jeudi 9 juin 2016

Elle, The Neon Demon : quand les hommes parlent des femmes

Toujours délicat, comme sujet. Mais heureusement, Nicholas Winding Refn et Paul Verhoeven sont deux des auteurs les plus intéressants sur cela, et enchaîner les deux est donc fort instructif.


Commençons par le Verhoeven. Adapté d'un roman de Philippe Djian, ce cher réalisateur foufou hollandais, connu pour Basic Instinct, Starship Troopers, Robocop, Total Recall ou encore Showgirls ou Turkish Delights si vous êtes un vrai bourrin. Lui est habitué à faire scandale et controverse, et à être tantôt célébré comme visionnaire féministe, tantôt à être crucifié comme machiste misogyne notoire. Un tel grand écart ne peut signifier qu'une chose : Verhoeven manie des histoires et des personnages qui dérangent. Tant et tellement que le film a été refusé par toutes les actrices américaines, qui ne pouvaient pas imaginer jouer un rôle aussi surprenant dans le cinéma américain. Heureusement, nous, pour le meilleur comme pour le pire, on n'a pas trop de limites. Et ça tombe bien, parce que Verhoeven, il serait sur Pluton sans casquette qu'il n'aurait pas froid aux yeux.


Et là, pour son retour au cinéma après 10 ans d'absence, il signe son film le plus dérangeant, sans aucun doute. On y parle d'un viol, d'une femme violée et de ses réactions peu conventionnelles face à la chose. Son personnage, dont les antécédents sont plus que particuliers (elle hait la police suite à une tragédie d'enfance liée à son père et à elle-même... à dix ans elle fut considérée comme coupable alors qu'elle était très clairement victime, forcément ça déglingue un peu), est le point central du film, celui qui lui donne toute sa matière à débat. La richesse du film tient en partie à celle des personnages, assez nombreux, qui l'entourent : leurs interactions semblent découler naturellement de leurs existants fictifs. L'autre point fort, c'est une mise en scène assez inattendue qui se permet de mêler au cadre du cinéma français stéréotypé (riches parisiens, familles brisées, repas tragicomiques, hommes machistement dégueulasses...) une approche plus melo, plus film de genre. D'ailleurs à ce sujet, si les personnages les plus clichés fonctionnent bien dans ce cadre (l'affreux Robert, la voisine catho, le fils paumé), on peut regretter que certains retournements de situation et autres révélations soient trop évidents. mais passons. La musique se joue des airs de thriller, les acteurs évitent le naturalisme du jeu très habilement, ce qui a finalement pour résultat de faire ressortir davantage toute la perversion de cette histoire. Il est clair qu'en termes de représentation de la femme, cela fait débat, mais comme toujours avec Verhoeven, c'est tant mieux : c'est qu'il nous dérange de la bonne manière, en nous faisant nous poser des questions là où nos esprits ont trop peur d'aller chercher. Vieux malade va. Jsuis bien content de te revoir. Maintenant fais-nous ton film sur Jésus !


The Neon Demon quant à lui, s'en prend plus au matérialisme du monde de la mode : comme souvent, Nicholas Winding Refn manipule des clichés : après l'Homme, le Ultimate Ryan Gosling, il s'attaque à la Femme, celle qui est purement plastique, éphémère et irréelle. Un cliché quoi, dans tous les sens du terme : le corps qui emplit l'image, l'être bigger than life. Le pitch est simple, comme toujours (une jeune fille douce et innocente débarque à LA pour être mannequin, ; elle séduit par sa candeur et sa nouveauté et rend folle ses concurrentes plus agées/expérimentées), l'exécution ne l'est pas.


Si vous avez vu du Refn avant je ne vous surprendrai pas en disant que : tout est esthétiquement démentiel ET motivé (des miroirs et des miroirs et des miroirs partouuuut), le travail sur les couleurs a une puissance sensorielle incroyable, c'est lent et étrange, porté par de la musique électronique (Cliff Martinez toujours au top) que je ne saurais qualifier autrement que d’atmosphérique parce que j'ai la flemme d'ouvrir un dictionnaire et de trouver le mot exact qu'il me faudrait ici. Moins classique que Drive, mais tout de même plus accessible que Valhalla Rising ou Only God Forgives, pour lesquels il fallait quand même s'accrocher ferme pour rester dans le délire, The Neon Demon est aussi un film extrêmement simple. Je veux dire par là que son message, car il y en a un, et c'est celui de la futilité des obsessions plastiques, tout en magnifiant la cruauté de ce monde qui recherche l'authentique au milieu du vomi, n'est pas révolutionnaire. Mais il n'empêche que son exécution et son approche mérite le détour ; cela vaut notamment dans la manière où Refn utilise avec extrêmement de brio tous ses automates, puisqu'à leur manière ils gravitent tous autour de cette obsession de la chair, qui nous ramène forcément à la mort. Du gérant du motel violeur campé par Keanu Reeves, à Jena Malone en dangereuse psychopathe (son monde ? La mode et la morgue. 10/10), sans oublier bien sûr Elle Fanning, l'incarnation de cette beauté dont tout le monde souhaite s'emparer, et Christina Hendricks qui transporte tout un personnage en à peine 5 minutes à l'écran, tous sont orientés vers la même direction. Bien sûr certains éléments me restent actuellement assez hermétiques dans la richesse des imageries, notamment tout ce qui touche à ces triangles de lumières, et au titre même du film, The Neon Demon, mais ça si vous souhaitez en causer avec moi, ce serait avec joie !*


Nous avons donc là deux films qui touchent aux femmes, et qui leur font beaucoup de mal, mais qui le font bien. Deux oeuvres d'auteurs qui dérangent mais qui le font avec talent et qui nous ont pondu deux sacrés bombes.


*petit-aparté : très heureux de voir qu'un féministe très vocal comme Refn ne fait pas que parler, et que son film est co-écrit par deux femmes, que la directrice de la photo est une femme ainsi que la co-productrice. Parler c'est cool, agir c'est mieux.

samedi 4 juin 2016

Ma Loute : Le grotesque grinçant des classes sociales s'entrechoquant

Difficile de le cerner, ce Bruno Dumont, vraiment.


Après son portrait mordant à succès de l'an dernier, Ptit Quinquin, il revient avec une oeuvre similaire - dans le sens où il se fout bien de la tronche des habitants du Nord - que l'on pourrait résumer de la sorte : et si Massacre à la tronçonneuse était une comédie mettant en scènes le grotesque grinçant des classes sociales ?



Bon évidemment, je suis loin de représenter le film dans son intégralité avec d'aussi simples mots, mais je voudrais y voir aussi. Si mon texte couvrait tout le spectre de ce DVNI (drône volant non identifié), la moitié serait incompréhensible pour cause d'accent chti, mes phrases se péteraient souvent la gueule et d'autres s'envoleraient religieusement, ou sans raison. Ouiiiiiii Ma Loute, c'est du grand n'importe quoi.


Nous sommes dans un petit village du Nord de la France, et les bourgeois de Lille viennent passer leurs vacances à observer les petites gens dans leur monde pittoresque, du haut de leur maison style "palais égyptien en ciment". Oui, je sais que ce style n'existe pas, mais leur maison est un palais égyptien - avec les hieroglyphes et les murs en V et tout - en ciment, qu'est-ce que j'y peux moi aussi. Donc on a deux mères assez frappadingues, une fille qui est en fait un garçon (une formulation qui peut choquer et je le conçois, mais je ne fais que coller à l'image que propose le film, dans la manière dont les personnages et le film traitent la question du genre de ce personnage), et bien sûr le chef de famille Fabrice Luchini qui... est bossu. Et joue n'importe comment. Il joue comme un grille-pain drogué qui ferait du rodéo au ralenti.


Les petites gens, eux, sont des pêcheurs. Et aussi, des cannibales. Ils aident les richous à traverser les marécages, mais aussi parfois, ils les dévorent. VLAM! Tu la sens la métaphore sociale qui vient de te bifler là ? Parmi eux, une famille principale et le fils aîné, Ma Loute, qui vit une histoire amoureuse avec la fille qui est en fait un garçon.


Au milieu de tout ça, on rajoute enfin les policiers, notamment le commissaire Machin (alors, je me souviens jamais des noms des personnages dans les films que je regarde, mais lui c'est pas une vanne, il s'appelle vraiment Machin) qui a pour trait de caractère d'être hmmm comment je peux le dire correcte- GROS. IL EST ENORME. IL PORTE DES PROTHESES POUR AVOIR L'AIR GROS ET IL PASSE LE FILM A ESSAYER DE S'AGENOUILLER ET SE VAUTRER PAR TERRE. Ok pardon je m'emporte.


Le film naît des interactions entre tous ces groupes de personnes. L'enquête policière (qui commet des meurtres) n'est que très secondaire... mais tout paraît secondaire en fait. Parce que ce film n'a aucun sens, ou plutôt paraît n'avoir aucun sens. D'un côté, il y a du grotesque totalement assumé, de la moquerie méchante et peut-être affligeante malgré l'hilarité qui nous prend malgré nous. Luchini et le commissaire Machin par exemple, tous deux affublés de prothèses, grincent. Non mais vraiment, on entend les bruits de plastiques qui frottent quand ils se déplacent. Et ça c'est un choix. Pourquoi ? Je ne sais pas encore.


Si le film pose un monde absurde sans apporter beaucoup de réponses, force est de constater qu'il pose d'excellentes questions : jusqu'à quel point peut-on se moquer et être aussi cruel avec des personnages ? Comment peut-on héroïser le personnage de Ma Loute, toujours filmé en contre-plongée avec un romantisme imparable ? Est-ce une célébration de l'innocence ? Même la religion dans l'univers Bruno Dumont, a perdu pied, tant et si bien que certains personnages finissent par flotter. Ou voler. Pour lui, au fond, c'est pareil ; soit Bruno plane au dessus de nous, soit il s'est violemment pété la gueule. La seule chose qui est à peu près sûre, c'est qu'il s'en contrefout.


Ma Loute est un film inattendu et qui reste difficile à digérer, mais pas forcément pour de mauvaises raisons. La suite dans le prochain épisode des films insensés de Bruno Dumont... c'est-à-dire une comédie musicale sur Jeanne D'arc avec de la musique composée par Igorrr. Les connaisseurs le diront : normal.

mercredi 1 juin 2016

Mois de mai : cinéma partie 2

Julieta, de Pedro Almodovar : 

Présenté en compétition officielle au festival de Cannes, le cru nouveau est excellent. Sans grande surprise puisque c'est un thème récurrent, on y parle de famille. Une mère reçoit des nouvelles de sa fille, qu'elle n'a pas vue depuis 16 ans, et se remémore sa vie de manière épistolaire. C'est une histoire tragique marquée par deux types de conversations : les non-dits/secrets et les révélations. Presque tout se dit assis, face à face, comme si les seules relations profondes possibles n'existaient qu'en duo. Julieta est interprété par deux actrices incroyables, qui donnent les facettes d'un avant/après, de la jeunesse puis de sa perdition par la catastrophe. Par dessus tout ça, Almodovar donne à son film une dramaturgie extrêmement "Hollywood classique", portée par de la musique orchestrale et une image très scintillante... ce n'est pas que le mélodrame est assumé, il est sublimé.

X-Men Apocalypse, de Bryan Singer :

Il serait temps que ce bon vieux Bryan "Renaud te hais cordialement" Singer lâche les X-Men et laisse quelqu'un d'autre tenter une approche originale... le nouveau film est long, surchargé en histoires parallèles et en personnages, ce qui finit par desservir ses derniers. L'histoire ? Le premier mutant, qui est aussi une sorte de Dieu, revient à la vie pour façonner le monde à son image. Les mutants gentils s'opposent à lui, se ralliant derrière l'héroïque Mystique. Dans son camp, il aura Angel (zéro personnalité mais des ailes et armure cool) et Psylocke (zéro personnalité et tenue sexy sans aucune raison valable... faire d'Olivia Munn une femme objet quand on connait le talent dramatique et comique de l'actrice, c'est un peu comme une rage de dent. Genre ça fait mal quoi), et enfin Tornade (qui est enfin légèrement développée mais dont l'arc narratif est quelque peu... bêta), et Magneto. Qui lui, porte toute l'émotion du film, et le fait bien ouf.

Le problème le voilà, c'est que c'est encore un film super inégal, avec des parties démentielles et d'autres totalement pourraves, comme tous les films de Bryan Singer à mes yeux quoi (sauf Superman Returns... totalement assumé) : les effets numériques sont parfois bien dégueulasses, certaines storylines sont chiantes à mourir voire incohérentes à souhait (coucou tout le passage dans la base de Striker qui sert à rien et en plus crache sur la cohérence du film précédent), Singer fait des références et des blagues à ses propres films en guidant la chronologie de ce nouvel univers dans des bases IDENTIQUES à ses films précédents, parce que pourquoi tenter quelque chose de neuf... et puis vas-y que je te tease les X-Men pendant deux films jusqu'à pondre une fin à la Avengers et laisser les fans de X-Men sur leur faim quoi. Mais bon, venant de la part d'un réal qui a banni les comic books sur son plateau parce qu'il ne veut pas que ses équipes s'inspirent de choses aussi bêta (je n'invente rien, googlez moi ça et tout sera révélé), alors qu'il fait un film où le méchant est un monstre bleu qui construit des pyramides, qu'est-ce qu'on peut bien attendre d'autre. Mais à côté de ça, on a des moments de bravoure sans précédents ! Et je suis sérieux. Notamment la fin du film et le développement du nouveau personnage de Jean "Sansa Stark" Grey, qui se crée un lien plus qu'intéressant avec Apocalypse.

Et là si je parle des points forts, je ne peux m'empêcher de célébrer l'atour majeur de Singer : son monteur et compositeur John Ottman. Oui, vous avez bien lu, le mec est un tel monstre qu'il fait le montage ET la musique, ce qui est franchement la classe à Dallas avec des maracas, et en plus super pratique. Grâce à lui, certaines scènes en montage dynamique ont une puissance indéniable, notamment le montage du lancement des missiles dans l'espace (un peu endommagé par un cameo qui pisse sur le dramatique de la scène), et la baston finale qui a lieu sur le plan physique et le psychique. Que l'on donne Justice League à John Ottman s'il vous plait !!

Hors sujet pour finir : Les fans de Star Trek auront remarqué que Singer place des clins d'oeil à la série depuis le film précédent. Est-il en train d'exprimer son envie de réaliser un futur épisode de la saga au cinéma ? Parce que pitié non.

Warcraft, Duncan Jones :

Je ne vais pas passer trois cent paragraphes sur ce film : c'est probablement une des pires bouses que j'ai jamais vu. Warcraft est l'équivalent de l'intégralité du méthane que les vaches produisent avant de finir dans nos assiettes. Après une bombe de SF puis un semi-blockbuster cool, le fils de David Bowie est passé du côté obscur de la Force. Il y a une blague cachée dans cette référence à Star Wars, trouvez-là et je vous offre un shampoing.

Warcraft ne laisse jamais son monde et sa vastité ou sa richesse atteindre le spectateur puisque les héros se téléportent en permanence. La diversité des races est totalement inexistante et sous-exploitée, l'omniprésence de l'homme blanc façon fantasy cliché (et puis la seule femme noire joue une orque à la peau verte qui s'appelle quasiment Gamorra, trolilol) est on ne peut plus marquante... le film n'a absolument rien d'original ni de révolutionnaire (ce qui n'est pas obligatoire, regardez Le Seigneur des Anneaux, c'est juste tellement bien quand même mais c'est supra codifié façon fantasy), sauf un final surprenant qui m'a plus foutu en rogne qu'autre chose puisqu'il n'est amené en rien par la narration ni par l'émotion. Un gâchis total, et une véritable impression qu'on se fout puissamment de ma gueule.

lundi 16 mai 2016

Mois de mai : Les autres films au cinéma - partie 1

La Saison des Femmes :

Un film sublime. Vraiment sacrément foutrement sublime de fils de gigolo. La vie épisodique de quatre femmes en Inde. Elles sont définies telles quelles par la société : une veuve, une mariée qui ne peut avoir d'enfants, une nouvelle mariée honteuse aux cheveux rasés, et une danseuse/pute. Qui sont-elles ? Des femmes. Des vraies personnes, complexes et riches, attachantes et émouvantes, contrastées, pleine de beauté et d'imperfections. Des êtres humaines. Le film est absolument horrible, c'est Game of Thrones version la vraie vie, mais il a une force incroyable. L'esthétisme de l'image et des couleurs et des costumes rend criant la violence qui s'y déroule, tandis que les femmes se débattent encore et encore dans l'espoir de vivre. Du girl power qui tâche, du vrai, et avec du style. Bravo, encore et encore et encore s'il vous plait.

Un Homme à la Hauteur

Virginie Efira rencontre l'homme presque parfait ; c'est Jean Dujardin, sauf qu'il mesure 1m36. Ce film aurait pu être outrageusement offensant, il ne l'est dans son contenu qu'un tout petit peu (dans son approche par contre, rétrécir numériquement Dujardin... moins), mais au final il est simplement d'un ennui gigantesque. C'est bien simple, la seule manière de rendre le film intéressant, c'est d'en retirer l'intégralité de ses personnages pour ne garder que celui de Virginie Efira, car cette femme est parfaite, drôle et touchante dans tout ce qu'elle fait.

Money Monster :

Présenté à Cannes en hors compétition et dans nos salles depuis jeudi, le nouveau film de Jodie Foster est tout bonnement un excellent film de genre, qui s'appuie sur des sujets qui nous touchent mais tout en servant une narration qui se veut clairement fictionnelle. Un présentateur télé qui fait une émission excentrique sur la bourse se fait prendre en otage pendant une émission par un téléspectateur qui a perdu tout son argent sur un mauvais coup. C'est assez classiciste (on reconnaît l'époque cinéma dans laquelle Foster a grandi) tout en étant très moderne et dynamique au niveau du rythme et du montage, ce qui fait qu'on ne s'ennuie jamais. L'atout majeur du film, c'est d'avoir George Clooney en présentateur : son star power si unique fait de lui un modèle parfait pour le rôle, et donne à l'oeuvre une dimension supérieur. Plein de supers personnages secondaires (notamment le caméraman Lenny qui est merveilleux), une Julia Roberts en pleine forme, de la tension non stop pendant cent minutes. Que demande le peuple ?
Le seul défaut peut-être, c'est - et c'est étrange pour une actrice - le peu de place qui est accordé aux acteurs pour exprimer leur jeu. Tout le monde est au service de l'histoire finalement, mais sans que qui que ce soit ait le temps de tirer la couverture à lui.

The Nice Guys :

Il est enfin arrivé, le nouveau film de Shane Black. Scénariste star qui a révolutionné les films d'action dans les années 80 puis 90, il a finit par renier la quasi totalité de son travail, massacré lors de leur passage à la pellicule selon lui. Depuis, il s'est fait une petite jeunesse en devenant réalisateur et accouche ici d'un troisième film ; après Kiss Kiss Bang Bang et Iron Man 3 (le meilleur film du MCU et j'assume), voilà The Nice Guys. C'est tout simplement un polar façon fiction pulp, sur un duo de détectives un peu ratés mais très marrants. Russel Crowe et Ryan Gosling sont merveilleux et extrêmement drôles, surtout dans leur dynamique avec la fille de ce dernier ; c'est la petite originalité du film que de rajouter au buddy cop duo une adolescente qui n'a jamais besoin d'être sauvée et qui est en fait une sorte d'équivalent de la nièce dans Inspecteur Gadget. C'est macho mais pas trop, c'est violent mais pas trop, l'histoire est monstrueusement compliqué et les gags fusent aussi vite que des balles. Le point fort comme toujours chez Shane Black : les scènes d'action, toujours astucieuses et inattendues. Dans un genre aussi poussiéreux, heureusement que des auteurs comme lui existe pour nous surprendre à chaque revers. Un vrai ptit bijou.

mercredi 11 mai 2016

[Cannes] Café Society : Oh mon dieu la caméra a bougé !!

Un jeune gars plein de ras-le-bol fuit Manhattan, sa famille juive et son frère criminel pour s'installer à Hollywood et découvrir les paillettes, les starlettes, le glamour et l'amour. Et si les trois premiers lui réussissent, c'est ce dernier qui va l'ensorceler... et le balader entre les deux mondes, côte est et ouest, jusqu'à ce fameux Café Society.


Le générique commence est personne n'est surpris dans la salle : c'est la même police, le même fond, la même musique de jazz. Les acteurs d'abord, dans l'ordre alphabétique, car ce sont eux qui comptent, ce sont eux qui brillent : cette fois, la muse est devenue Kristen Stewart, vraie Janus quelque peu inspirée de l'héroïne de The Appartment de Billy Wilder. Et elle est belle, belle, belle, belle. Une vraie gueule, et une vraie voix, comme Scarlett il y a dix ans. Et puis, outre l'apparition éclair mais très appréciable d'Anna Camp dans un rôle de prostituée débutante et la carrure de Steve Carrell en agent hollywoodien tellement cliché qu'il pourrait se reconvertir dans la vente de Polaroïd, celui qui crève l'écran, c'est le héros : Jesse Eisenberg devient en fait ici une nouvelle incarnation de Woody Allen. Certes, il y apporte sa propre touche, mais il est difficile de ne pas imaginer le réalisateur - plus jeune - à sa place. Mais voilà, Woody est trop vieux pour ces conneries, du coup il se cantonne au rôle de narrateur.



Oui, Woody Allen a une zone de confort, oui, il n'aime parler que d'un nombre de choses extrêmement réduites, et très clairement il en a conscience. Oui, dans le fond, on sait à quoi s'attendre : des histoires d'amours, des mariés infidèles, des fêtes, l'élite de l'Amérique caricaturé jusqu'à en faire des monstres endimanchés trinquant leur verres remplis d'argent. Ce qui change, ce sont les costumes, le décor. Les phrases sont les mêmes, ce ne sont que les mots qui changent.


Et pourtant, dès que le générique se termine, le sourcil se lève. Puis frémit. Woody... est-ce que tu es en train de traverser une fête avec un steadicam ?? Est-ce que tu mets des mouvements de caméras partout dans ton film et de la profondeur de champ ??? EST-CE QUE TU AS FOUTU UNE TRANSITION TELLEMENT DEBILE QUE MEME DANS STAR WARS ILS LE FONT PAS ???? Je suis si heureux. Je ne sais pas ce qui lui a pris, peut-être que l'idée de filmer l'âge d'or d'Hollywood lui a donné envie d'expérimenter et d'être original dans sa composition et son langage filmique mais je ne peux que m'en réjouir : c'est putain de sublime les gars. Les paillettes elles sont des mes yeux là. Superbe. Et le contraste New York/Hollywood est sans pitié : la première, Woody la connaît et la montre comme sa femme. Enfin, si sa femme avait son âge (lol) et qu'il la montrait nue. La deuxième, c'est son monde : c'est le cinéma, un monde qu'il aime inventer comme plus beau et dépeindre avec cruauté.



En effet, si Jesse Eisenberg nous dit que la vie "est une comédie écrite par un écrivain sadique", il ne peut parler que de son monde, dans lequel le réalisateur joue avec son cœur en lui promettant Kristen Stewart sans jamais vraiment lui laisser l'attraper. Aparté : c'pas grave Jesse, retourne voir Adventureland, tu t'en sors mieux dans celui-ci.


J'ai un peu l'impression que ma critique va dans tous les sens et n'a pas vraiment de direction logique, mais j'ai envie de dire, film, c'est tout ce que tu mérites vu ta tronche. Enfin c'pas une critique hein coco, c'est que je parle comme ça moi, mais clairement tu n'as ni queue ni tête. Au milieu de ton intrigue principale, tu nous a foutu une intrigue de gangster, toute l'histoire de la famille juive de Jesse Eisenberg, un ptit sketch sur le fait que les chrétiens sont des lâches et des froussards, un autre sur une prostituée débutante plutôt nerveuse qui relève davantage d'une sitcom que d'autre chose... sans parler d'un portrait monstrueux du monde hollywoodien et de son langage. Oui, à Hollywood selon HollyWoody on ne parle pas anglais, on parle le "name-dropping", c'est-à-dire qu'une phrase n'a du sens uniquement si elle contient les noms de trois ou quatre célébrités. La seule chose qui tente de faire le lien entre tous ses îlots, c'est la narration, la voix du réalisateur qui nous balade de lieu en lieu, d'époque en moment, de succès aux échecs. Jusqu'à un final emprunt de mélancolie, qui a le don de laisser sur la faim.


Sous bien des aspects, Café Society raconte la vie des êtres qui changent. Le temps passe, ou l'environnement évolue, et hommes et femmes se muent. Ce n'est qu'en retrouvant un morceau de passé que l'être se trouve un miroir et se dit finalement, tiens, c'est moi ça ? C'est ainsi que le souvenir revient, puis devient mélancolie, et enfin devient regret. Voilà peut-être comment expliquer le fouillis fascinant d'un film légèrement foufou, d'un réalisateur qui se met à regarder vers l'arrière. 

Je sais que beaucoup s'amusent à cracher sur papi Woody depuis l'après Match Point, mais j'insiste : depuis ses trois derniers films, il a quelque chose de nouveau, et il signe là son film le plus intéressant depuis Scoop. Oui, malgré son côté bancal et imparfait. Mais vous savez ce qui était aussi bancal et imparfait ? Scoop.

mercredi 4 mai 2016

Les films d'avril sur lesquels je n'ai pas écrit

Green Room : Un groupe de punk durs à blouson en cuir = se retrouvent prisonniers dans un club paumé tenu par des néo-nazis. Un survival super gore qui oppose Chekov (Anton Yelchin), bassiste timide, au Capitaine Picard (Patrick Stewart) en leader nazi qui fait peur dans le noir. Très sympa, notamment dans son détournement de certains codes du genre, mais un peu décevant dans sa mise en scène : toutes les scènes de violence sont très floues, vagues, voire hors cadre, comme si le film avait été forcé de s'auto-censurer pour être distribuer. En tout cas, le réalisateur de Blue Ruin continue son chemin, et c'est cool.

Les Ardennes : Le petit frère se tape la meuf du grand déglingué violent pendant qu'il est en prison. Il en sort deux ans après, et très vite c'est la grosse merde. Un polar belge assez frappé et un peu lent au démarrage, qui finit par exploser dans une dernière demi-heure pas loin d'être époustouflante. Avis aux amateurs du genre, ce film là est pas mal du tout. En plus la scène pivot est totalement centrée autour de crêpes, et c'est un point important à souligner.

Everybody Wants Some: Le nouveau film de Richard Linklater est passé un peu inaperçu, parce que quand même à part Boyhood le grand public s'en bat un peu les rognons de son cinéma indie qui parle du temps qui passe et de la jeunesse rock'n roll. Pourtant il a quelque chose de très particulier : c'est un peu une sorte d'American Pie mais version artiste. On suit l'équipe de baseball d'une université dans les trois jours qui précédent le début de l'année, et leurs tentatives de lever des meufs. Le film est donc extrêmement centré sur les personnages masculins, la jeunesse, l'identité culturelle... il pourrait être dérangeant si ce n'était pas quelqu'un de confiance comme Linklater aux commandes, pour ne pas dire ouvertement sexiste. Au contraire, le film est outrageusement réaliste : ayant fait partie d'une équipe de sport à l'université, je peux attester de la véracité de cette représentation non moralisatrice, mais qui reste clairement passéiste.

Hardcore Henry: Premier film d'action tourné entièrement en vue subjective, comme un jeu vidéo. Cette première phrase est en fait, assez fausse : Hardcore Henry ne mérite pas d'être appelé film, et il n'est pas "comme un jeu vidéo", il est exactement identique à un mauvais jeu vidéo. C'est bien simple, cette immondice est une insulte aux fans de jeux vidéos puisqu'il en prend la majorité des traits négatifs comme la linéarité et l'objectification de la femme, et conserve certains éléments qui hors d'un contexte de jeu vidéo n'ont plus aucun sens. La vue subjective par exemple : l'empathie est créé au cinéma par le fait de voir un personnage ressentir, pas par une interprétation littérale de "voir le monde comme il/elle le voit". Certes, certains passages spectaculaires sont intéressants et impressionnants, mais uniquement parce qu'on se demande comment ils l'ont fait, donc pas pour le film en tant qu'oeuvre. Infect, infect, infect.

High Rise: Adaptation du roman par un réalisateur qui commence à faire parler de lui ; c'est un film sur le futur du passé où on suit les nouveaux habitants d'un immeuble inspiré par la révolution architecturale Le Corbusier. A l'intérieur se mélangent la haute bourgeoisie, la petite et la classe d'en bas... sauf qu'ils ne se mélangent uniquement par le chaos, la baston, le sexe et la destruction. Je vais être clair, je n'ai aucune idée de comment parler de ce film ; il n'a aucune logique structurelle, pas d'évolution dramatique des personnages, c'est juste une sorte de spirale de démence sans aucune limite, où l'image et les mots défient le spectateur constamment. Exténuant pour certains, jubilatoire pour d'autres, je le recommande à tous ceux qui comme moi pense faire partie de la seconde catégorie. Ah oui j'oubliais : la première scène du film, c'est Tom Hiddleston qui mange un chien.

mardi 19 avril 2016

Les Malheurs de Sophie : Christophe Honoré fait la bombe

Une amie l'a dit bien mieux que je ne saurais le faire : "il y a ceux qui ont grandi en lisant Les Petites Filles Modèles, et les autres".


Ce que cela veut dire, c'est que nombreux sont les enfants qui ont grandi et appris à lire avec la Comtesse de Ségur, et tout particulièrement avec sa trilogie narrant, justement, Les Malheurs de Sophie. Bon, il faut aussi être honnête : nous sommes aussi beaucoup à avoir vu le dessin animé qui passait pendant les grandes vacances, mais on accède à la culture comme on le peut, hein. Ce qui compte, c'est que ces livres et leur morale - aussi casse-gueule et rétrograde qu'elle puisse être parfois, notamment dans ses penchants catholiques - ont une importance considérable pour beaucoup.


 Alors forcément, quand une adaptation filmique est annoncée, il y a de quoi prendre peur. Certes ce sont des livres pour enfants, mais est-ce que l'on peut imaginer cette oeuvre adaptée actuellement, pour les enfants au cinéma ? Parce que, on l'oublie assez aisément, ce sont des histoires affreuses ! Sophie, qui selon ses dires est inspirée de la Comtesse elle-même, est une petite fille indéniablement horrible au début de l'histoire. Elle a tout ce que les enfants ont de cruel en elle.


Donc, c'est risqué. Mais c'est un pari à prendre, et Christophe Honoré, car c'est lui qui réalise et a écrit le film, les paris, il leur tord le cou façon warrior. Héritier bâtard de la Nouvelle Vague et de Jacques Demy, Christophe Honoré n'a jamais tourné avec des enfants avant mais il a toujours raconté le monde de manière enfantine, avec des mots qui sonnent si plein de couleurs qu'ils révèlent la noirceur du monde avec mélancolie. Que l'on soit donc clair comme de l'eau de caillou : le film, c'est les Malheurs de Sophie, de Christophe Honoré. En bon auteur, il s'est totalement approprié le personnage et l'univers pour le réarranger à sa sauce (Honoré, c't un peu le Zack Snyder français du coup, il adapte le Comtesse de Ségur Universe selon SA vision). C'est-à-dire en y mélangeant allègrement deux éléments : la cruauté des livres, et la légèreté de l'enfance. A son contact, Sophie devient dotée d'une curiosité et d'une insouciance touchantes ; même Madeleine, Camille, Marguerite et Paul dans cette version se comportent plus comme des enfants que comme des poupées de cire, qui feraient toujours bien attention de ne pas rester au soleil.
(Et d'ailleurs, il faut que je le mentionne quelque part : Sophie devient aussi métisse ici. Christophe Honoré prouve ainsi que même dans un film d'époque, on peut donner des rôles à d'autres comédiens que des blancs, et ça c'est quand même putain de rafraîchissant et d'encourageant. Parce que faut quand même le dire aussi : la maman de Sophie, Mme de Réant, qui est donc interprétée par Golshifteh Faharani, est époustouflante et bouleversante dans le film. Donc, prends-toi ça dans les dents, racisme subversif !)


Cela permet de donner un fond de joie à une histoire absolument terriblement dramatiquement et d'autres adverbes en ment triste. C'est super, méga, giga, hyper, ultra, triste cette histoire, et ceux qui ont lu les livres le savent mais ne s'en souviennent sans doute pas. C'est pourquoi lorsque Christophe Honoré permet à tous ses enfants de jouer, rire, hurler, faire les pitre et les clowns et les saltimbanques, son film respire et nous aussi. De par son originalité notamment dans sa structure, il est probable que Les Malheurs de Sophie ne séduira pas tous les publics, mais ce qui est certain, c'est qu'il ne laissera personne indifférent. Il fait ressentir des choses, de la boule au ventre, aux larmes, aux éclats de rire scintillants. Et c'est en partie grâce à l'éternel compatriote, camarade et amant filmique de Christophe Honoré, le compositeur Alex Beaupain qui signe une partition d'une richesse picsoutienne (adjectif basé sur le mot Picsou, quoi ça vous pose un problème), avec notamment une chanson qui m'est restée dans la tête pendant plusieurs jours.



Les éclats de rire, justement, arrivent assez tard dans le film ; et c'est bien normal, car ils sont déclenchés par Madame de Fichini, interprétée par Muriel Robin, qui nous a aussi bien faire rire avant la séance d'avant-première, en se moquant du fait que le public était majoritairement composé d'adultes et en demandant à une fille de 35 ans où étaient ses parents. Franchement, comment je peux dire ça autrement : elle était incroyable ! Vraiment, vraiment, vraiment affreuse et tellement choquante que terriblement drôle. Les réactions de la salle étaient tout à fait révélatrices.


Les Malheurs de Sophie est un film qui se voit en famille, ou avec ses proches ; avec des personnes qui comprennent l'attachement à ces histoires, ou à Christophe Honoré. Avec des ami-e-s qui sont conscient-e-s de la tristesse du monde, et de la beauté de l'enfance. Et je suis heureux d'avoir pu le voir de cette manière ; il apporte ainsi une belle conclusion à une histoire très personnelle, qui aura commencé un vendredi soir dans mon appartement, sous le secret d'un dossier MK2. Je le recommande plus que chaudement, je le recommande donc... incendiairement ?


Et puis s'il y a des gens parmi vous, lecteurs-ices fidèles et intrépides (coucou), qui sont des fans intenses de Paul, sachez que ce cher Paul a droit à deux séquences mémorables, dont une qui restera sans aucun doute mon moment cinéma préféré de l'année 2016. Et je pèse mes mots. Et ils ne sont pas très lourds, vu qu'ils ne sont que numériques, en fait.