samedi 5 mars 2016

Oscars, Golden Globes, Césars... Petite leçon de cinéma rapide

Les cérémonies de remises de prix ont une importance économique pour l'industrie du cinéma, puisqu'elles permettent la promotion des films en lice, ainsi que la réussite des artistes et artisans qui ont créé les films (sur un CV avoir travaillé sur un film qui a eu un Oscar, je pense que ça doit en jeter pas mal de la mésange), et c'est grâce à cela que tout le monde peut découvrir ou redécouvrir Fatima au cinéma en ce moment. 


Pourtant, la majorité des spectateurs des cérémonies ne s'intéressent pas forcément au cinéma plus que ça. Ce sont les stars du grand écran qui s'invitent à la télévision, ce sont les tenues, les gossips, les paillettes et les bonnes blagues qui attirent plus qu'autre chose. Les spectateurs qui, comme moi, auront vu la quasi totalité des films en sélection, sont donc très rares ! Sérieusement, vous pensez vraiment que tous le soutien que DiCaprio a eu sur Internet provient uniquement de personnes qui ont vu The Revenant ? Ainsi que les films des quatre autres nommés face à lui ? Bien sûr que non.

Et je ne dis pas cela pour juger, je regarde aussi pour les paillettes, faut pas croire! Parce que niveau cinéma, on ne va pas découvrir grand chose dans une cérémonie... si ?

oscars  excited yes oscars michael keaton

Et là c'est le twist : parce que l'on peut réfléchir à une notion cinématographique fondamentale en regardant les Oscars. Oui, même au moment où des scouts vendent des cookies aux stars du cinéma, on peut en apprendre sur le fonctionnement du cinéma dans notre rapport cognitif aux images.


Je m'explique : je vais vous parler de l'effet Koulechov. Koulechov, c'est un cinéaste russe qui, comme Sergei Eisenstein pour ne citer que les plus connus, a théorisé le cinéma autour de la notion du montage. C'est extrêmement simple : en mettant des images les unes à la suite des autres, le cinéma nous force à construire une histoire dans notre tête. Si je vous montre une image d'une femme qui regarde face caméra, puis l'image d'une pomme, puis le visage de la femme à nouveau, votre cerveau va construire une histoire : cette femme veut manger une pomme. Si je rajoute un quatrième plan où l'on voit deux pommes, on se dit qu'elle a très faim. Peut-être qu'elle vient de faire quatre heures de sport et qu'elle a besoin de ces pommes.


Là vous allez me dire, elle est cool ta vie Renaud, mais on voit toujours pas le rapport avec les Oscars, elle est nulle ta leçon de cinéma.

Ce à quoi je vous réponds : ne vous plaignez pas, je ne vous fais même pas payer bande de rustres.


Ce qu'on oublie facilement en regardant ce genre d'événement (et ça vaut également pour les événements sportifs et les concerts dans une moindre mesure), c'est qu'il y a un réalisateur derrière, qui dirige toute une équipe d'opérateurs et de monteurs et autres techniciens. Bah oui, y a quatre milles caméras qui vont dans tous les sens... et c'est là que cela devient intéressant. Parce qu'en utilisant toutes les caméras, et en faisant un montage en direct live, le réalisateur des Oscars nous raconte une histoire. Regardez le gif que j'ai posté juste au dessus : l'arrivée des droïdes de Star Wars sur scène s'enchaîne directement avec un plan de l'adorable Jacob Tremblay qui se lève de son siège pour les voir. Il n'y a besoin que de cela et nous avons déjà toute l'histoire en tête : au milieu de toutes ses célébrités, un enfant est bien plus excité à l'idée de voir des personnages de Star Wars que tous ces types en costume. On peut même aller plus loin et y voir une mise en image de la belle innocence de la jeunesse, mais le réalisateur sur le moment, très clairement, a décidé de montrer cela parce que c'est TROP CHOUPI.


Et cela veut dire que le réalisateur doit aussi être au courant de quoi montrer quand un nommé est récompensé. Il doit connaître le placement de toutes les célébrités pour qu'au moment où DiCaprio célèbre sa victoire, on puisse voir Kate Winslet. Là c'est encore génial comme procédé : il joue à la fois sur la complicité qu'ont les deux acteurs en tant que personnes (ce que sauront ceux qui suivent les presse people et autres), et sur leur complicité au cinéma (le couple le plus célèbre de l'histoire du cinéma probablement ?), et il lui suffit d'insérer un plan sur le visage ému de Kate Winslet pendant le discours de Léo, et tous les spectateurs sont conquis. Et comment montrer que TOUT LE MONDE voulait que Léo ait son Oscar ? En enchaînant des plans sur tous les nommés face à lui, debout, en train d'applaudir.


Tout ça pour dire que même dans un événement aussi futile qu'une cérémonie de remise de prix, on retrouve des constantes ontologiques : l'être humain façonne, est fasciné et façonné par les histoires, et il lui suffit de deux simples images pour en voir une. Bon, parfois une seule image suffit, évidemment, mais là ce serait aller contre mon propos. Et si la question de l'effet Koulechov dans ce genre d'espace scénique vous intéresse, je vous recommande le spectacle de stand-up de Chelsea Peretti qui se trouve sur Netflix ; elle s'amuse à enchaîner un plan où elle balance une vanne avec un plan du public qui s'endort par exemple, où... ça:

Seeing a guy in the audience salt and/or peppering a hard boiled egg

Allez, portez-vous bien chers lecteurs, et si cet article un peu différent vous a plu n'hésitez pas à me le faire savoir, et n'oubliez pas de m'envoyer vos dons pour que je puisse faire ça jusqu'à la fin de ma vie sans m'inquiéter de comment je vais acheter ma nourriture chez Picard.

jeudi 25 février 2016

Le cinéma français n'est pas chiant : César 2016

Oui, pour beaucoup encore, y a pas, le cinéma français, c'est typiquement chiant à mourir. Le spectateur lambda mate un milliard de séries américaines voire britanniques, il mate les grosses productions américaines, et pense encore que le cinéma français, c'est un truc en noir en blanc avec un mec qui fume dans sa voiture, avec une voix-off qui décrit sa dépression de cadre parisien.

Oui, tout dans ce premier paragraphe sonne cliché, seulement voilà ; les Césars approchent et je voulais en profiter pour vous montrer comment le cinéma français est encore extrêmement riche et versatile. Oui, on n'a pas de gros films de super-héros (on en a un petit en 2015, qui s'appelle Vincent n'a pas d'écailles et qui déchire), certes, mais on a quand même de la sacré bombe. Et sachez en plus de cela que les César sont loin de représenter l'étendue totale du spectre du cinéma français, puisqu'on n'y trouvera pas "Alain Chabat veut faire un film sur des télés qui tuent des gens sauf que son film existe déjà mais dans un rêve réalité" (Réalité) ou encore "des ados parisiens skateurs se prostituent" (The Smell of Us) ni même "une jeune fille balayeuse dans un gros hôtel se transforme en oiseau et se prend pour Batman" (Bird People).

Voici donc des pitchs de films nommés aux Césars, suivis de leurs titres.

--
Le cadavre d'une mamie disparaît et on se prend à plaindre le nécrophile qui arrive trop tard pour en profiter. Pauvre petit Dussolier ! 21 Nuits avec Pattie.

Un ancien soldat traumatisé par ses crimes de guerre devient gardien dans une cité parisienne, et se retrouve confronté aux histoires de gangs locales. Dheepan.

Un film qui combine de l'espionnage en Russie pendant la guerre froide et une grande histoire d'amour destructrice et déchirante. Trois Souvenirs de ma Jeunesse

Un astronaute américain atterrit sur le toit d'une cité et passe plusieurs jours avec une mamie marocaine. Asphalte.

Une riche dame chante de l'opéra dans un cercle fermé d'amateur. Son chant est affreux mais personne ne lui dit car c'est elle qui finance le tout. Marguerite.

Trois prostituées marocaines vivent leur quotidien difficile et parfois humiliant, mais surtout elles vivent. Much Loved.

Un bataillon en Afghanistan voit ses hommes disparaître mystérieusement nuit après nuit ; les causes semblent divines, les conséquences infernales. Ni le ciel Ni la terre.

Un couple de résistants s'échappe d'un pays répressif dans un biopic qui insère des blagues de stand-up dans une histoire tragique ; celle des parents de Kheiron. Nous Trois ou Rien.

La vie de cinq jeunes filles élevées dans l'obscurantisme religieux de la campagne turque ; représentant illustre de la France aux Oscars dimanche, Mustang.

La vie d'une presque vieille femme originaire du Maghreb, qui s'éclate à jongler entre trois emplois pour financer les études de ses filles en France, et qui consigne ses pensées dans des textes qui finiront par être publiés. L'histoire vraie de Fatima.

--

S'ajoutent à ceux-là des films plus classiquement "français" comme les gens le pensent, mais qui n'en sont pas moins intéressant et souvent très réussis, entre policiers, histoires d'amours homosexuelles, dépressions, drames sociaux et autres : entre L'Affaire SK1, La Belle Saison, Mon Roi, La Loi du Marché et La Tête Haute, on n'est franchement pas en reste cette année.

Du coup, voilà ma conclusion : non, le cinéma français n'est pas chiant. En revanche les Césars le sont très souvent, mais ça, c'est un autre problème...

mercredi 24 février 2016

Zootopie : Est-ce un chef d'oeuvre ? Oui.


Et oui, un nouveau Disney est sorti au cinéma. Le premier depuis Les Nouveaux Héros et la Reine des Neiges. Si si je vous assure, il est sorti depuis déjà une semaine ! Mais bon, personne n'en parle ; et je pense comprendre pourquoi.


En vérité... le film fait déjà un carton. Les enfants, les parents, sont au courant que ce film existe, et il a déjà fait un meilleur démarrage au box office français que La Reine des Neiges, et Vice Versa. Mais le marketing du film n'a pas du tout été orienté vers nous, les grands enfants qui continuent à regarder des dessins animés et à y voir le meilleur de ce que peux proposer le cinéma international. C'est Michel Tournier, décédé récemment, qui disait qu'il était beaucoup plus difficile d'écrire pour les enfants, et qu'il était donc plus fier de ses ouvrages destinés aux plus jeunes.


Je suis donc là pour vous convaincre vous, qui êtes comme moi, de ne pas rater le nouveau Pixar. Heuuu non pardon, Disney. Oui je me trompe, mais un éléphant comme moi ça trompe énormément et pire, ça fait exprès. Parce que déjà, il faut dire les choses comme elles le sont : à peu de choses près, Zootopie est un film Pixar. Littéralement, à part l'absence du logo qui met les lampes sur les I et une utilisation typique d'une chanson en générique, Zootopie est un film Pixar.


Par son concept bien évidemment : bienvenue dans un monde où il n'y a que des mammifères, qui sont séparés en deux catégories, les proies et les prédateurs. Donc dans un camp, les lapins, les souris, les moutons, et dans l'autre, les lions les tigres et les renards. Proies et prédateurs vivent en harmonie dans une société utopique qui tente d'égaliser les chances de tout le monde quant à la réussite sociale. Donc... on a des animaux qui parlent. Super original. C'est bon, on est pas chez Blue Sky les gars, c'est Disney ici, revenez dans le présent ! Sauf que non. Parce que Disney mes cocos, ils y sont puissamment dans le présent avec ce film. Oui, ok, les animaux parlent, mais l'étude du monde animal donne toute sa forme au film.


C'est que l'histoire paraît toute bête au début : une petite lapine de la campagne désire devenir le premier lapin des forces de police de Zootropolis, la grande ville du coin (pensée comme une sorte de Disneyland : une partie glacée pour les animaux du froid, une partie désert, une partie tempérée, une jungle..., une mini-ville pour les souris !), parce que dans ce beau monde où les prédateurs et les proies ont l'égalité des chances, tout est possible ! Et elle y arrive, elle devient flic, parce que si on y croit vraiment on peut tout faire !!


Là, c'est le moment où un mauvais film s'arrête. C'est le film qui apprend aux enfants que le monde est beau et qu'on est tous égaux et que tout est possible. Sauf que dans Zootopie, on passe très vite à la Zoodystopie. Très vite, notre petit lapin découvre que si sur le papier, tous les animaux sont égaux, la réalité est bien loin d'en être là... la réalité est sale, dégueulasse, injuste et pleine de préjugés et de stéréotypes dont tous les mammifères souffrent. Ouais, ça vous rappelle pas un truc un peu familier qui s'appellerait la vraie vie ? Petit lapin elle-même n'est pas à l'abri de cela, puisqu'elle pense que les prédateurs ont des éléments dans leur ADN qui fait d'eux des bêtes potentiellement sauvages/dangereuses.


Tranquillement, derrière une myriade de couleurs et un monde dont la beauté ferait pâlir des trucs pas pâles, derrière un humour déjanté et excellent (toute la promo est basée sur l'humour du film et ils ont bien raison, il est réellement hilarant... mais je n'en dirai pas plus, je ne veux pas spoiler ce qui restera sans aucun doute mes gags préférés de l'année), Zootopie décide de nous parler de discrimination. L'histoire, c'est l'amitié inattendue et improbable entre un lapin (supposément niais et naïf) et un renard (supposément fourbe et vicié), c'est une enquête policière, c'est un film noir à l'ancienne où le renard serait un Robert Mitchum (encore plus) poilu, oui, c'est tout ça ; mais c'est surtout un film sur la discrimination et une ode à la différence. Et au début de ce paragraphe, j'ai bien dit tranquillement ; parce que le film est merveilleusement bien dosé, il installe son monde discriminé et ségrégé petit à petit tout en créant un malaise qui d'une petite boule à l'estomac devient un gros nœud marin.


Zootopie est brillant, et cet article est beaucoup trop long, et je pourrais en écrire encore dix-huit pages. Le titre est si bien trouvé : on part effectivement d'une utopie avant d'en découvrir toutes les failles. C'est en plus un film sur une histoire d'amitié, et non pas d'amour, ce qui n'est pas si courant et toujours apprécié. Je vais me contenir et éviter d'élaborer plus mais voilà, Zootopie m'a retourné la tronche et m'a fait énormément de bien. Non allez laissez-moi juste dire un dernier truc : un des reproches que j'ai pu faire aux productions Disney récentes, et à d'autres dessins animés, c'est qu'ils sont devenus trop prévisibles en terme de rythmes. Les coups de l'action, les articulations du scénario commençaient à ressembler un peu trop à des chansons pop, dans le sens où chaque instant pouvait être prédit aisément. Zootopie, du fait de son format "enquête policiaire" englobe plusieurs arcs narratifs et brouille assez les pistes pour avoir revigoré cette structure "Save The Cat" qui formate Hollywood depuis une dizaine d'année.


Un tel concept, une telle qualité, c'est ce à quoi Pixar nous avait habitué, et Disney depuis que John Lasseter a fait le ménage commence de plus en plus à y ressembler. Ce à quoi je dis, tant fucking mieux !

jeudi 18 février 2016

Réflexions sur Deadpool et son héritage à venir

Avant de commencer à parler du film, permettez-moi de me lâcher un peu sur la Fox. Et de me permettre de diaboliser des individus en m'adressant à un tout uniformisant toutes les tares d'une chaîne de télévision et d’exécutifs tout droit sorti d'un bouquin de Kafka.

Mais la Fox, mais quelle brochette de cons ! 


Voilà, c'est fait.

Non mais attendez, ce que je fais là est totalement gratuit c'est sûr, mais ce n'est pas sans lien avec mon article, c'est qu'on va parler du cinéma façon business les gars.


Pour ceux qui ne le savent pas, Deadpool est un film de super-héros violent et "crade" (le film est super soft mais le personnage raconte des trucs un peu dégueu, on est loin d'un vrai film crados) qui est en train de tout arracher au box office. Et pour ceux qui ne savent pas cela non plus, cela fait presque dix ans que les scénaristes tentent de faire le film. Pourquoi tant de temps ? Et bien ma foi, parce que la Fox était persuadé que personne ne voudrait voir ça. Pensez-vous, ils s'y connaissent bien en super-héros à la Fox, et ils savent qu'un film ne fonctionnera uniquement si 1. Il y a Wolverine dedans ou 2. c'est un film des 4 Fantastiques.
Eeeeet ouais voilà donc ils ont bien salement tort, ils se sont plantés sévère, et ça ne surprend personne à part eux apparemment. Surtout que, attendez, vous savez pourquoi le film de Deadpool existe ? C'est parce qu'un type de la production a un jour décidé de fuiter sur Internet des bobines tests du film, et EVIDEMMENT les fans ont joui tellement fort que la Fox a fini par les entendre et a enfin compris qu'ils allaient pouvoir se faire un max de blé.


Oui, ça sonne extrêmement pessimiste jusque là mais ne vous inquiétez pas, y aura aussi du positif ici. Le film de Deadpool par exemple, bah il est pas mal du tout ! Bon, personnellement, je pense qu'il n'est pas assez violent, et un peu trop facile sur les références (une référence n'est pas une blague à mon sens, car trop périssable), mais il a quand même plein de qualités ; des persos cool (Colossus qui est enfin un vrai personnage et pas juste un bout de décor, hein Singer), des scènes d'action cool, des blagues cool. Et n'oublions pas qu'il s'agit d'un premier film pour son réalisateur, donc, laissons-lui le temps de mûrir et concentrons-nous sur les belles choses qu'il a montré. Notamment une séquence gigantesque où Deadpool n'a que 12 balles pour buter tout un tas de méchants.

Mais ce que je veux vraiment lancer comme piste de réflexion ici, c'est ça : qu'est-ce que le succès inégalé de Deadpool veut dire pour les années à venir ?


Beaucoup ont déjà commencé à en parler, notamment certains insiders comme James Gunn, le réalisateur des Gardiens de la Galaxie, qui lui est persuadé qu'ils vont en tirer les mauvaises leçons. Et il est difficile de lui donner tort : après Batman Begins, toute l'industrie s'est mise en tête qu'il fallait faire des reboot, et les ancrer dans le "réalisme". Alors que merci les gars, mais un type qui s'habille en chauve-souris ninja parce que ses parents sont morts assassinés lors d'une projection de Zorro, pour affronter des méchants tels qu'un manchot, un clown ou un tas de boue, je suis désolé mais c'est pas trop un trip qui va rimer avec réalisme.


Ce qui inquiète James Gunn, et moi-même, c'est que les studios fassent des raccourcis abusifs : "aaah les spectateurs aiment les films de super-héros violents avec des blagues salaces, et où le personnage brise le quatrième mur en permanence ? ON VA FAIRE QUE CA PUTAIN!!!"
Non, les spectateurs aiment les bons films. Ces éléments sont testamentaires de l'identité de Deadpool, pas de ceux que veulent voir les spectateurs à toutes les sauces. De même, tous les films de super-héros n'ont pas besoin d'être ultra violent : un film comme Deadpool ou Kick Ass, oui. Un film comme Les Gardiens de la Galaxie ? Non, définitivement non.


Et pourtant, il y a tout de même quelque chose qui est peu évoqué dans ces discussions, et qui serait peut-être LA chose que Deadpool pourrait apporter aux autres films de super-héros, qui a disparu avec les années : le masque.


Je m'explique : la base des super-héros, c'est un peu le masque quand même. L'identité secrète tout ça, bref l'uniforme. Or, on assiste depuis dix ans à une réduction considérable de la présence de masques dans les productions audiovisuelles. Il suffit de comparer les films de Spider-Man de Sam Raimi avec ceux de Marc Webb pour le remarquer : Andrew Garfield passe un temps considérable dans son costume et sans son masque. Et pourquoi ? Pour des raisons de marketing tout simplement. Le public lambda ne vient pas voir vraiment Iron Man, il vient voir Robert Downey Jr! Nos super-héros sont beaux et leurs jolis minois attirent les minettes et les minets.


Mais Deadpool? Certes dans le film on voit pas mal la tronche de Ryan Reynolds, mais vu que celle-ci est rapidement toute calcinée, on ne peut pas dire que l'appeal de l'acteur ira fonctionner sur un second volet ! Une des raisons qui font que Deadpool porte son masque, c'est précisément parce qu'après ce qu'il a subi, il a un peu une tête de cul. Du coup, je vois de l'espoir dans cela. Je vois Ryan Reynolds se fondre dans le personnage et laisser Deadpool prendre le dessus, comme il l'a fait durant toute la promo. Il est temps que les super-héros soient sur le devant de la scène, et ça Deadpool l'a parfaitement montré et compris.

La Tour 2 Contrôle Infernale: Pourquoi rire?

La Tour 2 Contrôle Infernale: Pourquoi rire?



Ce film est une suite de la comédie débile culte, sauf qu'en fait c'est un prequel : Eric et Ramzy jouent les parents de leurs personnages du premier volet.

Le scénario ? Et bah vu que La Tour Montparnasse Infernale était une parodie très libre de Die Hard, celui-ci est une parodie très libre de Die Hard 2 : on y suit deux débilos qui travaille dans un aéroport quand soudain des méchants terroristes viennent y commettre des actes criminels. Comme dans le premier, les deux idiots vont empêcher les méchants de parvenir à leur fin. Comment ? Et bah voyez le film bande de gnous.


Est-ce que cette suite fonctionne du coup ? Oui et non. Et franchement, le non est plus surprenant qu'autre chose. En gros, le film est très largement fracturé entre deux types d'humour : le premier versant est celui des personnages d'Eric et Ramzy, dont le spectateur est censé se moquer. C'est bien simple, ils sont demeurés et sont persuadés de ne pas l'être, et surtout ils le sont suite à un accident. Se moquer d'eux n'a rien d'amusant, c'est lourd, c'est mauvais. Parfois ça fonctionne, rarement, et plus souvent la salle reste tristement silencieuse.


Heureusement, Eric et Ramzy sont loin d'être les seuls personnages du film, et leurs scènes représentent environ un tiers du produit. Les deux autres tiers sont celui des méchants terroristes, dirigés par un Philippe Katerine mauvais en grammaire qui tue ceux qui le reprennent, et celui des gentils dirigés par une centaine d'incompétents dont un ministre de la défense qui voudrait être ministre de la culture, et par une seule personne compétente en la personne de Marina Foïs. Qui doit s'excuser en permanence d'être enceinte, parce que c'est bien connu, elles le font exprès ces salopes !


Franchement, les scènes sans Eric et Ramzy dans ce film m'ont pour la plupart fait mourir de rire. Je suis mort les gars ! Puis les scènes avec m'ont ramené à la vie, parce que la vie c'est de la merde. La Tour 2 Contrôle n'a aucun sens, ce décalage dans les types d'humour et leur qualité dépasse l'entendement, ce qui fait qu'en plus d'être un film presque génial, c'est aussi un film fascinant.

Je vous dis que dans 20 ans on sera encore en train d'analyser les contradictions thématiques et stylistiques de ce film pour comprendre le sens de la vie, alors que toute vie sur terre sera en train de périr lentement à cause des graves erreurs des hommes, comme l'épuisement des sols et l'élection de Kanye West à la présidence du monde.

mercredi 3 février 2016

Tout en haut du monde : Mulanotchka

Salut ! Je voulais faire un article court mais substantiel sur une petite bombe d'animation qui est actuellement en salles. Oui, là maintenant tout de suite vous pouvez arrêter d'éplucher cette pomme de terre, fermer ce blog de cinéma ordurier, et aller chercher un cinéma qui projette Tout en haut du monde, de Rémi Chayé.


Ce film, c'est une beauté d'animation 2D comme on n'en voit plus assez, et en plus ça vient de chez nous ! Ça raconte l'histoire d'une princesse russe de 14 ans qui va à la recherche du bateau de son grand-père, tout en haut du monde. Donc au pôle nord quoi, en gros. Il y a un côté Mulan (l'honneur familial à sauver après la disparition du papy et son expédition casse gueule +  une jeune fille dans un monde d'hommes), il y a un côté Reine des Neiges apparemment pour certains (parce que princesse + glace = Reine des Neiges ?)... mais ce long-métrage est bien plus riche.


Riche visuellement, tout d'abord. Le trait est gros et voyant, et il n'en est pas moins émouvant. Les paysages semblent tout droit sortis d'un tableau de ce bon vieux Cézanne, et tous les passages dans la glace ont une puissance poétique qui finalement correspondent tout à fait à la Russie. Les grands auteurs russes comme Dostoïevski, bah ce sont des gros romantiques au final qui au delà de leur obsession avec le divin savait surtout écrire des personnages érigés en statues par leurs passions grandiosement humaines. Riche également dans ses sonorités, à la fois dans les voix très riches du casting - comme souvent dans les films pour enfants - et dans sa bande-son pop à contre-temps avec son animation et son histoire.


Bref, je ne veux pas tout dire, mais c'est un beau film, et le voir n'est pas seulement un excellent moment à passer (et j'insiste sur le mot moment : il ne dure que 80 minutes) c'est aussi une manière pour vous de soutenir le cinéma français qui n'a pas froid aux yeux !

samedi 16 janvier 2016

Carol : Rémanences d'un regard dévorant

Carol, contrairement à ce que l'on pourrait attendre, ne parle que peu de Carol, interprétée par Cate Blanchett. D'ailleurs il parle très peu tout court, c'est un vrai film d'intello élitiste à la con. Donc, parfait pour moi quoi !


Le nouveau film de Todd Haynes ne montre presque exclusivement qu'une seule chose : le regard de Thérèse. Ce dernier se balade et fuit, il ne rencontre presque jamais les hommes qui la séduisent ; tandis que sa bouche leur dit oui, ses yeux ne les voient pas. Parce que tout se fait entre les mots dans Carol, la vérité des sentiments se lit uniquement dans les pupilles. Ainsi, permettez-moi d'utiliser une expression courante : Thérèse n'a d'yeux que pour Carol.


Chaque instant où les deux femmes sont ensembles à l'écran, une relation passionnée, discrète et inégale se met en place : Carol est mystérieuse, elle a le regard fuyant et porte le poids du passé pesant d'une femme - relativement - âgée. Thérèse dévore Carol autant qu'elle le peut, comme pour inscrire son image sur sa rétine et ne plus jamais la perdre... et le spectateur, donc toi, et moi, regarde Thérèse, dans le blanc des yeux. Le film est, en plus d'être une histoire d'amour sacrément belle et déchirante - deux femmes qui s'aiment dans les années 50, ça va carrément passer niveau social ça -, un récit initiatique. Thérèse, en plus de découvrir sa sexualité et son individualité, se découvre un regard ; celui d'une photographe qui trouve enfin un sujet à capturer et qui peut-être un jour, la regardera à son tour.


Grâce à sa mise en scène et à la richesse du jeu des actrices, Carol est un film incroyable qui aura été injustement mis de côté par les Oscars ; certains reprochent aux critiques de n'avoir su voir la subtilité des sentiments dans les gestes et regards volés des personnages, mais je trouve ça totalement stupide. Rien n'est subtil dans Carol, puisque tout ce que l'on sait est à l'écran. On voit tout, et si ce n'est pas dans les mots, c'est à l'image. Quel critique serait assez mauvais pour ne pas remarquer les qualités visuelles d'un film et ne s'attacher qu'à son histoire ou à ses dialogues, je vous le demande ? Non, en vrai je ne vous le demande pas que je vais dire ce que je pense franchement ; c'est le cas de beaucoup trop d'entre eux.