lundi 25 mai 2015

Cannes #3 - Trois Souvenirs de ma Jeunesse - L'adolescent qui venait du froid

Le cinéma est grand, il est beau et il est fort. Qu'est-ce que c'est que ce film ? Non mais qu'est-ce que c'est que cet oeuvre de frappé ?

Mathieu Amalric joue, pour la deuxième fois, le Dedalus d'Arnaud Desplechin. Ici, il vit une mésaventure banale qui lui rappelle trois souvenirs qui vont ainsi faire la structure du film. Déjà en cela, le film crache à la gueule des conventions scénaristiques puisqu'il intègre trois récits au coeur d'une intrigue plus générale, sans forcément les résoudre pour de bon. Dès les premières minutes, Trois Souvenirs de ma Jeunesse, présenté dans la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs au festival de Cannes, n'a rien de commun. Il traite les souvenirs et les liens des histoires un peu trop comme la vie, et pourtant n'en a que faire d'un point de vue formel puisque sa mise en scène, ses dialogues (oh mon dieu) et sa direction artistique dégoulinent d'un romanesque romantique mourant.


Les trois souvenirs sont déclenchés, à différents degrés, par le retour de Dedalus en France, et sa rencontre avec les services secrets qui le suspectent d'avoir été un agent double communiste (ah mais carrément). Ainsi, après un souvenir d'enfance, celui de la mère folle à lier et des traumatismes infantiles, Dedalus raconte à André Dussolier - oui oui, il est dans le film. "Participation amicale" selon le générique - pourquoi on pourrait effectivement croire qu'il a trahi son pays pendant la guerre froide...


Ainsi est déclenché le deuxième souvenir, qui donne donc lieu à un moment de cinéma d'espionnage hyper étrange où deux lycéens se trouvent embarqués dans de la transmission d'argent à Moscou. C'est démentiel, c'est drôle, c'est géant. Et de fil en aiguille, on en arrive au troisième souvenir, qui est le cœur du film à la fois dans sa susbtance, sa qualité et dans sa durée. Dedalus se souvient de son premier amour, il se souvient d'Esther. Elle était belle, il était beau, ils étaient jeunes, ils étaient pauvres. C'est alors que débarque un jeune acteur de 21 ans, inconnu au bataillon, et qui SANS DECONNER joue comme s'il était dans Le Pokémon Magique. Vous ne connaissez pas Le Pokémon Magique ? Googlez-le. Je vous jure, c'est incroyable. Ses mots et son jeu sont dans un décalage absolument délicieux, et cela colle tout à fait à l'esprit romanesque de cette idylle meurtrie.



Une scène, qui résume le tout ; Dedalus débarque dans son ancien lycée, retrouve ses amis et sa famille. Ce ne sont que rires et répliques improbables (on parle de son petit frère, très croyant, qui s'apprête à braquer une banque par exemple), et puis Esther arrive. L'écran se scinde, et plusieurs images apparaissent ici et là. La bande de potes, la voiture, Esther. Puis tout le monde s'en va, et Dedalus décide de rester un peu. Il allume une cigarette. L'écran est scindé, d'un côté le visage d'Esther, de l'autre Dedalus, et en dessous, la voiture qui s'éloigne. Puis le fragment d'Esther grandit et chasse le reste ; il n'y a plus qu'elle. Dedalus va alors entreprendre de la draguer en expliquant qu'il ne sait pas parler aux filles, et lui propose de venir chez lui pour apprendre à jouer au Go.



Dans ce cinéma, tout est beau. La langue, les sons des mots, les couleurs, les acteurs, l'actrice, les larmes, les colères, les face-caméra, les digressions. Tout est beau, et Arnaud Desplechin a réalisé une merveille.

dimanche 24 mai 2015

Cannes # 2 - The Lobster : 1+1 = 2 / / / / / / / / 1 = 0

Ce week-end, Gaumont a décidé de laisser les ploucs comme moi rêver un peu, et propose des séances spéciales Cannes, avec des films du festival présentés en exclusivité, à des horaires uniques. C'était donc l'occasion d'aller marcher sur un tapis rouge ridicule en arborant un beau noeud papillon Celio, et de voir un film qui allait être - je l'espérais - chouette. J'ai donc choisi The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrel, Rachel Weisz, Ben Wishaw, John C. Reilly, Léa Seydoux et plein d'autres.

Le cinéaste grec fait parler de lui depuis quelques années, et il se retrouve ici en compétition officielle à Cannes avec ce film de science-fiction complètement barré. L'idée est très simple, sous ses apparences fantasques : The Lobster présente une société pas si différente de la notre, sauf que tous ceux qui ne parviennent pas à vivre en couple sont transformés en animaux. Oui, je vous avais prévenu ne faites pas cette tête-là, j'avais dit fantasque ! Imaginez, dès qu'un homme ou une femme se balade seul en ville, un agent de police vient le ou la contrôler pour être sûr que sa ou son compagnon n'est pas loin, et qu'il ne s'agit pas d'un célibataire clandestin. Ouais, on en est là ! Le film commence (après une scène démentielle que je ne décrirai pas, pour ne pas vous la ruiner) lorsque le personnage de Colin Farrel se fait quitter par sa femme, qui part vivre avec un autre homme. Ce pauvre homme doit alors se rendre dans un hôtel où il devra trouver une nouvelle compagne, sous peine de quoi il sera transformé en l'animal de son choix (un homard, d'où le titre).


Vous l'aurez compris, le film joue avec un des traits les plus significatifs de nos sociétés, l'obsession de la vie en couple, et ce en grossissant le trait à la manière dont le fait série britannique Black Mirror. La grosse différence, c'est qu'ici le trait est non seulement grossi mais également grossier, et donc franchement hilarant. Une fois n'est pas coutume, ce film est comme le reste de la sélection (pour ce que j'en ai vu, c'est-à-dire pas grand chose) une bien belle démonstration d'humour noir. Toutes les scènes ou presque se passant à l'hôtel sont d'un grotesque jubilatoire, comme par exemple celles décrivant les cours de "pourquoi la vie c'est mieux en couple". Exemple : à table, si on mange seul et qu'on s'étouffe, personne n'est là pour nous aider. Au delà de ça, le jeu des acteurs est extrêmement particulier, et c'est tout sauf un truc pour faire original dans The Lobster ; c'est plutôt une trouvaille géniale car extrêmement pertinente. Dans cette société, tout flirt est interdit, le rapport à la sexualité et aux simples rapports humain est extrêmement différent du notre, ce qui influe sur l'expression du ton. Et cela fonctionne à merveille.


C'est une mise en scène de l'obsession de la dualité permanente. Il faut que les choses soient simples, c'est soit hétéro, soit homo, soit en couple, soit un animal. Les demi-mesures n'existent pas car elles sont trop compliquées et nous voulons que le monde soit simple. Ainsi, dans The Lobster, les couples sont formés à partir d'un trait de caractère commun. Ben Wishaw boite, son ex-femme boitait aussi. Une jeune femme à l'hôtel saigne du nez sans cesse, c'est son trait de caractère. Il lui faut quelqu'un de similaire. Cette obsession du point commun, simplifié à l'extrême pour le rendre grossier, est le miroir déformant de notre société et notamment des sites de rencontre qui utilisent des algorithmes pour proposer des alchimies fondées sur des goûts et couleurs en commun. 


Et même sans cela, The Lobster s'attaque à des principes fondateurs de notre société occidentale : ne pas être en couple arrivé à un certain âge, c'est avoir échoué. C'est être mal vu aux yeux de tous. C'est un monde absurde, ce que The Lobster représente le mieux par la présence des animaux les plus étranges - puisque les célibataires qui échouent choisissent eux-mêmes leur animal - dans un décor inapproprié. Il n'y a rien de plus parlant qu'un chameau et un flamand rose dans une forêt d'Irlande moi jvous dis.
The-Lobster---Colin-Farrell-and-Rachel-Weisz

Enfin, un tel film ne serait pas réussi si sa dernière minute ne l'était pas. Ce film est réussi, je vous laisse tirer les conclusions vous-mêmes.

samedi 23 mai 2015

Tomorrowland : Manifeste du "bisounours du cinéma"

Pour faire Tomorrowland, Brad Bird a dit non à Star Wars, et c'est tant mieux. Non pas que ce nouveau film Disney soit un meilleur film que le prochain Star Wars (qui est aussi un film Disney, parce que l'Empire contre-attaque, et que je n'ai pas vu, évidemment), mais il est difficile d'imaginer quelqu'un d'autre sur le projet que JJ Abrams, et quelqu'un d'autre sur Tomorrowland que Brad Bird. Monsieur l'oiseau est le réalisateur très respecté des Indestructibles, de Ratatouille, Mission Impossible 4, mais les vrais de vrais l'apprécient surtout pour Le Géant de Fer. Parfaitement. Si vous ne l'avez pas vu, vous n'êtes pas un vrai de vrai. Apparaît donc ce film de SF - et oui, un film de SF, pas un film d'action déguisé en SF, vous seriez déçus d'attendre cela - scénarisé par Damon Lindelof, le génie derrière Lost et The Leftovers, que Brad Bird a rencontré lorsque ce premier a réécrit une partie du script de MI-4.


Tomorrowland, c'est le futur du passé. On imagine que les plus grands scientifiques du monde entier ont un jour décidé d'exploiter le meilleur de l'homme et de créer un monde meilleur, dans une dimension parallèle. Des recruteurs sont envoyés dans notre monde pour trouver ceux qui, lorsqu'on les accable de tous les maux du monde (le réchauffement climatique, l'orwellisation de la planète, etc.) n'ont qu'une envie : riposter. Ce sont les grands penseurs, scientifiques et artistes, qui feront ce monde. Mais même ce rêve est un jour tombé en désuétude... et il a besoin d'un gros coup pied au cul. Tomorrowland raconte l'histoire de ce coup de pied au cul. Avec ce film, Disney continue son entreprise - apparemment subtile vu que personne n'en parle - visant à diriger les enfants d'aujourd'hui vers des carrières scientifiques. Ce sont bien sûr des visions extrêmement romancées de la science que nous découvrons dans ce film, dans Bienvenue chez les Robinson, dans Les Nouveaux Héros et même dans le Marvel Cinematic Universe, mais c'était la même chose pour Indiana Jones les gars. Il faut bien commencer quelque part !


Bon, je ne peux pas dire que ce film m'a transcendé. J'ai trouvé les effets visuels très décevants, le tout fait très... Disney en fait, le rythme est un peu faux et le tout un poil trop long. Cependant, il est bourré de bonnes idées et de trouvailles très amusantes. Le scénario a une structure extrêmement inhabituelle, construit sur des faux-départs, ce qui n'est pas déplaisant, et ces histoires secondaires (celle de George Clooney notamment) sont très réussies. L'esthétique du film s'inspire en grande partie des parcs Disney et par moment le film ressemble à une grande attraction - sans que cela soit gratuit - jubilatoire. Enfin, la toute dernière séquence du film est remarquable.


Mais ce qui reste après ce film avant tout, c'est l'idée qu'il véhicule ; un optimisme mêlé de culot. Tomorrowland fait appel à tous ceux qui en ont assez d'entendre du mal de tout, assez de la dystopie, de l'horreur, des anti-héros, de la mode du toujours plus sombre... c'est en cela qu'on retrouve le Brad Bird du Géant de Fer, celui qui faisait appel au symbole de Superman pour redonner de l'espoir à un pays désabusé.

En cela, le film m'a touché parce qu'il fait écho à l'existence même de ce blog. Aujourd'hui, nous aimons la critique. Nous aimons ceux qui hurlent, le Nostalgia Critic et Le Joueur du Grenier, on aime cracher sur tout et n'importe quoi, en le faisant n'importe comment. Le cinéma populaire d'aujourd'hui c'est que de la merde, les Transformers sont des bouses intersidérales, Hollywood est une usine infecte qui tente de nous laver le cerveau, j'en passe et des meilleures. Vivons-nous dans un monde parfait ? Bien sûr que non. Le cinéma est-il soudain devenu irréprochable ? Encore moins. Mais quel est l'intérêt de se concentrer sur les crachats ? Constatons les erreurs, réparons-les, et encore plus important, dirigeons notre regard sur ce qui est beau, ce qui est réussi. A force de critiquer, le spectateur moderne en vient à venir au cinéma avec des œillères et il rate le plus important : la totalité du cinéma.


J'écris pour donner envie de voir des films. J'écris pour parler des œuvres qui m'inspire, qui me font non pas cracher mais déposer des mots sur les touches de mon clavier. J'écris pour rappeler, jour après jour, que si l'on voit de la merde partout c'est probablement parce qu'on en a plein les yeux. Alors allons de l'avant ensemble, et continuons à aimer le cinéma et à aimer l'homme et ses possibles.

mardi 19 mai 2015

Cannes Power #1 - La Tête Haute et La Loi du Marché : Le grand défilé des bouffons

C'est le Festival de Cannes ! Sans trop me l'expliquer, cela a toujours été mon moment de cinéma préféré de l'année. Ce festival et ses parures m'ont toujours enchanté, et je rêve encore de pouvoir assister à une séance là-bas un jour. C'est aussi un moment très amusant dans l'actualité puisque certains films sortent n'importe comment, comme par exemple un lundi soir en lieu et place de l'habituel mercredi, et je ne sais pas pourquoi mais cela me fait jubiler.


Cette année, les présidents du jury sont les frères Coen, très habitués à la fois du festival et des moments chocs qui n'hésite pas à laisser une belle place à la comédie. Car Cannes, c'est surtout des films coup de poing, parfois étouffants, parfois expérimentaux parfois ratés... et ceux qui arrivent à injecter un peu d'humour dans le menu sont assez exceptionnels. Les frères Coen en font partie, récompensés à de nombreuses reprises pour Barton Fink, pour Fargo, pour Inside Llewyn Davies... des films où le rire est une sorte de mécanisme d'auto-défense. On rit pour ne pas fondre en larmes comme des mioches. Les deux films dont je vais brièvement parler ici possèdent tous deux cette qualité hautement appréciable. 


Le premier est La Tête Haute, film qui a ouvert le festival cette année avec bien plus de classe que la non-grâce de Monaco l'an passé. Certains comparent le film au dernier succès de Xavier Dolan, le labellisant ainsi le Mommy français. Pour être plus exact, il faudrait dire ceci : c'est comme Mommy sauf que tu as envie de tuer la mère dans toutes les scènes et que le personnage principal trahit ta confiance toutes les deux minutes trente. On suit l'enfance d'un garçon à problèmes de Dunkerque, qui dès son plus jeune âge était aux yeux de tous, un délinquant. Faut dire qu'il fauche des voitures, agresse des gens, donc hé, il l'a un peu mérité. Le film décrit son parcours et les différentes tentatives de tous ceux qui l'entourent, juges, avocats, éducateurs, pour le remettre sur le droit chemin. Enfin, pour le remettre sur un chemin qui lui éviterai d'aller en prison ; le droit chemin dans La Tête Haute c'est une chimère totale. Presque chaque scène du film est un coup de poing criant de vérité, une vérité triste et sociale. C'est étouffant. Etouffant ! On ne sort presque jamais, en dehors de quelques scènes, et même celle-ci sont irrespirables en dehors de la dernière séquence. Les comédiens sont excellents et ont de quoi faire parler d'eux pour les nouveaux venus, et de refaire parler d'eux pour les bien connus comme Catherine Deneuve. De la première seconde à la dernière, La Tête Haute nous fait ressentir, et c'est tout ce que l'on attend d'un film d'ouverture en compétition. Qu'il annonce la couleur, avec puissance.


Le deuxième film est La Loi du Marché, qui vaudra potentiellement à Vincent Lindon un prix d'interprétation. Pourquoi ? Parce que ce mec est absolument délirant ! C'est incroyable de respirer un rôle à ce point. Il est toujours juste, toujours effarant, c'est incroyable. Dans La Loi du Marché, encore un film franchement folichon ma foi, il joue un ouvrier qui galère à retrouver du travail depuis 15 mois, après que son usine a mis la clé sous la porte. Pendant 95 minutes, on le suit dans une série de séquences d'environ 5 minutes chacune, toutes frappantes à la fois dans la continuité de l'oeuvre mais également en tant que moments de cinéma indépendants. Il passe des entretiens d'embauches sur Skype, demande de l'argent à sa banque, arrête des voleurs à l'étalage dans un magasin où il travaille... je ne vais pas mentir, le film est monumental. Pas une scène n'est ratée, pas une fausse note, l'intégralité du temps passé en la compagnie de ce personnage est époustouflante. Traumatisante, déprimante, certes, mais époustouflante tout de même. La loi du marché, c'est la loi du plus fort, c'est la loi du dominant qui écrase les autres. Face à son banquier, Vincent Lindon s'écrase et tente d'expliquer ses problèmes d'argent, puis dans son magasin où il effectue une formation comme agent de sécurité, il se retrouve obligé d'arrêter un vieil homme qui a volé un morceau de viande et n'a pas les moyens de payer. Il y a des victimes, et des proies, et le système est infect.

Mais où est la comédie dans tout ça ? Parce que là, mon article n'a pas de sens pour l'instant. Je vous avais promis de la comédie ! Et c'est vrai que durant ces deux films, on rit beaucoup. Je vous dis ça de mon témoignage personnel, dans les salles où j'ai vu ces films, on a beaucoup ri, mais comme je l'ai dit plus haut, avec une sorte de mécanisme d'auto-défense. Parce que La Tête Haute et La Loi du Marché sont ni plus ni moins que deux grands défilés des plus gros bouffons de l'espèce humaine, ceux qui appliquent les codes et la novlangue sans chercher à connaître le réel. C'est-à-dire que les deux films projettent le spectateur, nous, dans une réalité d'une tristesse de putain de merde quoi. Alors, quand débarquent les guignols, leurs mots et leurs apparences créent un décalage monstrueux, c'est-à-dire qui montre l'absurdité de la vie. La vie n'a aucun sens les gars ! Et on rigole.


Quelques exemples : dans La Tête Haute, les avocats (le procureur et l'avocat de la défense) font du mauvais théâtre pour condamner/sauver notre héros. Là où tous les autres personnages se traînent dans la boue, eux débarquent avec leurs belles toges et font des métaphores filées sur le "permis de conduire la vie" et d'autres conneries de la sorte. Dans La Loi du Marché, je pourrais prendre n'importe quelle scène tellement le film est un panthéon de la bouffonnerie. Je n'en citerai que deux : la première montre le héros à un cours sur les entretiens d'embauches. Alors que la caméra reste très majoritairement fixé sur son visage, tous les autres élèves du cours s'acharnent à démonter un entretien filmé qu'il a réalisé pour montrer pourquoi il est mauvais. La chemise ouverte, ça fait trop à la cool, l'absence de sourire c'est pas agréable, franchement on n'a pas envie de lui parler... délirant. L'autre scène, une des meilleures du film montre un cadre des relations humaine débarquer sur son lieu de travail pour parler du fait qu'une employé s'est suicidée sur son lieu de travail. Un peu avant, elle a été arrêtée pour avoir volé des coupons destinés aux clients, et elle était sur le point d'être renvoyé. Le cadre se lance alors dans un discours pour bien faire comprendre aux employés que ce n'est pas la faute de son travail si elle s'est donné la mort, parce qu'elle a un fils qui se drogue et tout ça, et qu'ils ne doivent pas le prendre personnellement... là, c'est le fou rire dans la salle, je vous assure.

Voilà, Cannes 2015 est là, et le cinéma resplendit. Il dit le vrai, il fait mal, il fait rire, il est. Vive le cinéma.

samedi 16 mai 2015

Mad Max Fury Road : Mad Max Fury Road

Vous avez pu remarquer que souvent, je cherche à mettre dans mon titre une petite trouvaille humoristique, qui aurait de quoi résumer le film et son propos au mieux. Cette fois-ci, j'ai réécrit le titre du film. Parce que je ne trouve rien de plus approprié. Ouais. C'est à ce point-là. Mais par où commencer ? Par où commencer bordel de mamies dopées en surf décathlon ? JE NE SAIS PAS COMMENT PARLER DE CE FILM. Mais... essayons ?


Il y a une trentaine d'années, un certain George Miller a inventé un type de cinéma de série B, que certains critiques ont labellisé la Nouvelle Vague australienne - ça vous permettra de vous la péter avec vos potes au McDo - avec un film au joli nom de Mad Max. Après une catastrophe planétaire, y a plus trop de pétrole et c'est la guerre un peu partout. Seuls les flics et certains véhicules de commerce ont le droit de conduire, mais des gangs refusent d'abandonner la liberté de l'ancien monde et dévalent les routes à toute allure. Max, ou Mel Gibson pour les intimes, est un intercepteur, un flic chargé d'arrêter ces gens. Bref, sa vie c'est de la merde, il perd sa famille tout ça, et globalement dès le deuxième film (car celui qui vient de sortir est ni plus ni moins le quatrième) tout devient totalement barge. On rentre dans une esthétique punk post-apocalyptique où les tarés dominent le monde, et tout repose sur un paradoxe bien débile : Max est-il fou ? Il tente de survivre seul dans un monde de psychopathes, mais apparaît dans la vie des démunis pour les sauver, comme pour rattraper ce qu'il n'a pas su faire avec sa famille.


Mais pourquoi je parle de tout ça ? L'histoire ? Y a une histoire dans Mad Max ? Mais on s'en contreflanche les rouflaquettes va beurrer tes tartines ouais ! C'est pas comme si à un seul moment cette saga avait eu une quelconque logique. Les films sont à peine possibles si on les lie entre eux, et c'est une partie intégrante de ce qui fait leur beauté ; avec Mad Max, George Miller ne fait que prendre la théorie de l'auteur jusqu'à lui péter la gueule et la rendre totalement littérale. Un auteur, c'est quelqu'un qui refait le même film cent fois. George Miller vient de refaire Mad Max pour une quatrième fois, et il ne s'est pas loupé.


Bon, y a quand même un semblant de narration dans Mad Max, faut pas croire. C'est juste que c'est souvent... absurde, insensé, déconnecté... du moins du point de vue de tout ce qui est logique. Les émotions, elles, on y reviendra, sont vraies. Bref, cette fois, Max se fait capturer par une espèce de secte totalement débile, des obsédés du V8 et du chrome qui sont prêts à mourir sur la route pour que leur leader (Dark Vador avec des dents de mamouth à la place du triangle sur la tronche) les guide jusqu'au Valhalla des héros de la route. Sans trop l'avoir souhaité, Max se retrouve mêlé à une course poursuite entre une dissidente nommée Furiosa (Charlize Theron, un seul bras et cent fois plus de badassitude que tous les personnages de tous les autres films de l'univers réunis) et la secte des débiles tous pâles, puisque celle-ci a enlevé les filles/femmes - l'inceste paraît tellement peu insensé au milieu de tous ces autres trucs déjantés - pour leur offrir un peu de liberté. Et puis on a Nicholas Hoult, qui joue un des citrons frappés de la secte, qui a l'arc narratif le plus intéressant du film, entre aller-retour et bouleversement et le tout sans trop de paradoxe.


Et puis, il y a l'esthétique, le cœur de la saga. George Miller, qui a bien planché sur les théories de Joseph Campbell depuis le deuxième film (qui nous ont aussi donné les films de Star Wars, autre petit passage légèrement marquant dans l'histoire du cinéma), sait puiser dans l'image pour lui créer une force évocatrice, et ce à la fois à travers les paysages - ces déserts qui font du film une oeuvre éminemment australienne et si unique - et à travers ses personnages. Ce n'est pas simplement qu'ils sont toujours hauts en couleur, c'est que chacun d'entre eux, notamment les méchants dans Fury Road, est coloré comme un trip à l'acide dans un montage de film sur les sixties. Vous voyez ce genre de séquence ? Prenez-tout ça, et faites-en des personnages totalement barrés, et le tour est joué.


Surtout que ça n'était pas gagné d'avance. Mad Max 2, et dans une moindre mesure Mad Max 3, ont inventé l'esthétique post-apocalyptique façon punk du désert, en s'inspirant de l'époque moderne en mélangeant ça avec le western et l'émergence de la culture asiatique. Et bien de temps a passé depuis, et les copies, plagiats et inspirations pullulent. Fury Road risquait donc de se heurter à un mur comme l'a fait John Carter, qui n'a pas réussi à dépasser en tant que film les clichés qu'il avait lui-même inventé un siècle plus tôt en tant que roman. Mais que nenni, Fury Road le défonce le mur, avec un gros 4x4 porc-épique. Donc, on résume ; l'esthétique fonctionne, elle enrobe les personnages et les émotions simples - désir de liberté - mais frappantes d'une histoire déglinguée, les mythes sont en place. Il reste donc encore à évoquer les deux cœurs du film : le spectacle, et le Max.


Si on lui arrache toutes ses parures, Fury Road est ni plus ni moins une gigantesque course poursuite effrénée de deux heures. Et si tout le monde en a déjà parlé, et si c'est une part intégrante de la promotion du film, cela mérite d'être redit : ici pas d'écrans verts, mais des vrais cascades avec des cascadeurs qui sautent sur des véhicules lancés à toute berzingue dans le désert aride. Des explosions à droite à gauche, des types qui se balancent sur des perches, un PUTAIN de bassariste (guitare+basse) qui joue d'un espèce de monstre hideux qui crache des flammes accroché à un camion pendant l'intégralité du film, des motards volants, et fur et à mesure que les moteurs ronflent tout autour de nous la musique s'empare de nos sens, puis des tambours retentissent et le tour est joué sa mère. Si George Miller compare souvent son cinéma aux premiers films de Keaton, ce n'est pas à tort : l'action est privilégiée à la parole, le montage raconte le spectacle sans être confus (ce qui, vu le foutoir gigantesque, n'est pas tâche aisée), le tout dans un monochrome éblouissant (cette-fois ce n'est plus du noir et blanc mais du orange et bleu, le fameux). Il utilise même à de très nombreuses reprises des plans en accélérés, ce qui dans tout autre film ne passerait absolument pas, mais chez lui ça passe comme une lettre à la poste. Enfin, une lettre de deux cent tonnes qui écraserait la poste de son passage. Ce sont ses petits écarts qui font que le réalisme du tournage ne se transforme pas en réalisme à l'écran : si l'action a bien été tournée telle quelle, elle paraît toujours surréaliste tout en gardant un impact qui va crescendo, notamment grâce à sa charge émotionnelle. L'émotion est au cœur de l'action, et ça marche. Enfin... ça roule quoi.

Mad Max Fury Road Best HD Picture Detail

Et ce nouveau Max n'y est pas pour rien. Car pour la première fois, ce n'est pas Mel Gibson qui endosse le blouson en cuir, mais Tom Hardy, dont la carrière continue d'impressionner à peu près tous les amateurs de cinéma de genre. Et là où le Max de Mel (ça sonne bien ça) avait cette prestance naturelle qui lui permettait d'exister au dessus de tout le reste, Tom Hardy a eu l'intelligence (enfin, lui ou George Miller ou quelqu'un d'autre, qu'est-ce qu'on s'en branle) de ne pas essayer d'imiter cela. Son Max est plus doux, moins resplendissant ; on retrouve le Max des débuts en fait, celui qui vient de perdre sa famille et par là-même ses repères. Il est bien plus bavard dans ce film que dans les précédents, et plus actif. Bref, il n'est pas une resucée des héros des années 80, eux-mêmes inspirés des personnages de Clint Eastwood dans les Western post-Leone, il est plus moderne et interagit avec les autres héros de ce film. Notamment avec Furiosa qui est clairement le personnage le plus cool de tout l'univers, avec Max bien sûr.




Ce qui m'impressionne le plus, au delà de tout ce que m'a fait ressentir le film, c'est la cohérence de ce qu'il propose dans son contenu et son esthétique. C'est-à-dire que réussir à mettre en place le ton d'un monstre pareil sans se prendre les pieds dans le tapis, et faire en sorte que lorsqu'un personnage s'arrache un dent pour la mettre dans le chargeur de son revolver, cela paraisse tout aussi frappé que naturel, c'est un tour de force d'une rareté précieuse. Savoir réinvestir son univers, réinventer son héros tout en restant fidèle au monde créé et en acceptant de voir son héros évoluer et adopter une nouvelle forme, c'est ce qu'a fait George Miller.



Enfin, un mot sur la promotion de Fury Road, qui fait extrêmement plaisir dans le paysage des films à gros budget actuels : voilà un OVNI (j'aurais pu dire ORNI pour faire un jeu de mot avec roulant, mais même moi je ne peux pas tomber aussi bas) puisque la Warner s'est dit "les potos on va vendre un film ultra violent plutôt que de viser une audience large comme on le fait d'habitude, et comme le fait Disney", et le résultat est le suivant : un film de série B, finalement destiné à un public relativement réduit d'initiés et de nouveaux venus, qui sort en 3D et sur 653 copies en France. C'est ridicule ! A aucun moment les producteurs n'ont dû se dire que le film avait une vocation universelle que ce soit pour son contenu ou son esthétique... mais c'est du vrai cinéma, et là dessus les critiques partout dans le monde ne se sont pas trompés. Tout le monde respire un coup, et pousse un hurlement parce que Mad Max Fury Road est désormais la définition du dictionnaire pour le mot jubilatoire.


Fury Road n'est pas une claque, c'est un uppercut avec poing américain dans l'estomac, qui te retourne le coeur et te rassoit dans ton siège ; tiens, assis-toi confortablement, je vais te montrer ce que c'est du cinéma. Tu sais le mouvement cinétique accompagné de sons ? Des images, de la poésie, du sang, de l'essence ? Tout ça, je vais te le donner, et dans deux heures, tu pourras peut-être arrêter d'agripper ton siège comme ça. Calme-toi, c'est fini... et tu en veux encore.

jeudi 14 mai 2015

Laggies - Say When - Girls Only : Où comment le marketing français te vomit sur la gueule

Cher lecteur, soit content ! L'industrie du cinéma français te prend pour un con. C'est sympa hein ? La réalisatrice Lynn Shelton (pas hyper connue, mais elle a notamment une jolie carrière à la télévision, étant notamment passée par Mad Men, New Girl ou encore Fresh Off The Boat) sort un nouveau film, et à votre avis de quel genre de film s'agit-il ?


Il s'appelle Girls Only. Voyez Keira Knightley dans ce décor un peu rose pale, avec les noms des acteurs qui ne correspondent pas à leur placement sur l'affiche. Sam Rockwell ressemble beaucoup à Hit-Girl quand même ! Les pubs dans le métro expliquent comment passer de vrais moments entre filles (se peindre les ongles entre autres, faire du shopping, pas besoin de vous faire un dessin, et de toute façon je ne sais pas dessiner), bref voilà c'est clair on doit être dans un chick-flick ! Keira Knightley, la trentaine, rejoint une bande de jeunettes pour aller faire des pyjama-party et girl power !


Sauf que le film s'appelle Laggies aux USA, et Say When au Royaume-Uni. Laggies, c'est quoi ? Ce sont les adultes qui sont restés figés dans le temps, qui ont arrêté d'évoluer à la suite d'un événement. Laggies parle donc de ce que c'est de grandir, de rester proche de ses amis de lycée, de se laisser bercer par la vie sans regarder le temps passer, d'arrêter de vivre vraiment d'une certaine manière... c'est ce qui arrive au personnage de Keira Knightley (je mentionnerai bien qu'elle est sublime dans ce film mais quel intérêt, j'ai déjà dit que c'est Keira Knightley), qui vit une crise existentielle et se retrouve à se cacher dans la maison d'une lycéenne, Chloë Grace-Moretz (je mentionnerai bien qu'elle est sublime dans ce film mais quel intérêt, j'ai déjà dit que c'est Chloë Grace-Moretz), qui est tout aussi paumée. Tout comme son père, le grand Sam Rockwell, qui ne se remet pas du départ surprise de sa femme, sept ans auparavant.


Ouais... le fait est le suivant : le titre Girls Only est non seulement mensonger, il est offensant : il tente de faire de cette oeuvre un chick-flick un peu con, et d'attirer un public comme ça, alors qu'au final ce film est... un film ! Pas sur les femmes, pas sur le fait qu'elles sont différentes des hommes et qu'elles se serrent les coudes, pas sur des conneries de merde de sa race de testicules de porc, non, c'est un film sur des personnes, et leurs problèmes. Et le réduire à autre chose est honteux. Et regardez à quel point c'est insensé : sur l'affiche française du film, on indique le nom de Sam Rockwell, pour des raisons de contrat je suppose (il est effectivement le 3ème plus rôle du film), mais on le remplace par une des lycéennes du film, qui n'est pas hyper présente, pour ne pas trahir ce message mensonger dégueulasse. Elle est pas belle la vie ?


En tout cas, c'est un film sympa. Sans plus. Les personnages sont bien écrits, le jeu est vraiment très bien mené, et il y a une scène absolument géniale vers le milieu du film qui implique une réunion de famille très très maladroite, et de la lingerie. La fin du film... me dérange pas mal en revanche. Puisqu'au final on tombe dans des travers habituel, d'un point de vue romantique. Ce sont non seulement des chemins tellement empruntés qu'on devrait les appeler des autoroutes, mais en plus ils véhiculent une conception du monde assez navrante. Il est possible d'être heureux sans avoir un compagnon/une compagne les amis ! Ne laissez pas le cinéma populaire vous badigeonner de ses morales à deux balles ça rime j'ai pas la gale.

dimanche 3 mai 2015

Beyond Clueless: La Carte de Tendre des Teen Movies

De nombreux sites et magazines ont catégorisé Beyond Clueless, réalisé par Charlie Lyne, comme un documentaire ; ce qui est à mon sens une erreur. Ce film tout récent, dont le titre fait référence à un film immensément populaire sorti en 1995, Clueless, n'explique rien sur le phénomène culturel, les conditions de production ou de réception des teen movies. Que dalle du tout qu'on vous dit. Non, au contraire, il s'agit d'une sorte d'étude théorique qui mélange exposé, anthologie et - la meilleure partie de loin - montage expérimental.


Le film est découpé en cinq parties, sans compter un prologue et un épilogue ; le propos est simple, il s'agit de présenter les développement thématiques des teen movies à partir d'un échantillon allant de 1995 jusqu'à... 2007 je crois ? En tout cas, ça fait plus de deux cent films. Dans ce chapitrage, une voix-off nous explique les différents étapes : la présentation de la jungle du lycée avec les différents groupes, la présentation des individus qui tentent d'exister en dehors de ce cadre prédéfini, imposant et terrifiant, les extrêmes qui régissent cet univers (le sexe et la violence, duh) puis enfin l'émancipation progressive qui mène jusqu'à la découverte de soi - cette dernière phase étant accompagné d'un montage assez dingue de jeunes ados qui, dans un nombre incalculable de films, se touchent. Joli.

L'un des premiers intérêts du film, c'est qu'il accompagne ses chapitres théoriques d'une série de présentations à titre d'exemples, ce qui permet de découvrir des films peu connus, et pour la plupart assez barrés. Qui n'a pas eu envie en sortant de la salle d'aller voir Slap Her, She's French! dans lequel une jolie étudiante française débarque dans un lycée américain, remplace la coqueluche du lycée et impose le port du béret pour les gens cool ? Ou encore Idle Hands, dans lequel un adolescent veut absolument se taper Jessica Alba, tant et si bien que sa main droite emmagasine toutes ses frustrations jusqu'à prendre conscience et devenir meurtrière ? Et bien sûr, Bubble Boy, dans lequel on peut voir Jake Gyllenhaal jouer un ado ayant grandi dans une bulle. Non, il n'a aucune maladie, c'est juste que sa mère a peur de le laisser affronter le monde ; il y a notamment une scène assez tarée où il a sa première érection et sa mère lui fait réciter le Serment d'Allégeance au Drapeau jusqu'à ce que le problème soit réglé. Et genre le mec se barre de chez sa mère et part en road trip ! Dans sa bulle ! Mais c'est quoi ce film ??!?


Le deuxième intérêt du film devrait être le message de la réalisatrice, sa présentation des thématiques des teen movies, mais force est de constater que ce qui est dit dans le documentaire est extrêmement superficiel. Au sens littéral, c'est-à-dire que les images présentent en dehors de quelques exceptions (notamment une réflexion sur la "fille moche" qui n'est en fait pas du tout moins jolie, mais trop hors du système de caste pour être remarquée) un type de film immensément riche, très codifié et source de nombreuses interrogations, mais dans son étude elle ne fait que gratter la surface, sans jamais réellement s'attaquer à ce qu'il y a de réellement fascinant. Du moins, le film ne le montre pas directement, et c'est le véritable deuxième intérêt du film, qui en fait un véritable plaisir sensoriel : les montages dynamiques qui font le lien entre toutes ces oeuvres de part des moments types (la scène de la piscine, la scène de sexe, le bal de promo, et surtout la scène de violence, meilleur moment de Beyond Clueless de très loin) sont extrêmement évocateurs et par une simple superposition et un effet Koulechov basique mais efficace, ils amènent du sens là où l'image seule n'en a pas.


C'est en voyant ce film pseudo documentaire pseudo expérimental que j'ai réalisé que le teen movie est sans doute mon genre de film favori ; qu'est-ce que révèle Beyond Clueless au final ? C'est que ce n'est pas vraiment un genre, c'est un contexte ; les lycées du cinéma américain sont un fantasme, une illusion qui fonctionne par qu'elle mêle un lieu et des expériences que nous avons presque tous vécus,avec l'irréel. Ils existent dans une sorte de super-réalité qui permet donc une stylisation à l'extrême - qui passe beaucoup par la musique - et des archétypes qui parlent à tous ; le sportif, la starlette, le nerd, le héros. On a tout dans le teen movie : l'individu qui tente de trouver sa place au sein d'un monde complexe et hostile, les histoires d'amour qui ont la magie des romances de jeunesse , la violence et le danger qui font naître les héroïsmes... l'adolescent, c'est un peu l'être humain exacerbé pour qui tout est intense, et pour cette raison, lui faire faire du cinéma, c'est une source d'inspiration inépuisable. Car le genre permet toutes sortes de métaphores et ainsi de se greffer à d'autres genres : ce n'est pas si surprenant si la majorité des films cultes de ce type soient des films d'horreur ou des films fantastiques. Ces films-ci poussent tout simplement le côté surréel du teen movie à son paroxysme. Notamment dans son traitement de la violence... c'est comme si Elephant (et surtout l'histoire dont il s'inspire) avait marqué un triste tournant où la folie de la fiction avait envahi le monde réel. Et le résultat, c'est que de nos jours il y a bien plus de teen movies qui se veulent sérieux et réalistes... plus de rêve. C'est des gamins alcooliques, des élèves qui couchent avec leurs profs... ce n'est pas ce que moi, je souhaite voir.



Je profiterai donc de cet article pour proposer une liste de mes teen movies préférés, sans me limiter à la période de ce film ci, et cela me permettra d'illustrer ainsi la grande variété de thèmes et de tonalités que l'on peut retrouver dans ce genre si particulier :

Risky Business

Tout le monde connaît la scène de Tom Cruise qui danse dans son salon, peu connaissent ce film qui raconte comment un adolescent tente d'impressionner une fac en créant une genre de maison avec des escort girls pour lycéens dans le domicile de ses parents. C'est drôle, c'est fantasmagorique, c'est sexy, ça déchire.

Donnie Darko

La métaphore de la puberté, encore une fois. La difficulté d'être en individu dans un monde où tout le monde semble être complètement frappé... LE film ultime de Richard Kelly, une BO incontournable, une histoire franchement incompréhensible (sans la Director's Cut), une tuerie absolue.

Carrie

Le premier film, celui de De Palma. Encore une fois, un traitement un peu what the fuquesque de la puberté (la première scène du film montre Carrie qui a ses règles pour la première fois dans les douches du lycée, avant de se faire bien humilier sa race pour cela par ses camardes). J'ai rien à dire d'intelligent sur ce film, il est parfait c'est un de mes films préférés.

Rock 'n Roll High School

Une comédie musicale avec les Ramones, par les Ramones. Je le mets en grande partie parce qu'il n'est absolument pas connu en France et qu'il mérite d'avoir du succès.

Rushmore

Mon film préféré de Wes Anderson. Ici, la recherche de l'identité passe par un refus de reconnaître sa famille (enfin, le papa) et par une intégration à absolument toutes les communautés du lycée. Un bijou inestimable.

Dazed and Confused

Richard Linklater adore filmer le temps. De manière condensée ou étirée. Ici, il a décidé de raconter la soirée après le dernier jour de lycée : les nouveaux terminales vont aller faire leur fête aux futurs lycéens. C'est un petit moment de beauté parce que c'est une poésie qui devient bizarrement authentique au fur et à mesure du film.


Et puis un millier d'autres, au moins.