samedi 26 mars 2016

Batman v Superman : Le Crépuscule de la Justice des Opiniâtres




(avertissement : cette critique est extrêmement longue, peu subtile et met longtemps à parler de son sujet. Un peu comme le film dont elle parle en fait. Je l'ai adoré, mais j'en ai beaucoup à dire, c'est pourquoi j'ai mis des titres si vous souhaitez naviguer et aller directement à l'essentiel)

Introduction : danse des opinions
Connaissez-vous le plus vieux mensonge du critique ? C'est qu'une opinion peut être innocente.
Une opinion, c'est un jugement personnel en costume, un concept qui se donne des airs de vérité tout en cachant en son sein une sémantique si ancienne qu'elle est presque mythologique. 


Opinio, en latin, veut dire deux choses qui s'opposent catégoriquement. D'un côté, nous avons : la croyance, la conjecture, le préjugé, l'illusion. De l'autre : une attente, une espérance. Ainsi, nous autres critiques de cinéma en herbe ou goudronnés, du type qui commente sur une vidéo Youtube à celui qui sera lu par des millions sur Variety, nous faisons donc croire, nous faisons illusion : en deux mots, nous pouvons donner l'impression qu'une œuvre est bonne, ou qu'elle est mauvaise. Si l'intégralité de la critique s'accordent à dire qu'un film est mauvais, la critique a alors un pouvoir sur notre perception. Pourquoi ? Sans doute à cause de nos besoins primordiaux de communiquer, et d'exister en tant que membre de la société ; comme participant ou dissident.


Une opinion n'est donc en rien innocente ; une opinion est censée être une partie de soi, d'une sensibilité propre et d'un jugement affectif lié à nos valeurs morales et notre identité propre. Comment expliquer autrement nos divergences quotidiennes, si ce n'est avec la complexité de nos expériences humaines ? L'erreur, c'est de voir l'opinion pour autre chose que ce n'est qu'elle est.
Certains disent, et n'ont pas peur de le dire, que derrière chaque critique se cache un cinéaste frustré. Cette banalité cache une vérité bien plus intéressante que son apparence provocatrice ne le suggère : le critique pense pouvoir brandir son marteau et condamner ou gracier toute oeuvre artistique, du haut de sa tour de verre, sans ce casser un ongle. Et c'est pourquoi nous nous méfions de plus en plus des critiques après tout : comment osent-ils s'attaquer à cette chose que j'apprécie ? Comment peuvent-ils avoir le culot de défendre cette merde puante ?


Batman V. Superman: Dawn Of Justice
Et pourtant, les opinions pullulent et prospèrent et envahissent et avilissent la vastité de notre monde virtuel. Bien plus vite que Barry Allen, la rumeur court, et ce n'est point un murmure : Batman v Superman est un mauvais film. Le monde entier s'accorde à dire que la rencontre entre les deux super-héros les plus populaires de l'histoire – et non pas de l'époque – est une déception ; et les dissidents dissonants sont rares. Parmi ces dissidents, il y a moi. Surpris ? Bien sûr que non… si vous êtes là, vous me connaissez un petit peu. Je l'ai vu, adoré, et je le reverrai plus de fois qu'il n'est considéré normal, et moins de fois que je le souhaite au vu de mon emploi du temps chargé.



Batman V. Superman: Dawn Of Justice
De quoi ça parle ?
Batman v Superman fait suite à Man of Steel, au sens le plus strict du terme puisque son élément déclencheur est la destruction de Metropolis qui a lieu dans le premier film. Superman agit dans le monde entier et sauve des vies, mais certains n'oublient pas toutes celles qu'il n'a pas sauvé auparavant. Les victimes du conflit sont symbolisées par un homme qui a perdu ses jambes dans l'attaque de Metropolis, et qui escalade la statue érigée en honneur de Superman pour le marquer de la mention « faux dieu ». Tout le conflit du film est centré sur cette notion : un tout puissant est-il trop dangereux pour l'homme ? Trois personnes en sont convaincues : Une sénateur américaine, Lex Luthor Jr., et le personnage principal du film, Batman.


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La force narrative du film est donc extrêmement simple, on est plein dans le paradoxe du héros hors-la-loi : s'il existe en dehors de la loi, il peut tout autant faire le bien que devenir fasciste. « Nous avons toujours été des criminels, Alfred », dit Bruce Wayne au début du film.
C'est le centre névralgique de l'audiovisuel super-héroïque 2016 : la saison 2 de Daredevil parle de ça, Civil War parle de ça, Batman v Superman parle de ça. Niveau exécution en revanche, on s'éloigne de la simplicité et on se rapproche d'un film choral, au risque de perdre les plus distraits qui attendraient la prochaine scène de crêpage de chignons. Tout converge uniquement durant les vingt dernières minutes du film, qui servent de conclusion émotionnelle en apothéose à la mise en place des personnages, de leurs émotions et conflits internes.


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Pourquoi les critiques sont-elles négatives ?
Soyons clairs : il y a deux types de critiques négatives. Celle des cinéphiles, et celle des fans de comics qui pensent que les personnages leur appartiennent.
Commençons par les premiers, car là est la clé de la réception catastrophique du film : les critiques sont négatives parce que ce que le film montre ne correspond pas du tout à ce que les gens ont envie de voir. C'est bien simple, la quasi totalité des critiques accusent le film d'être pompier, trop sérieux, trop lourd et insistant quant à sa mythologie. Et ça, ce n'est pas une critique objective, c'est l'expression d'une opinion : un film de super-héros n'a pas à être léger, il n'a pas à être humoristique. Où est le problème ? Le problème, c'est en réalité le succès des films Marvel, qui ont installé des attentes vis à vis du genre. Les films Marvel sont avant toute chose, fun. Ils ont bien des défauts, notamment une esthétique inexistante, trop de personnages qui meurent pour de faux, et des troisièmes actes souvent décevants, mais ils sont toujours fun, cool, sympa. Ils sont même parfois, osons le dire, très bons… assez pour avoir instaurer une norme. Et pour tout le foin que l'on a pu faire autour de Deadpool, à aucun moment celui-ci n'échappe à cette norme : c'est fun, c'est plein d'humour et d'action, et à la fin y a un vaisseau qui s'écrase. Certes, l'humour est plus osé et l'action légèrement plus ensanglantée, mais le résultat est le même.


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Et donc, notre cinéphile, il en a déjà marre des films de super-héros. Y en a partout, ils sont surchargés, gonflés à bloc… mais au moins, ils sont fun. Et c'est à ce moment que la Warner débarque avec une approche radicalement différente. D'abord avec Man of Steel et son esthétique « ancrage dans le réel » (les guillemets sont grosses croyez-moi), sa lourdeur dialoguiste, ses thématiques messianiques… où est le fun ? Avec son univers cinématographique DC, la Warner a décidé de regarder ses héros en face, sans jouer sur le décalage à la Marvel. Chez Marvel, les héros sont d'abord des hommes et des femmes, ensuite des surhommes et surfemmes. Chez DC au cinéma, ce sont des dieux qui tentent de vivre parmi les hommes. Point de fun donc. Ou du moins, pas dans la même gamme que celle du voisin. Et c'est un choix ! Avoir choisi Zack Snyder, ce n'est pas une erreur de leur part, c'est une choix, une intention : l'envie de proposer quelque chose de différent. Quelque chose qui demande au spectateur d'oublier un instant que ces personnages et leurs aventures sont totalement débiles, surfaites et surannées. En somme, le spectateur, on lui en demande beaucoup.


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Tout ça, à mon sens, parce que Batman v Superman arrive au mauvais moment. En fait, jamais un film de Zack Snyder n'aura paru aussi jumeau de son adaptation – tout aussi controversée par ailleurs – de Watchmen, et les deux fonctionnent désormais comme un diptyque antithétique du film de super-héros. Un dyptique sombre, sale, et pompier. Et le pompier, c'est passé de mode depuis trois siècles au moins, alors va plaire à un critique avec ça...
Et c'est là que je reviens à mon idée d'illusion, ce qui me permet d'avancer ceci : Zack Snyder est un putain de génie. Le type a réussi à convaincre la Warner de lancer une campagne cinématographique, un plan décennal dirons-nous, qui coûtera plusieurs milliards de dollar, en leur faisant un tour de magie : il a réussi à leur faire croire que le public d'aujourd'hui voudrait voir ce film. Il leur a fait croire que son opinion sur Batman, Superman et Wonder Woman était la bonne. Un tour de passe-passe, et c'est dans la boite.


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Du coup, tant pis pour les spectateurs qui n'ont pas du tout envie de voir un thriller politique/épique biblique à la Cécil B. Demille/Baston générale de super-héros musclés, et tant mieux pour ceux qui, comme moi, apprécient à la fois la prise de risque et le résultat.
Ça, c'est pour les critiques. Il me reste à parler des fanboys, de Marvel et de DC, qui crachent sur le film car ils pensent posséder la vérité sur ces personnages. Vous noterez que j'ai utilisé le verbe «pensent », ce qui indique qu'ils ont tort à mon sens. Il m'est impossible de compter les interprétations de Batman, de Superman, Wonder Woman et autres Lex Luthor et compagnie, puisqu'elles varient énormément. Ces personnages sont réellement les mythes de l'Amérique moderne, et leurs formes changeantes font partie de leur charme. Chaque fan, au fond de lui, a une version de Superman, nourri de son expérience personnelle et de ses lectures. Quoi, mais Renaud, tu veux nous dire que c'est encore une affaire d'opinion ? Et bien oui.


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Ceci étant dit, je ne peux m'empêcher de penser que certaines opinions sont moins valables que d'autres, permettez-moi donc d'en attaquer quelques unes. Oui, Batman potentiellement tue des gens (jamais explicitement) dans ce film, non, ce n'est pas la règle numéro un de Batman. La règle numéro un de Batman, c'est que c'est un homme qui met un déguisement de chauve-souris. Bat-man. C'est toujours pareil, dans les comics y a des trucs qui explosent, des gens qui tombent de haut et se brisent la colonne vertébrale… on le voit pas directement tuer des gens, et là non plus. Mais qui plus est, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une interprétation nouvelle de Batman, et celle-ci commence avec une version du chevalier noir… bien noire. Mais alors, noire sa race. Batman marque au fer rouge de son symbole les criminels quoi !! C'est le Batman facho de The Dark Knight Returns de Frank Miller au début du film. Et c'est son évolution dans le film, dans une direction ou l'autre, qui fait l'intérêt de sa caractérisation.


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Non, le film n'est pas coloré ni spécialement drôle. Vous avez déjà vu un film de Zack Snyder ? Sérieusement ? Au bout d'un moment, il faudrait comprendre que le mec c'est un auteur, qui a donc des obsessions, et qu'on commence un peu à les connaître : il aime le fascisme, les vignettes, les tableaux pompiers, les sacrifices héroïques, les hommes confrontés à des tâches insurmontables, les ralentis, la démesure, la mythologie, le mouvement et les ralentis. Si vous allez voir un film Snyder, et bah il faut s'attendre à un film Snyder les gars ! Vous attendiez quoi de la part du mec qui a fait 300, le film le plus pompier et débile de l'histoire des films ? Snyder a la subtilité d'un éléphant qui fait des claquettes sur du papier à bulles. Si ça vous dérange, ce film n'est pas pour vous, tant pis, voilà, n'en faisons pas tout un fromage. Ou alors si, mais on le partage avec du vin parce que c'est trop bon le fromage. Franchement, c'est comme si on disait « Hmmm j'ai vu le dernier Wes Anderson et c'était trop symétrique et ça parlait trop de relations familiales, c'était nul », ou encore « J'ai regardé un Terrence Malick et c'était trop philosophique, c'était nul ». Et d'ailleurs, le film a quelques moments marrants, qui fonctionnent effectivement comme du « comic relief » au milieu du reste très guindé ; c'est notamment Alfred qui le transmet, mais également César le boss du Daily Planet qui a LA punchline du film. Ce n'est rien de plus que quelques moments très, très brefs de légèretés qui conviennent tout à fait à l'ambiance autrement plus taciturne du film.


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Quels sont les défauts du film ?
Car il en a, et parmi les critiques et opinions, certaines semblent plus avisées que d'autres : à mon sens, il en a deux. Le premier c'est le montage actuel du film, qui souffre dans certaines scènes d'actions. Si par exemple la vision de la destruction de Metropolis depuis le sol est grandiose et très claire, ce n'est pas le cas de la baston finale qui malgré son côté orgasmique n'est pas toujours des plus claires. Mais comme certains le savent, les plans ont été en partie raccourcis pour faire passer le film en PG-13, et ils seront complétés dans la version DVD qui aura une demi-heure de plus de contenu. La dernière fois qu'un film de Snyder a connu le même traitement, c'était Watchmen, et son Director's Cut a quand même bien calmé tout le monde. Donc, on peut espérer que ce point soit sauvé par la version « réelle » du film. Et puis ça vaut un peu aussi pour son scénario, qui dans certains passages n'est pas hyper clair... donc, oui, il y a des défauts. 


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Le deuxième point, c'est son titre. Il laisse supposer un véritable affrontement… et il a lieu, certes, mais ce n'est pas vraiment ça, le cœur du film. Batman v Superman est sombre en tout points, mais c'est précisément parce que c'est « L'aube de la Justice ». Batman l'a dit lui même un jour, il fait toujours plus sombre avant l'aube.




L'affrontement ne peut de toute façon pas être direct quoi qu'il arrive, parce que Superman coucherait Batman en deux secondes trente et on n'en reparlerait plus… Le titre vend mal le film, et il est fort à parier qu'il sera plus apprécié une fois que sa promotion sera digérée. Après, je ne veux pas faire mon crevard, mais c'est pas Marvel qui vont venir faire les fiers avec leurs titres à deux balles… L'ère d'Ultron qui dure maximum une demi-semaine, bientôt Civil War qui consiste en un affrontement entre quinze péquenauds… je pense qu'on peut tous s'accorder sur le fait que les films de super-héros ont besoin de se trouver des titres un peu moins bidon. Au final, ce serait simplement « L'aube de la Justice », le film fonctionnerait beaucoup, beaucoup mieux. Et il serait fou d'ignorer que le tout est tout de même franchement bordélique ; le film essaie beaucoup, mais ne parvient pas forcément à accomplir ce qu'il pourrait réussir.
Il est facile de négliger le poids qu'ont nos attentes quant à notre appréciation finale d'une œuvre, et difficile de réussir à se vider l'esprit pour découvrir le tout sans à priori, c'est-à-dire sans opinions préconçues.


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Quelles sont ses qualités ?
Tout le reste. Non, vraiment, je suis sérieux. Et évidemment que ce n'est que mon opinion, je pense qu'avec tout ce que je rabâche depuis tout à l'heure, on est assez clair sur le sujet. Il n'empêche que c'est réellement ce que je pense.

L'histoire est bien pensée ; les héros se cherchent, ils sont affaiblis et un homme fou et mauvais en profite pour jouer avec les dieux. On est dans la continuité de Man of Steel, dans les balbutiements d'une quête initiatique sur l'héroïsme et la condition humaine. Les thématiques sont aussi lourdes qu'elles doivent l'être, puisqu'on y aborde la mythologie dans tous les sens : chrétienne, grecque, nordique... Entre la figure messianique de Superman, les obsessions de Lex Luthor pour les démons antiques, et la supériorité de Wonder Woman, véritable déesse descendante de Zeus, qui marche parmi les hommes sans se dévoiler, on a affaire à une sacré dose de symbolisme. Là où Snyder est fort, c'est qu'il utilise ses excès de style non pas pour Wonder Woman et Superman, mais pour Lex Luthor et surtout Batman, nous montrant ainsi comment les hommes et les dieux sont tous les incarnations d'une mythologie commune. Le problème étant que Batman comprend cela, Lex Luthor non.

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Les personnages et interprètes sont incroyables. Ben Affleck est le Bruce Wayne le plus cool du monde, et le Batman le plus proche des comics post-Frank Miller qui soit. Oui, n'en déplaisent aux fans qui considèrent que lui faire dire "nous avons toujours été des criminels" est une trahison du personnage, fans qui semblent avoir oublié que cette réplique est littéralement une des répliques les plus connues du roman graphique The Dark Knight Returns de Frank Miller, Batman est juste, et génial. Son arc narratif est le meilleur du film, et cela présage que du bon pour la suite. Superman a lui aussi, un arc narratif fascinant puisqu'il essaie tant bien que mal d'exister en tant que Superman dans un monde moderne ; c'est-à-dire qu'il est confronté aux critiques et complexités diplomatiques, sans réellement parvenir à symboliser un espoir unilatéral comme le personnage pouvait le faire il y a 60 ans. Y parviendra-t-il à la fin du film ? Vous verrez bien... Wonder Woman, quant à elle, est démentielle. Peu présente certes, mais ses apparitions dénotent quelque chose de particulier... son personnage semble effectivement avoir vécu 5000 ans, et elle en impose carrément. Loïs est cool, la sénateur est super cool, Alfred est super cool, même Doomsday malgré son côté expédié est au final très réussi. Et les apparitions "surprises" qui aident à mettre en place l'univers DC cinématographique sont aussi très cool.

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Et puis... il y a Lex Luthor Jr. Et là, mais les gars, mais il va falloir se calmer niveau fanboyisme par que je vais être clair : la dernière fois qu'un personnage de méchant m'a autant fait jubiler dans un film, il s'agissait du Joker dans The Dark Knight. Ouiiiii mais Renaud tu dis n'importe quoi parce que Lex dans ce film ne ressemble pas au vrai Lex Luthor, et bla et bla bla...

Non. Alors déjà, il n'y a pas de vrai Lex Luthor. De plus, Lex Luthor c'est quoi sa base ? C'est un génie sans force physique, capable d'être le plus grand ennemi de Superman juste en étant intelligent. Est-ce que c'est le cas dans le film ? Oui, mille fois oui, et cela donne mes deux scènes préférées du film, et le seul Lex Luthor correct que l'on ai eu au cinéma. Ensuite, le Joker de Heath Ledger n'a rien voir avec le Joker, et ça ne l'empêche pas d'être exceptionnel. Et enfin, LE détail qui tue sa maman : ok, il ne ressemble pas à Lex Luthor. Ouais, ben c'est peut-être parce que c'est PAS Lex Luthor en fait les gars !! Il le dit lui-même dans le film, en fait son personnage c'est Lex Luthor Jr. Son fils. Et bim. Les types savaient que les fanboys allaient faire leurs rageux, et ils ont décidé de faire une esquive... dommage pour eux, ça n'a pas marché, et les gens enragent. Lex Luthor Jr. est la meilleure partie du film, point final. Il est totalement barré, ses répliques sont démentielles, et son sous-texte fera bien plaisir aux fans qui savent chercher les informations.

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Les scènes d'actions sont gigantesques, malgré leur côté brouillon. L'esthétisme du film prend le parti de nous faire un roman graphique animé, comme pour Watchmen et 300 au final, et un peu Le Royaume de Ga'Hoole, ce qui permet au fond d'ancrer plus profondément ce côté "voilà un film sur des statues grecques" mais aussi d'assumer un style. On retiendra certaines fulgurances visuelles qui, contrairement à ce que disent certains, sont presque toujours sublimées par l'émotion qui précède, et ce notamment dans toute la symbolique visuelle qui entoure Superman lors du début du combat contre Doomsday : avec quelques images et en intégrant les thématiques du film, Snyder construit une narration qui s'exprime par le mouvement et la stagnation, plus que par les dialogues. Et ça, cela ne s'appelle pas "être un réalisateur seulement bon pour faire du style", ça s'appelle être un vrai réalisateur de cinéma.

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Pourquoi faire confiance à mon opinion ?
Pourquoi me croire plus qu'un autre ? Parce que je suis fan de Superman, et de Batman ? Non, pas du tout. Le fait de me croire s'appuie une forme de confiance.
Ici j'en reviens à mon point de départ, sur les opinions : même si j'estime être capable de donner mon avis dans une critique, il est évident que je suis moi-même pris au piège de l'opinion. A force de voir des films, je sais ce que j'apprécie, et je sais que je n'apprécie pas. Je sais que je préfère un film qui va tenter de s'exprimer différemment de la norme, même dans un contexte aussi normatif que le film de super-héros. Et vous aussi, vous savez ce que j'apprécie, parce que vous me lisez. Vous savez que j'apprécie toutes formes de cinéma narratif, mais vous savez aussi que j'adore les super-héros. On parle quand même d'un type qui était angoissé de décevoir sa maîtresse en maternelle parce qu'il n'avait dessiné que des Batman durant une année entière à l'école. Et ce n'est pas une hyperbole, c'est un pourcentage exact : 100% de dessins de Batman. 


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Au final, on suit certains ou certaines critiques parce qu'on leur fait confiance. On comprend que ce qu'ils nous offrent est une vision personnelle des choses, avec quelques morceaux d'objectivités en accompagnement.

Alors, je vous demande une chose, et ce n'est pas de me faire confiance à moi spécifiquement. C'est plutôt de réfléchir à qui vous êtes prêts à la donner, et pourquoi le faire. Parce que les opinions ne sont pas innocentes, parce qu'elles ne sont que l'illusion d'une objectivité qui n'a rien faire dans un domaine artistique, ne les prenez pas à la légère.

Et à votre tour, formez-vous votre propre opinion. Comprenez-là, acceptez-là, et essayez de comprendre celle des autres également. Parce qu'un critique doit être bienveillant. Si le critique est tout puissant, il ne peut pas être bienveillant. Si le critique est bienveillant, il ne peut pas être tout puissant.


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Ainsi, de l'opinion en tant que préjugé, on en parviendra à son deuxième sens, celui de Superman : l'espérance.

lundi 21 mars 2016

Midnight Special / 10, Cloverfield Lane : Cinéma d'extraterrestres, cinéma extra.


Midnight Special, de Jeff Nichols : un père enlève à une secte son fils, prophète involontaire aux pouvoirs mystérieux, pour le ramener là où est sa place... avec des extraterrestres?


10, Cloverfield Lane, de Dan Trachtenberg: suite à un accident de voiture, une jeune fille se réveille prisonnière d'un bunker anti-apocalypse. Son "sauveur" lui apprend que l'apocalypse a eu lieu, et que les extraterrestres ont exterminé toute l'humanité à la surface. Est-ce vrai ou bien est-il fou ?

Cette semaine, deux excellents films indépendants de "science-fiction" sont sortis au cinéma. Les deux ont de petit budget, et représentent deux formes de cinéma bien distinctes, mais qui sont tout autant appréciables. Voyons donc ce qui vous plaira le plus !

Midnight Special et Jeff Nichols. Le cinéma d'auteur : ambiance, émotion et images cinématographiques



Midnight Special a donc un scénario sympa, et prenant, on a le gouvernement et Adam Driver le scientifique au grand coeur qui poursuit les héros, on a une secte flippante qui vit coupée du monde, et tout plein de trucs cool... Mais ça n'est pas du tout le centre du film. Non, ici Jeff Nichols est bien plus dans un délire à la Damon Lindelof : on nous projette dans une histoire in medias res et jamais les personnages ne vont s'arrêter pour nous expliquer le tout. Le spectateur grappille ce qu'il peut ici et là, et au final l'essentiel est là. Et il y a des incohérences si l'on s'attarde dessus... mais mieux vaut ne pas, puisque là n'est clairement pas le but.

Plus que toute autre chose, on a affaire à du cinéma d'auteur. Et du coup je vais un peu cracher sur la promotion du film qui compare le film à du Spielberg... Mouais. Ok. Y a un enfant, des histoires d'alien, une Amérique rurale et des flash de lumière, certes. Mais Spielberg les gars, c'est un cinéma de l'innocence juvénile, de la naïveté (au sens mélioratif), c'est sentimental et léger. Ici les cocos on est chez Jeff Nichols, et le mec est plutôt pas trop dans ce délire. Ici, on ne rigole pas, on n'est pas trop émerveillé. En revanche, certes, on ressent. Et on ressent ENORMEMENT. Jeff Nichols a des obsessions : la relation père-enfant, la perte de l'innocence, la folie, la violence. Et plus que tout, il aime confronter ses personnages plus qu'humains à des situations qui les dépassent totalement.



Et l'humain ici, c'est Joel Edgerton, qui joue là son meilleur rôle. Non, vraiment, son meilleur rôle. Et puis d'abord, qui parmi vous en a quelque chose à foutre de la filmo de Joel Edgerton ? Parce que moi j'en avais rien à cirer des pompes de clown jusqu'à voir Midnight Special, mais là il m'a subjugué. Et pourquoi ? Parce qu'il est notre point de repère dans le film, notre point de vue sur cette famille déchirée - Michael Shannon, Kirsten Dunst et le petit - par une secte et par des événements surnaturels, et c'est à ses côtés que nous passons du doute à l'émerveillement. Et ce surtout lors de la séquence finale, qui restera dans les mémoires. Enfin, les miens. Les miennes ? Passons. Toujours est-il que Joel est notre porte d'entrée, et dans l’entrebâillement, on aperçoit une famille qui voudrait être, mais qui ne pourra jamais s'accomplir. Et cela, on le voit deux fois de manière très claire, et très puissante : la première, c'est une scène du petit qui joue au Lego sur le tapis. Ses parents sont assis dans deux fauteuils, et se tiennent la main. Ils le regardent. Joel Edgerton, lui, les regarde... tout en rechargeant un fusil. La deuxième, c'est une embrassade familiale qu'observe Joel... l'enfant porte un gilet pare-balles, resserré avec du gaffer pour s'adapter à sa taille.

Une sacré bombe ce film.


10 Cloverfield Lane : De la balle explosive de sa mère la mante religieuse de l'espace.



En fait, j'ai décidé de ne pas vous parler de ce film. J'aurais beaucoup à dire mais je vais être bref : là où Midnight Special a une histoire qui sert un besoin de raconter des émotions et des obsessions cinématographiques, 10 Cloverfield Lane a une mise en scène super méga efficace qui est en permanence au service de son ambiance.



C'est le premier film de Dan Trachtenberg, et c'est une sacré prouesse. Sous la direction de grand gourou mauvais robot JJ Abrams, le bonhomme a réussi à créer une ambiance oppressante de film d'horreur psychologique ultra angoissant. C'est simple, je pense que c'est tout simplement la meilleure performance de John Goodman depuis The Big Lebowski et Barton Fink. Oui je pèse mes mots, et ils ont beau être aussi lourds que John Goodman lui-même, je ne reviendrai pas dessus. Il est TERRIFIANT putain. La mise en scène d'une petite scène de repas le sert bien notamment, et à partir de ce moment du film, impossible de ne pas paniquer à la moindre de ses actions, même quand il baisse sa garde et montre des côtés plus humains. Face à lui, John Gallager Jr. est très bon, et surtout Mary Elizabeth Winstead, aka Ramona Flowers, aka Mrs Lincoln chasseuse de vampires, est l'héroïne la plus cool de 2016 so far. Bon, je suis à peu près certain que Wonder Woman va la défoncer dans deux jours, mais on s'en fout. Elle est incroyable.



Et puis... et puis je ne veux pas trop vous parler de la fin du film. Mais bon, les quinze dernières minutes du film ont été pour moi totalement jubilatoires. Un des meilleurs moments que j'ai passé au cinéma de toute ma vie, et peut-être que je vous le survends, mais je m'en bats les batteries, parce que ce film défonce tout.

samedi 5 mars 2016

Oscars, Golden Globes, Césars... Petite leçon de cinéma rapide

Les cérémonies de remises de prix ont une importance économique pour l'industrie du cinéma, puisqu'elles permettent la promotion des films en lice, ainsi que la réussite des artistes et artisans qui ont créé les films (sur un CV avoir travaillé sur un film qui a eu un Oscar, je pense que ça doit en jeter pas mal de la mésange), et c'est grâce à cela que tout le monde peut découvrir ou redécouvrir Fatima au cinéma en ce moment. 


Pourtant, la majorité des spectateurs des cérémonies ne s'intéressent pas forcément au cinéma plus que ça. Ce sont les stars du grand écran qui s'invitent à la télévision, ce sont les tenues, les gossips, les paillettes et les bonnes blagues qui attirent plus qu'autre chose. Les spectateurs qui, comme moi, auront vu la quasi totalité des films en sélection, sont donc très rares ! Sérieusement, vous pensez vraiment que tous le soutien que DiCaprio a eu sur Internet provient uniquement de personnes qui ont vu The Revenant ? Ainsi que les films des quatre autres nommés face à lui ? Bien sûr que non.

Et je ne dis pas cela pour juger, je regarde aussi pour les paillettes, faut pas croire! Parce que niveau cinéma, on ne va pas découvrir grand chose dans une cérémonie... si ?

oscars  excited yes oscars michael keaton

Et là c'est le twist : parce que l'on peut réfléchir à une notion cinématographique fondamentale en regardant les Oscars. Oui, même au moment où des scouts vendent des cookies aux stars du cinéma, on peut en apprendre sur le fonctionnement du cinéma dans notre rapport cognitif aux images.


Je m'explique : je vais vous parler de l'effet Koulechov. Koulechov, c'est un cinéaste russe qui, comme Sergei Eisenstein pour ne citer que les plus connus, a théorisé le cinéma autour de la notion du montage. C'est extrêmement simple : en mettant des images les unes à la suite des autres, le cinéma nous force à construire une histoire dans notre tête. Si je vous montre une image d'une femme qui regarde face caméra, puis l'image d'une pomme, puis le visage de la femme à nouveau, votre cerveau va construire une histoire : cette femme veut manger une pomme. Si je rajoute un quatrième plan où l'on voit deux pommes, on se dit qu'elle a très faim. Peut-être qu'elle vient de faire quatre heures de sport et qu'elle a besoin de ces pommes.


Là vous allez me dire, elle est cool ta vie Renaud, mais on voit toujours pas le rapport avec les Oscars, elle est nulle ta leçon de cinéma.

Ce à quoi je vous réponds : ne vous plaignez pas, je ne vous fais même pas payer bande de rustres.


Ce qu'on oublie facilement en regardant ce genre d'événement (et ça vaut également pour les événements sportifs et les concerts dans une moindre mesure), c'est qu'il y a un réalisateur derrière, qui dirige toute une équipe d'opérateurs et de monteurs et autres techniciens. Bah oui, y a quatre milles caméras qui vont dans tous les sens... et c'est là que cela devient intéressant. Parce qu'en utilisant toutes les caméras, et en faisant un montage en direct live, le réalisateur des Oscars nous raconte une histoire. Regardez le gif que j'ai posté juste au dessus : l'arrivée des droïdes de Star Wars sur scène s'enchaîne directement avec un plan de l'adorable Jacob Tremblay qui se lève de son siège pour les voir. Il n'y a besoin que de cela et nous avons déjà toute l'histoire en tête : au milieu de toutes ses célébrités, un enfant est bien plus excité à l'idée de voir des personnages de Star Wars que tous ces types en costume. On peut même aller plus loin et y voir une mise en image de la belle innocence de la jeunesse, mais le réalisateur sur le moment, très clairement, a décidé de montrer cela parce que c'est TROP CHOUPI.


Et cela veut dire que le réalisateur doit aussi être au courant de quoi montrer quand un nommé est récompensé. Il doit connaître le placement de toutes les célébrités pour qu'au moment où DiCaprio célèbre sa victoire, on puisse voir Kate Winslet. Là c'est encore génial comme procédé : il joue à la fois sur la complicité qu'ont les deux acteurs en tant que personnes (ce que sauront ceux qui suivent les presse people et autres), et sur leur complicité au cinéma (le couple le plus célèbre de l'histoire du cinéma probablement ?), et il lui suffit d'insérer un plan sur le visage ému de Kate Winslet pendant le discours de Léo, et tous les spectateurs sont conquis. Et comment montrer que TOUT LE MONDE voulait que Léo ait son Oscar ? En enchaînant des plans sur tous les nommés face à lui, debout, en train d'applaudir.


Tout ça pour dire que même dans un événement aussi futile qu'une cérémonie de remise de prix, on retrouve des constantes ontologiques : l'être humain façonne, est fasciné et façonné par les histoires, et il lui suffit de deux simples images pour en voir une. Bon, parfois une seule image suffit, évidemment, mais là ce serait aller contre mon propos. Et si la question de l'effet Koulechov dans ce genre d'espace scénique vous intéresse, je vous recommande le spectacle de stand-up de Chelsea Peretti qui se trouve sur Netflix ; elle s'amuse à enchaîner un plan où elle balance une vanne avec un plan du public qui s'endort par exemple, où... ça:

Seeing a guy in the audience salt and/or peppering a hard boiled egg

Allez, portez-vous bien chers lecteurs, et si cet article un peu différent vous a plu n'hésitez pas à me le faire savoir, et n'oubliez pas de m'envoyer vos dons pour que je puisse faire ça jusqu'à la fin de ma vie sans m'inquiéter de comment je vais acheter ma nourriture chez Picard.

jeudi 25 février 2016

Le cinéma français n'est pas chiant : César 2016

Oui, pour beaucoup encore, y a pas, le cinéma français, c'est typiquement chiant à mourir. Le spectateur lambda mate un milliard de séries américaines voire britanniques, il mate les grosses productions américaines, et pense encore que le cinéma français, c'est un truc en noir en blanc avec un mec qui fume dans sa voiture, avec une voix-off qui décrit sa dépression de cadre parisien.

Oui, tout dans ce premier paragraphe sonne cliché, seulement voilà ; les Césars approchent et je voulais en profiter pour vous montrer comment le cinéma français est encore extrêmement riche et versatile. Oui, on n'a pas de gros films de super-héros (on en a un petit en 2015, qui s'appelle Vincent n'a pas d'écailles et qui déchire), certes, mais on a quand même de la sacré bombe. Et sachez en plus de cela que les César sont loin de représenter l'étendue totale du spectre du cinéma français, puisqu'on n'y trouvera pas "Alain Chabat veut faire un film sur des télés qui tuent des gens sauf que son film existe déjà mais dans un rêve réalité" (Réalité) ou encore "des ados parisiens skateurs se prostituent" (The Smell of Us) ni même "une jeune fille balayeuse dans un gros hôtel se transforme en oiseau et se prend pour Batman" (Bird People).

Voici donc des pitchs de films nommés aux Césars, suivis de leurs titres.

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Le cadavre d'une mamie disparaît et on se prend à plaindre le nécrophile qui arrive trop tard pour en profiter. Pauvre petit Dussolier ! 21 Nuits avec Pattie.

Un ancien soldat traumatisé par ses crimes de guerre devient gardien dans une cité parisienne, et se retrouve confronté aux histoires de gangs locales. Dheepan.

Un film qui combine de l'espionnage en Russie pendant la guerre froide et une grande histoire d'amour destructrice et déchirante. Trois Souvenirs de ma Jeunesse

Un astronaute américain atterrit sur le toit d'une cité et passe plusieurs jours avec une mamie marocaine. Asphalte.

Une riche dame chante de l'opéra dans un cercle fermé d'amateur. Son chant est affreux mais personne ne lui dit car c'est elle qui finance le tout. Marguerite.

Trois prostituées marocaines vivent leur quotidien difficile et parfois humiliant, mais surtout elles vivent. Much Loved.

Un bataillon en Afghanistan voit ses hommes disparaître mystérieusement nuit après nuit ; les causes semblent divines, les conséquences infernales. Ni le ciel Ni la terre.

Un couple de résistants s'échappe d'un pays répressif dans un biopic qui insère des blagues de stand-up dans une histoire tragique ; celle des parents de Kheiron. Nous Trois ou Rien.

La vie de cinq jeunes filles élevées dans l'obscurantisme religieux de la campagne turque ; représentant illustre de la France aux Oscars dimanche, Mustang.

La vie d'une presque vieille femme originaire du Maghreb, qui s'éclate à jongler entre trois emplois pour financer les études de ses filles en France, et qui consigne ses pensées dans des textes qui finiront par être publiés. L'histoire vraie de Fatima.

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S'ajoutent à ceux-là des films plus classiquement "français" comme les gens le pensent, mais qui n'en sont pas moins intéressant et souvent très réussis, entre policiers, histoires d'amours homosexuelles, dépressions, drames sociaux et autres : entre L'Affaire SK1, La Belle Saison, Mon Roi, La Loi du Marché et La Tête Haute, on n'est franchement pas en reste cette année.

Du coup, voilà ma conclusion : non, le cinéma français n'est pas chiant. En revanche les Césars le sont très souvent, mais ça, c'est un autre problème...

mercredi 24 février 2016

Zootopie : Est-ce un chef d'oeuvre ? Oui.


Et oui, un nouveau Disney est sorti au cinéma. Le premier depuis Les Nouveaux Héros et la Reine des Neiges. Si si je vous assure, il est sorti depuis déjà une semaine ! Mais bon, personne n'en parle ; et je pense comprendre pourquoi.


En vérité... le film fait déjà un carton. Les enfants, les parents, sont au courant que ce film existe, et il a déjà fait un meilleur démarrage au box office français que La Reine des Neiges, et Vice Versa. Mais le marketing du film n'a pas du tout été orienté vers nous, les grands enfants qui continuent à regarder des dessins animés et à y voir le meilleur de ce que peux proposer le cinéma international. C'est Michel Tournier, décédé récemment, qui disait qu'il était beaucoup plus difficile d'écrire pour les enfants, et qu'il était donc plus fier de ses ouvrages destinés aux plus jeunes.


Je suis donc là pour vous convaincre vous, qui êtes comme moi, de ne pas rater le nouveau Pixar. Heuuu non pardon, Disney. Oui je me trompe, mais un éléphant comme moi ça trompe énormément et pire, ça fait exprès. Parce que déjà, il faut dire les choses comme elles le sont : à peu de choses près, Zootopie est un film Pixar. Littéralement, à part l'absence du logo qui met les lampes sur les I et une utilisation typique d'une chanson en générique, Zootopie est un film Pixar.


Par son concept bien évidemment : bienvenue dans un monde où il n'y a que des mammifères, qui sont séparés en deux catégories, les proies et les prédateurs. Donc dans un camp, les lapins, les souris, les moutons, et dans l'autre, les lions les tigres et les renards. Proies et prédateurs vivent en harmonie dans une société utopique qui tente d'égaliser les chances de tout le monde quant à la réussite sociale. Donc... on a des animaux qui parlent. Super original. C'est bon, on est pas chez Blue Sky les gars, c'est Disney ici, revenez dans le présent ! Sauf que non. Parce que Disney mes cocos, ils y sont puissamment dans le présent avec ce film. Oui, ok, les animaux parlent, mais l'étude du monde animal donne toute sa forme au film.


C'est que l'histoire paraît toute bête au début : une petite lapine de la campagne désire devenir le premier lapin des forces de police de Zootropolis, la grande ville du coin (pensée comme une sorte de Disneyland : une partie glacée pour les animaux du froid, une partie désert, une partie tempérée, une jungle..., une mini-ville pour les souris !), parce que dans ce beau monde où les prédateurs et les proies ont l'égalité des chances, tout est possible ! Et elle y arrive, elle devient flic, parce que si on y croit vraiment on peut tout faire !!


Là, c'est le moment où un mauvais film s'arrête. C'est le film qui apprend aux enfants que le monde est beau et qu'on est tous égaux et que tout est possible. Sauf que dans Zootopie, on passe très vite à la Zoodystopie. Très vite, notre petit lapin découvre que si sur le papier, tous les animaux sont égaux, la réalité est bien loin d'en être là... la réalité est sale, dégueulasse, injuste et pleine de préjugés et de stéréotypes dont tous les mammifères souffrent. Ouais, ça vous rappelle pas un truc un peu familier qui s'appellerait la vraie vie ? Petit lapin elle-même n'est pas à l'abri de cela, puisqu'elle pense que les prédateurs ont des éléments dans leur ADN qui fait d'eux des bêtes potentiellement sauvages/dangereuses.


Tranquillement, derrière une myriade de couleurs et un monde dont la beauté ferait pâlir des trucs pas pâles, derrière un humour déjanté et excellent (toute la promo est basée sur l'humour du film et ils ont bien raison, il est réellement hilarant... mais je n'en dirai pas plus, je ne veux pas spoiler ce qui restera sans aucun doute mes gags préférés de l'année), Zootopie décide de nous parler de discrimination. L'histoire, c'est l'amitié inattendue et improbable entre un lapin (supposément niais et naïf) et un renard (supposément fourbe et vicié), c'est une enquête policière, c'est un film noir à l'ancienne où le renard serait un Robert Mitchum (encore plus) poilu, oui, c'est tout ça ; mais c'est surtout un film sur la discrimination et une ode à la différence. Et au début de ce paragraphe, j'ai bien dit tranquillement ; parce que le film est merveilleusement bien dosé, il installe son monde discriminé et ségrégé petit à petit tout en créant un malaise qui d'une petite boule à l'estomac devient un gros nœud marin.


Zootopie est brillant, et cet article est beaucoup trop long, et je pourrais en écrire encore dix-huit pages. Le titre est si bien trouvé : on part effectivement d'une utopie avant d'en découvrir toutes les failles. C'est en plus un film sur une histoire d'amitié, et non pas d'amour, ce qui n'est pas si courant et toujours apprécié. Je vais me contenir et éviter d'élaborer plus mais voilà, Zootopie m'a retourné la tronche et m'a fait énormément de bien. Non allez laissez-moi juste dire un dernier truc : un des reproches que j'ai pu faire aux productions Disney récentes, et à d'autres dessins animés, c'est qu'ils sont devenus trop prévisibles en terme de rythmes. Les coups de l'action, les articulations du scénario commençaient à ressembler un peu trop à des chansons pop, dans le sens où chaque instant pouvait être prédit aisément. Zootopie, du fait de son format "enquête policiaire" englobe plusieurs arcs narratifs et brouille assez les pistes pour avoir revigoré cette structure "Save The Cat" qui formate Hollywood depuis une dizaine d'année.


Un tel concept, une telle qualité, c'est ce à quoi Pixar nous avait habitué, et Disney depuis que John Lasseter a fait le ménage commence de plus en plus à y ressembler. Ce à quoi je dis, tant fucking mieux !

jeudi 18 février 2016

Réflexions sur Deadpool et son héritage à venir

Avant de commencer à parler du film, permettez-moi de me lâcher un peu sur la Fox. Et de me permettre de diaboliser des individus en m'adressant à un tout uniformisant toutes les tares d'une chaîne de télévision et d’exécutifs tout droit sorti d'un bouquin de Kafka.

Mais la Fox, mais quelle brochette de cons ! 


Voilà, c'est fait.

Non mais attendez, ce que je fais là est totalement gratuit c'est sûr, mais ce n'est pas sans lien avec mon article, c'est qu'on va parler du cinéma façon business les gars.


Pour ceux qui ne le savent pas, Deadpool est un film de super-héros violent et "crade" (le film est super soft mais le personnage raconte des trucs un peu dégueu, on est loin d'un vrai film crados) qui est en train de tout arracher au box office. Et pour ceux qui ne savent pas cela non plus, cela fait presque dix ans que les scénaristes tentent de faire le film. Pourquoi tant de temps ? Et bien ma foi, parce que la Fox était persuadé que personne ne voudrait voir ça. Pensez-vous, ils s'y connaissent bien en super-héros à la Fox, et ils savent qu'un film ne fonctionnera uniquement si 1. Il y a Wolverine dedans ou 2. c'est un film des 4 Fantastiques.
Eeeeet ouais voilà donc ils ont bien salement tort, ils se sont plantés sévère, et ça ne surprend personne à part eux apparemment. Surtout que, attendez, vous savez pourquoi le film de Deadpool existe ? C'est parce qu'un type de la production a un jour décidé de fuiter sur Internet des bobines tests du film, et EVIDEMMENT les fans ont joui tellement fort que la Fox a fini par les entendre et a enfin compris qu'ils allaient pouvoir se faire un max de blé.


Oui, ça sonne extrêmement pessimiste jusque là mais ne vous inquiétez pas, y aura aussi du positif ici. Le film de Deadpool par exemple, bah il est pas mal du tout ! Bon, personnellement, je pense qu'il n'est pas assez violent, et un peu trop facile sur les références (une référence n'est pas une blague à mon sens, car trop périssable), mais il a quand même plein de qualités ; des persos cool (Colossus qui est enfin un vrai personnage et pas juste un bout de décor, hein Singer), des scènes d'action cool, des blagues cool. Et n'oublions pas qu'il s'agit d'un premier film pour son réalisateur, donc, laissons-lui le temps de mûrir et concentrons-nous sur les belles choses qu'il a montré. Notamment une séquence gigantesque où Deadpool n'a que 12 balles pour buter tout un tas de méchants.

Mais ce que je veux vraiment lancer comme piste de réflexion ici, c'est ça : qu'est-ce que le succès inégalé de Deadpool veut dire pour les années à venir ?


Beaucoup ont déjà commencé à en parler, notamment certains insiders comme James Gunn, le réalisateur des Gardiens de la Galaxie, qui lui est persuadé qu'ils vont en tirer les mauvaises leçons. Et il est difficile de lui donner tort : après Batman Begins, toute l'industrie s'est mise en tête qu'il fallait faire des reboot, et les ancrer dans le "réalisme". Alors que merci les gars, mais un type qui s'habille en chauve-souris ninja parce que ses parents sont morts assassinés lors d'une projection de Zorro, pour affronter des méchants tels qu'un manchot, un clown ou un tas de boue, je suis désolé mais c'est pas trop un trip qui va rimer avec réalisme.


Ce qui inquiète James Gunn, et moi-même, c'est que les studios fassent des raccourcis abusifs : "aaah les spectateurs aiment les films de super-héros violents avec des blagues salaces, et où le personnage brise le quatrième mur en permanence ? ON VA FAIRE QUE CA PUTAIN!!!"
Non, les spectateurs aiment les bons films. Ces éléments sont testamentaires de l'identité de Deadpool, pas de ceux que veulent voir les spectateurs à toutes les sauces. De même, tous les films de super-héros n'ont pas besoin d'être ultra violent : un film comme Deadpool ou Kick Ass, oui. Un film comme Les Gardiens de la Galaxie ? Non, définitivement non.


Et pourtant, il y a tout de même quelque chose qui est peu évoqué dans ces discussions, et qui serait peut-être LA chose que Deadpool pourrait apporter aux autres films de super-héros, qui a disparu avec les années : le masque.


Je m'explique : la base des super-héros, c'est un peu le masque quand même. L'identité secrète tout ça, bref l'uniforme. Or, on assiste depuis dix ans à une réduction considérable de la présence de masques dans les productions audiovisuelles. Il suffit de comparer les films de Spider-Man de Sam Raimi avec ceux de Marc Webb pour le remarquer : Andrew Garfield passe un temps considérable dans son costume et sans son masque. Et pourquoi ? Pour des raisons de marketing tout simplement. Le public lambda ne vient pas voir vraiment Iron Man, il vient voir Robert Downey Jr! Nos super-héros sont beaux et leurs jolis minois attirent les minettes et les minets.


Mais Deadpool? Certes dans le film on voit pas mal la tronche de Ryan Reynolds, mais vu que celle-ci est rapidement toute calcinée, on ne peut pas dire que l'appeal de l'acteur ira fonctionner sur un second volet ! Une des raisons qui font que Deadpool porte son masque, c'est précisément parce qu'après ce qu'il a subi, il a un peu une tête de cul. Du coup, je vois de l'espoir dans cela. Je vois Ryan Reynolds se fondre dans le personnage et laisser Deadpool prendre le dessus, comme il l'a fait durant toute la promo. Il est temps que les super-héros soient sur le devant de la scène, et ça Deadpool l'a parfaitement montré et compris.