jeudi 5 février 2015

Jupiter Ascending : Créer la vie.

Petit point rapide sur le paysage du cinéma à grand spectacle dans le monde en 2014 : sur les 10 premiers films au Box Office, on trouve exactement un film original (pas une suite, pas tiré d'une série de bouquin ou d'une putain de gamme de jouets débiles), et presque en bas du classement à la 8ème place. Il s'agit d'Interstellar. Et qu'est-ce que ça veut dire original ? Parce qu'Avatar, il y a quelques années, était un film de SF original alors que son histoire ne l'était pas du tout. Mais le monde qu'il présente, si. Le space opera a cette capacité à nous offrir plus que ce que la narration, une véritable découverte esthétique.


Voilà un long moment qu'on attend ce film. Jupiter Ascending, le nouveau film des Wachowski après le sublime Cloud Atlas (une adaptation pour le coup, et une bonne) co-réalisé avec Tom Twyker, devait sortir cet été mais TimeWarner l'a relégué à la période cimetière des blockbusters. Et ça, les amis, ça pue du bec façon tas de fumier radioactif parfumé à la vinaigrette à la framboise. Parce que l'on assiste peut-être là à la fin de la carrière d'un duo qui a ouvert l'Occident à la culture asiatique et a changé le cinéma d'action pour toute une génération. Je me prends même à imaginer qu'il s'agit d'une attaque personnelle envers Lana Wachowski, je crois que je préférerais cela à des raisons commerciales. Ce serait affreux, mais au moins on serait dans des questions humaines, pas des questions de marché.


Jupiter Ascending n'est pas vraiment original du point de vue l'histoire, et c'est bizarrement ce qui fait sa beauté. De par ses archétypes, il parvient à se rattacher à des contes, des mythes connus de tous... Jupiter Jones (jouée par la plus belle, Mila Kunis) s'apparente à Cendrillon, en commençant par nettoyer des toilettes avant de vivre aventures et amour au sein d'histoires de familles royales gouvernant l'univers, aux côtés d'un policier de l'espace déchu (Channing Tatum) avec des bottes volantes qui est prêt à tout pour sauver sa demoiselle en détresse, en toutes circonstances. Ici, avec juste une phrase, on peut se rendre compte de la densité du film : le monde présenté par les Wachowski est PUTAIN DE GIGANTESQUE, ce qui rend une partie du film assez didactique et rébarbative. Mais on lui pardonne son exposition omniprésente pour la grandeur, la naïveté enfantine qu'il arbore en racontant son univers ; impossible d'avoir du cynisme dans une telle position, il faut vraiment se laisser happer et rêver. Et attention, absence de cynisme ne veut pas dire absence d'humour : le film est très drôle et se permet même une scène assez improbable façon Terry Gilliam/Les Douze Travaux d'Astérix.


C'est sur cette apparente simplicité que se construise des thématiques très riches et que l'on retrouve les passions des Wachowski, qui racontent toujours la même histoire au final : l'injustice des puissants et la révolte des exploités, l'héroïsme d'un groupe d'individus face à la tyrannie des égoïstes. Ainsi se côtoient l'infiniment grand - le cosmos- et le minuscule - les abeilles - et la notion d'identité, de l'individu face à la famille... Le tout sert illustré par des scènes d'action gigantesques et tout ce qu'il y a de plus épique. Au fur et à mesure du film, j'ai rapetissé dans mon siège jusqu'à me retrouver mes 6 ans, lorsque Le Retour du Jedi est re-sorti au cinéma. Dès lors, on se perd dans le film, on rêve d'être les héros et surtout, on souhaite que le film ne s'arrête pas et que la dernière des péripéties ne le soit jamais.

Alors gloire à ces créateurs qui osent insuffler de la vie à des mondes bâtis de toutes pièces, à une époque où le risque est majeur ; et si c'est la dernière des Wachowski, et bien merci. Merci de nous rappeler que le cinéma est spectacle, et que l'on applaudit à la fin.

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