyane par le Ministère de la Norme pour superviser la construction d'une piste de ski indoor. Le projet s'appelle "Guyaneige".
Honnêtement, je pourrais m'arrêter là ; si ce pitch vous séduit par son côté humour absurde et sa satire politique sous-entendu, n'attendez pas plus et foncez voir ce qui est pour moi la meilleure comédie française que j'ai vu depuis un sacré bout de temps. Genre, un gros bout, et qu'on tient par le bon et tout. Bref.
La Loi de La Jungle est un film totalement loufoque, qui s'attaque à la fois à la bureaucratie française et à l'impérialisme colonialiste nationaliste français avec brio. Penchant opposé de Ma Loute, avec qui il partage des traits évidents (mais n'est pas méprisant, moins simpliste et plus compréhensible), ce délire totalement jouissif ose des choses que l'on voit trop rarement : ci l'humour passe par la langue, il passe encore plus par le geste et la dynamique des corps. Je mentionne ici rapidement le représentant de la SNCF qui vient installer un TGV en Guyane et dont le langage corporel du commercial pourri n'a d'égal en perfection que la moustache du personnage. Par ailleurs ne vous inquiètez pas si vous le voyez mourir très vite en début de film : il revient sans cesse, probablement parce que ces pourris sont interchangeables.
Je mentionne tout ça n'importe comment, mais sachez que la force du film, c'est de projeter une grande galerie de personnages hauts en couleurs (un chef de projet richou paumé Mathieu Amalric, un huissier psychopathe adepte du Masque et la Plume, un obsédé de la guerre qui ne marche qu'à reculons pour qu'on ne suive pas ses pas, un chef de secte tribale qui sort de Henry IV... et je ne parle pas encore des deux personnages principaux) non pas dans un décor mais dans un paysage : tout est tourné en Guyane, et cela se voit, cela nous gicle à la face tel le pus d'une blessure tropicale. Et puisque les arbres et la boue et la terre paraisse si vrais, l'absurde et le comique frappent d'autant plus.
Enfin, comment ne pas dire un mot sur Vincent Macaigne, qui interprète le stagiaire Marc Châtaigne paumé dans la jungle, et Vimala Pons, qui interprète son guide Tarzan, activiste stagiaire super-héroïne badass ? En n'écrivant pas ce paragraphe, mais vu qu'il est lancé allons jusqu'au bout : leurs dynamiques humoristiques, la richesse de leurs expressions corporelles. Vincent Macaigne est un grand improvisateur, j'ai des sources qui l'observe sur les plateaux, et Vimala Pons est une artiste de cirque qui avait pour intention de rallier sensualité et drôlitude autour du corps féminin... spoiler, elle a réussi. Leurs dynamiques sont autant de mélodies enjoués que l'on se réjouit de découvrir ; souvent, elles nous sont déjà connues, mais ce sont les arrangements qui changent.
En fait, La Loi de La Jungle paraît hors du temps. Un peu comme cette statue de Marianne perdue dans la jungle (quand Marc Châtaigne l'aperçoit et qu'il échappe un petit "La France" solennel", putain... mais c'est BON PUTAIN), il paraît très hors de place au milieu d'une comédie française assez désespérante. Il ose être politique, mordant, absurde et coquin, et nous rappelle la grandeur d'époques révolues. C'est d'ailleurs peut-être pour ça que son mixage son est si dégueulasse... un hommage probablement. Heureusement, le film est bien plus que ça : à mes yeux, il est déjà culte.
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