Il n'y a pas grand chose de vrai dans le déroulement dramatique du premier film de Giulio Ricciarelli, mais l'histoire qu'il rappelle et les questions qu'ils posent sont bien véritables et authentiques. Le Labyrinthe du Silence (Im Labyrinth des Schweigens en allemand. Le titre anglais perd beaucoup puisqu'il a changé le "silence" en "mensonge", qui n'a pas du tout la même nuance) raconte un pan méconnu de l'histoire, celle du procès de Francfort. Et oui, après le procès de Nuremberg en 1945, le monde s'est un peu lavé les mains et est passé à autre chose... et l'Allemagne aussi.
Ainsi, vingt ans après, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes en Allemagne bonnienne (oui, j'avais pas envie de dire Allemagne de l'Ouest, j'ai inventé un truc, et alors, qu'est-ce que t'y peux toi), les enfants chantent et dansent dans la cour surveillé par leurs gentils professeurs. Dont certains sont des anciens nazis qui ont participé à l'extermination de juifs, homosexuels, opposants politiques, dans les camps ! Tout de suite les enfants qui chantent ça fait moins mignon.
Le film est d'abord surprenant par son propos, parce qu'il touche à un moment réellement méconnu. Il existe au moment de l'action toute une génération qui n'était pas assez âgée pour avoir compris ou connu les horreurs, et tout cela tombe dans l'oubli. C'est donc sous l'impulsion de trois procureurs que l'Allemagne s'est lancé au début des années 60 dans un gigantesque procès visant à juger son propre pays pour ses crimes de guerre, littéralement du jamais vu dans l'Histoire (l'Allemagne est le meilleur pays, raison 4687).
Mais ça, c'est la véritable histoire. Ici, nous sommes dans une fiction qui a deux objectifs : rappeler au monde l'existence de cet événement, et montrer toutes les questions existentielles que cela soulève. Pour cela, point de trois procureurs mais un seul, fictif : le grand et beau Alexander Fehling, sorte de Christopher Nolan version mannequin. Irréprochable, inébranlable (pendant un temps), il se retrouve plongé dans un véritable cauchemar de mensonges et de silence. Le réalisateur fait d'ailleurs ressentir cette idée de labyrinthe avec un nombre de plans conséquents sur ses héros en train de marcher dans des couloirs ; le sentiment de l'insurmontable envahit la quasi totalité du film.
Malheureusement se reposer sur la fiction sur tout le long a aussi ses défauts, et certains points sont franchement mal amenés ; le format du film est extrêmement classique, il y a donc une intrigue romantique secondaire qui n'apporte presque rien (et puis paye ton personnage féminin qui ne parle que de machines à coudre et de danser pendant que les hommes tentent de changer le pays...), des personnages complètement ridicules (l'ambassadeur américain sosie raté de George Clooney, mon dieu sa mère quoi), et des ressorts narratifs un peu faciles...
Mais peu importe, car au final les questions posées sont assez fortes pour nous faire oublier tout cela. Pour le héros et son ami journaliste, au début tout est facile : il y a des anciens nazis en liberté, il faut les punir. Rapidement des problèmes se présentent : qu'est-ce que ça voulait dire être nazi ? Volontaire ou forcé ? Donneur d'ordres ou exécutant des ordres ? Le héros, ironiquement tout droit sorti d'un rêve d'Adolf Hitler, avec sa belle tête blonde et son physique de viking, comprend très vite que le problème est extrêmement complexe, et c'est là toute la beauté du film. Car à toutes ces questions, il n'apporte aucune réponse. Il ne s'agit pas de punir, ce n'est pas la partie qui compte. Il s'agit de mettre en lumière le passé que tout le monde cache, fuit ou a oublié, le faire briller de milles feux dans toute son horreur macabre. Lui faire face, puis lui tourner le dos sans l'ignorer, et aller de l'avant.
Affronter son histoire par la fiction populaire, c'est ce qu'on appelle la grande classe, et l'Allemagne le fait depuis longtemps. Vous imaginez du cinéma français qui montrerait notre histoire coloniale ?Oui, y a eu quelques films, dont un qui a été très utile on se souvient de l'annonce du président Jacques Chirac, mais nous sommes loin d'avoir épuisé le sujet... et quand on voit la taille de notre industrie du cinéma et celle du cinéma allemand, il y a de quoi avoir honte.
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