En vérité... le film fait déjà un carton. Les enfants, les parents, sont au courant que ce film existe, et il a déjà fait un meilleur démarrage au box office français que La Reine des Neiges, et Vice Versa. Mais le marketing du film n'a pas du tout été orienté vers nous, les grands enfants qui continuent à regarder des dessins animés et à y voir le meilleur de ce que peux proposer le cinéma international. C'est Michel Tournier, décédé récemment, qui disait qu'il était beaucoup plus difficile d'écrire pour les enfants, et qu'il était donc plus fier de ses ouvrages destinés aux plus jeunes.
Je suis donc là pour vous convaincre vous, qui êtes comme moi, de ne pas rater le nouveau Pixar. Heuuu non pardon, Disney. Oui je me trompe, mais un éléphant comme moi ça trompe énormément et pire, ça fait exprès. Parce que déjà, il faut dire les choses comme elles le sont : à peu de choses près, Zootopie est un film Pixar. Littéralement, à part l'absence du logo qui met les lampes sur les I et une utilisation typique d'une chanson en générique, Zootopie est un film Pixar.
Par son concept bien évidemment : bienvenue dans un monde où il n'y a que des mammifères, qui sont séparés en deux catégories, les proies et les prédateurs. Donc dans un camp, les lapins, les souris, les moutons, et dans l'autre, les lions les tigres et les renards. Proies et prédateurs vivent en harmonie dans une société utopique qui tente d'égaliser les chances de tout le monde quant à la réussite sociale. Donc... on a des animaux qui parlent. Super original. C'est bon, on est pas chez Blue Sky les gars, c'est Disney ici, revenez dans le présent ! Sauf que non. Parce que Disney mes cocos, ils y sont puissamment dans le présent avec ce film. Oui, ok, les animaux parlent, mais l'étude du monde animal donne toute sa forme au film.
C'est que l'histoire paraît toute bête au début : une petite lapine de la campagne désire devenir le premier lapin des forces de police de Zootropolis, la grande ville du coin (pensée comme une sorte de Disneyland : une partie glacée pour les animaux du froid, une partie désert, une partie tempérée, une jungle..., une mini-ville pour les souris !), parce que dans ce beau monde où les prédateurs et les proies ont l'égalité des chances, tout est possible ! Et elle y arrive, elle devient flic, parce que si on y croit vraiment on peut tout faire !!
Là, c'est le moment où un mauvais film s'arrête. C'est le film qui apprend aux enfants que le monde est beau et qu'on est tous égaux et que tout est possible. Sauf que dans Zootopie, on passe très vite à la Zoodystopie. Très vite, notre petit lapin découvre que si sur le papier, tous les animaux sont égaux, la réalité est bien loin d'en être là... la réalité est sale, dégueulasse, injuste et pleine de préjugés et de stéréotypes dont tous les mammifères souffrent. Ouais, ça vous rappelle pas un truc un peu familier qui s'appellerait la vraie vie ? Petit lapin elle-même n'est pas à l'abri de cela, puisqu'elle pense que les prédateurs ont des éléments dans leur ADN qui fait d'eux des bêtes potentiellement sauvages/dangereuses.
Tranquillement, derrière une myriade de couleurs et un monde dont la beauté ferait pâlir des trucs pas pâles, derrière un humour déjanté et excellent (toute la promo est basée sur l'humour du film et ils ont bien raison, il est réellement hilarant... mais je n'en dirai pas plus, je ne veux pas spoiler ce qui restera sans aucun doute mes gags préférés de l'année), Zootopie décide de nous parler de discrimination. L'histoire, c'est l'amitié inattendue et improbable entre un lapin (supposément niais et naïf) et un renard (supposément fourbe et vicié), c'est une enquête policière, c'est un film noir à l'ancienne où le renard serait un Robert Mitchum (encore plus) poilu, oui, c'est tout ça ; mais c'est surtout un film sur la discrimination et une ode à la différence. Et au début de ce paragraphe, j'ai bien dit tranquillement ; parce que le film est merveilleusement bien dosé, il installe son monde discriminé et ségrégé petit à petit tout en créant un malaise qui d'une petite boule à l'estomac devient un gros nœud marin.
Zootopie est brillant, et cet article est beaucoup trop long, et je pourrais en écrire encore dix-huit pages. Le titre est si bien trouvé : on part effectivement d'une utopie avant d'en découvrir toutes les failles. C'est en plus un film sur une histoire d'amitié, et non pas d'amour, ce qui n'est pas si courant et toujours apprécié. Je vais me contenir et éviter d'élaborer plus mais voilà, Zootopie m'a retourné la tronche et m'a fait énormément de bien. Non allez laissez-moi juste dire un dernier truc : un des reproches que j'ai pu faire aux productions Disney récentes, et à d'autres dessins animés, c'est qu'ils sont devenus trop prévisibles en terme de rythmes. Les coups de l'action, les articulations du scénario commençaient à ressembler un peu trop à des chansons pop, dans le sens où chaque instant pouvait être prédit aisément. Zootopie, du fait de son format "enquête policiaire" englobe plusieurs arcs narratifs et brouille assez les pistes pour avoir revigoré cette structure "Save The Cat" qui formate Hollywood depuis une dizaine d'année.
Un tel concept, une telle qualité, c'est ce à quoi Pixar nous avait habitué, et Disney depuis que John Lasseter a fait le ménage commence de plus en plus à y ressembler. Ce à quoi je dis, tant fucking mieux !
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