On continue les aventures de "Renaud se fait inviter par Charlotte la merveilleuse qui un jour l'aidera à distribuer ses propres films sur la scène internationale" avec un événement assez particulier: la Philarmonie de Paris accueille dans ses locaux le chef d'orchestre Timothy Brock, qui a restauré les partitions d'un sacré paquet de musiques de films, et notamment celles de tous les grands classiques de Charlie Chaplin. L'événement est très simple et s'inscrit dans une mode qui a maintenant quelques années : c'est une projection du film Les Lumières de La Ville, accompagnée d'un orchestre en live qui interprète la musique comme pendant un concert.
Et s'il est vrai qu'il y a un effet de mode autour de cela récemment, et surtout pour des films récents et/ou grandioses/épiques comme Titanic, Lord of the Rings, Interstellar, cette projection de City Lights a tout de même une autre signification ; quand on parle du cinéma muet, c'est qu'à l'époque (donc avant la fin des années 30... ça fait loin, si loin, si looooooooooiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin mais qu'est-ce que je fais arrête) ce cinéma était réellement muet dans les salles ! Point de musique pour l'accompagner dans la bande-son puisque pas de hauts parleurs, et pas de prise de son, et voilà toute la logique. Non, la musique était vivante les amis : et oui, cela veut dire que dans les salles de cinéma, selon les films et les lieux, il y avait un orchestre, un pianiste, ou juste du silence.
Autrement dit mes petits amis, et de joie j'en ris, City Lights en ciné-concert, mes chers ptites pommes de terre, c'est une sorte de voyage dans le temps, de retour en plein cœur du cinéma d'antan ! Le cinéma est à mes yeux intrinsèquement lié à son lieu de projection, ce qui fait de moi un rabat-joie face au développement du numérique, du home video et de Netflix et autres, car si je les apprécie toutes énormément, elles ne remplaceront jamais en moi ce qui fait que le septième art est un spectacle, et qu'il est pensé avec la conscience d'un public dans une salle, dans une situation unique et sans équivoque. C'est exactement de cette manière que Charlie Chaplin, qui devait s'ennuyer à l'époque puisqu'en plus d'écrire, réaliser, interpréter et produire son film, a décidé de composer la musique également (spoiler alert : l'enculé de sa race quand même, qu'est-ce qu'il est bon même pour ça), a voulu que son film soit regardé, et c'est exactement comme ça que nous l'avons vécu.
Et c'est ce nous qui m'a le plus fasciné pendant la séance. Car le film, si je l'avais vu seul, je l'aurai trouvé magnifique ; c'est le dernier classique de Chaplin qui manquait à mon tableau de chasse, oui car je chasse des DVDs dans la forêt moi, au moins je ne tue pas des pauvres animaux sans défense hein, et c'est je pense mon préféré avec Le Kid. Extrêmement drôle mais à la fois touchant et déchirant d'ingénuité politico-sociale (un clochard aide un riche crevard puis une jeune femme aveugle, alors qu'il n'a rien sur son dos, et le fait avec tant de naturel et d'amour que cela paraît tristement normal), City Lights mérite sa réputation. Mais en public et avec un orchestre, le film est sublimé par son rythme effrenné, à la fois visuel et musical ! Et les rires fusent, sans cesse, du début à la fin, et surtout pendant la longue séquence de boxe totalement délirante. En vérité ce qui m'a fait le plus plaisir durant la séance, ce ne sont pas les éclats de rires des cinéphiles, des adultes et des vieux adultes dans la salle, dont l'hilarité est en harmonie avec le tout. Non, ce sont les rires des enfants de la salle qui m'ont conquis ; des gamins qui sont nés au 21ème siècle, sont capables de glousser bêtement et bruyamment face aux pitreries d'un petit monsieur né au 19ème. Et ainsi en était-il, ainsi soit-il et ainsi en sera-t-il, le cinéma est éternel. Amen dans ta face.