dimanche 26 avril 2015

Good Kill : La naïveté est plus forte que le silence

Que cela plaise ou non, Andrew Niccol est un réalisateur qui aime faire passer un message. Contrairement à Howard Hawks qui avait dit "moi quand je veux transmettre un message, je vais à la Poste", lui aime le faire à travers les films qu'il écrit ou réalise. The Truman Show, Bienvenue à Gattaca, Lord of War, tout ça c'est lui. Parfois, il utilise le spectre de la science-fiction pour parler de notre monde moderne (vous vous souvenez du dernier plan de The Truman Show? Si c'est pas un des trucs les plus déprimants de l'histoire du cinéma moderne ça...), et parfois il est plus direct : c'est le cas ici avec Good Kill, qui se penche sur la guerre du 21ème siècle. Celle de la déshumanisation, par le biais des drones.


Good Kill raconte l'histoire d'un ancien pilote qui se retrouve assigné au contrôle de drones. Chaque matin, il quitte sa maison pavillonnaire du quartier créé pour les troupes, traverse Las Vegas et rejoint son petit pré-fabriqué, et son joystick. Depuis cette boite de métal, à quelques kilomètres de la plus grande folie du rêve américaine, Tommy Egan descend des criminels à 7 000 miles de là en rêvant d'obtenir son propre jackpot : retrouver un poste en tant que vrai pilote. Bref, la vie se fait morose, mais elle est vécue ; Egan n'arrive plus à être proche de sa femme ou de ses enfants, il boit un peu trop, mais le tout tient en place, maladroitement.


L'élément déclencheur, c'est l'intervention de la CIA, qui vient donner de nouvelles missions aux pilotes de drones ; sans rentrer dans les détails, ceux-ci en viennent à remettre en cause l'intérêt de tout ce qu'ils ont mis en place, chacun à sa manière. La co-pilote accuse ses supérieurs de se comporter exactement comme les terroristes présente les Etats-Unis, le gros con (ouais, pardon) trouve ça normal de nourrir le feu de la guerre jusqu'à l'éternité... et Tommy se renferme sur lui-même de plus en plus.


Ouais, c'pas la joie dans ce film. Mais est-ce un bon film ? Les critiques semblent dire le contraire, mais on est ici dans un cas particulier. Tout comme pour chaque oeuvre qui parle de politique de manière bien trop directe, très peu s'attardent sur le contenu et la forme. Qu'en dire ? Andrew Niccol est un excellent scénariste à l'ancienne, très formaliste. Son histoire est somme toute très classique, en dehors de l'originalité de son sujet ; et si sa mise en scène n'est pas toujours très avisée, il arrive cependant à retranscrire le renferment de Tommy et le côté déshumanisant des drones sans trop appuyer le trait. Par ailleurs, sa direction d'acteur est toujours excellente : Ethan Hawke, January "je suis la plus belle" Jones et Bruce Greenwood (Captain Pike! Woot woot!) sont particulièrement impressionnants.

Mais voilà, apparemment tout ça on s'en fout, ce qui compte c'est : est-ce que c'est bien les drones, est-ce que c'est mal ? J'ai quasiment envie de dire qu'on s'en fout, mais ce serait disproportionné. Le fait est que le film est indissociable de la réalité qu'il décrit, alors autant en dire un mot. Les détracteurs accusent tous Andrew Niccol de traiter le problème avec naïveté. Selon eux, le film se résume à montrer que les drones sont dangereux parce qu'ils transforment la réalité en jeu vidéo, que les conséquences réelles (la mort, encore et toujours, la mort et la destruction) disparaissent derrière l'écran et le silence qui accompagne chaque explosion... mais ce n'est pas le cas. Le film prend le point de vue d'un ancien pilote, qui aimait son travail car il devait protéger les troupes au sol. Depuis qu'il pilote un drone, il sert d'assassin balançant la foudre de Dieu sur les impies. Pour Tommy, la vie était plus simple lorsqu'il était pilote, parce que même s'il faisait la guerre, il pouvait se nourrir de l'illusion d'être un héros. Est-ce que cela est naïf ? Je ne le pense pas. 


Mais admettons, ok. Ce film est naïf. Andrew Niccol est naïf, il ne devrait pas traiter la question des drones de manière aussi simpliste. Ce à quoi je réponds : mais allez-y, montrez-moi d'autres réalisateurs américain qui osent s'attaquer à ce sujet de cette manière ! Au moins, il y en a un qui ouvre sa gueule. C'est comme à l'époque de Lord of War, il fallait oser présenter le gouvernement américain comme le plus gros vendeur d'armes au monde - et donc plus gros fournisseur de guerres par extension - et distribuer ça sur le marché local. Sans déconner, plutôt que de lui cracher à la gueule, je préfère saluer l'effort ; parce que quitte à avoir quelque chose à dire, autant le faire haut et fort et sans subtilités, histoire d'être bien entendu.

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