samedi 4 juin 2016

Ma Loute : Le grotesque grinçant des classes sociales s'entrechoquant

Difficile de le cerner, ce Bruno Dumont, vraiment.


Après son portrait mordant à succès de l'an dernier, Ptit Quinquin, il revient avec une oeuvre similaire - dans le sens où il se fout bien de la tronche des habitants du Nord - que l'on pourrait résumer de la sorte : et si Massacre à la tronçonneuse était une comédie mettant en scènes le grotesque grinçant des classes sociales ?



Bon évidemment, je suis loin de représenter le film dans son intégralité avec d'aussi simples mots, mais je voudrais y voir aussi. Si mon texte couvrait tout le spectre de ce DVNI (drône volant non identifié), la moitié serait incompréhensible pour cause d'accent chti, mes phrases se péteraient souvent la gueule et d'autres s'envoleraient religieusement, ou sans raison. Ouiiiiiii Ma Loute, c'est du grand n'importe quoi.


Nous sommes dans un petit village du Nord de la France, et les bourgeois de Lille viennent passer leurs vacances à observer les petites gens dans leur monde pittoresque, du haut de leur maison style "palais égyptien en ciment". Oui, je sais que ce style n'existe pas, mais leur maison est un palais égyptien - avec les hieroglyphes et les murs en V et tout - en ciment, qu'est-ce que j'y peux moi aussi. Donc on a deux mères assez frappadingues, une fille qui est en fait un garçon (une formulation qui peut choquer et je le conçois, mais je ne fais que coller à l'image que propose le film, dans la manière dont les personnages et le film traitent la question du genre de ce personnage), et bien sûr le chef de famille Fabrice Luchini qui... est bossu. Et joue n'importe comment. Il joue comme un grille-pain drogué qui ferait du rodéo au ralenti.


Les petites gens, eux, sont des pêcheurs. Et aussi, des cannibales. Ils aident les richous à traverser les marécages, mais aussi parfois, ils les dévorent. VLAM! Tu la sens la métaphore sociale qui vient de te bifler là ? Parmi eux, une famille principale et le fils aîné, Ma Loute, qui vit une histoire amoureuse avec la fille qui est en fait un garçon.


Au milieu de tout ça, on rajoute enfin les policiers, notamment le commissaire Machin (alors, je me souviens jamais des noms des personnages dans les films que je regarde, mais lui c'est pas une vanne, il s'appelle vraiment Machin) qui a pour trait de caractère d'être hmmm comment je peux le dire correcte- GROS. IL EST ENORME. IL PORTE DES PROTHESES POUR AVOIR L'AIR GROS ET IL PASSE LE FILM A ESSAYER DE S'AGENOUILLER ET SE VAUTRER PAR TERRE. Ok pardon je m'emporte.


Le film naît des interactions entre tous ces groupes de personnes. L'enquête policière (qui commet des meurtres) n'est que très secondaire... mais tout paraît secondaire en fait. Parce que ce film n'a aucun sens, ou plutôt paraît n'avoir aucun sens. D'un côté, il y a du grotesque totalement assumé, de la moquerie méchante et peut-être affligeante malgré l'hilarité qui nous prend malgré nous. Luchini et le commissaire Machin par exemple, tous deux affublés de prothèses, grincent. Non mais vraiment, on entend les bruits de plastiques qui frottent quand ils se déplacent. Et ça c'est un choix. Pourquoi ? Je ne sais pas encore.


Si le film pose un monde absurde sans apporter beaucoup de réponses, force est de constater qu'il pose d'excellentes questions : jusqu'à quel point peut-on se moquer et être aussi cruel avec des personnages ? Comment peut-on héroïser le personnage de Ma Loute, toujours filmé en contre-plongée avec un romantisme imparable ? Est-ce une célébration de l'innocence ? Même la religion dans l'univers Bruno Dumont, a perdu pied, tant et si bien que certains personnages finissent par flotter. Ou voler. Pour lui, au fond, c'est pareil ; soit Bruno plane au dessus de nous, soit il s'est violemment pété la gueule. La seule chose qui est à peu près sûre, c'est qu'il s'en contrefout.


Ma Loute est un film inattendu et qui reste difficile à digérer, mais pas forcément pour de mauvaises raisons. La suite dans le prochain épisode des films insensés de Bruno Dumont... c'est-à-dire une comédie musicale sur Jeanne D'arc avec de la musique composée par Igorrr. Les connaisseurs le diront : normal.

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