vendredi 31 juillet 2015

La Rage au Ventre : Film au Beurre Noir

Un boxeur célèbre qui s'est fait tout seul, pur produit du rêve américain, de l'orphelinat au palace, et qui suite à un faux pas, perd tout. Il ne pourra jamais récupérer ce qu'il a perdu, mais il peut au moins essayer de trouver une sorte de rédemption et réparer ce qu'il reste de sa vie.


Antoine Fuqua est un réalisateur particulier, parce qu'il vit un peu dans un autre temps ; on dirait souvent qu'il se prend pour Don Spiegel, ou le Clint Eastwood des années 70. Son cinéma est peuplé d'hommes de la rue, violents comme pas deux, et de femmes fourreaux, qui sont les seules à savoir calmer la rage qui boue des cœurs aux phalanges. Depuis Training Day, cela n'a pas changé, et il ne faut pas longtemps à Jake Gyllenhaal pour retrouver l'autre motif principal des films de Fuqua : la rue.


Une famille déchirée, une fortune dilapidée, et le boxeur se retrouve au plus bas, dans la crasse des crasseux de New York City, dans le monde qui l'a connu et qui l'a vu grandir, pour y retrouver sa propre violence. Et c'est peut-être de cette manière qu'Antoine Fuqua est également le suiveur de Nicholas Ray, plus connu sous le nom de "meilleur réalisateur du film noir de l'histoire d'Hollywood" (moi, pas objectif ? En effet.), puisque si les poings et le sang sont omniprésents, si les hommes sont condamnés à la violence, la rédemption n'emprunte pas d'autre chemin. Ainsi, pour reconstruire sa famille et retrouver son statut de père, Jake Gyllenhaal va boxer ; jamais il n'envisage une autre solution, et jamais le film ne propose aucune autre réalité. De cette manière, Antoine Fuqua produit une oeuvre totalement satisfaisante car elle est toujours fidèle à son propos. Aucune errance, et La Rage au Ventre embrasse pleinement son statut de film machiste démodé. Il n'y a pas de plaisir coupable, mais s'il y en avait, ce film en serait certainement un.


Les scènes de boxe sont gigantesques, notamment parce qu'en adoptant un style très télévisuel dans leurs retransmissions, elles donnent assez de distance au spectateur pour voir les coups, c'est-à-dire voir les acteurs se prendre des torgnoles dans la face. Et ça, si c'est pas du putain de dévouement à son art d'acteur franchement... ça change de Vin Diesel dans Babylon A.D qui refuse d'être face à un mur en chocolat qui explose. Et par ailleurs, se prendre des marrons dans la tronche est ce que fait Jake Gyllenhaal de moins impressionnant dans ce film, puisqu'il est tout bonnement exceptionnel (les autres aussi mais je m'en fous des autres ok ? Je parle QUE de Jake. Bon, juste un mot : 50 Cents joue dans ce film, et il est plutôt bon), et confirme tranquillement mais sûrement qu'il est - ATTENTION MA SUBJECTIVITE REVIENT - le meilleur acteur américain de l'industrie. Tout simplement.


Enfin pour revenir aux scènes de boxe et leur style très télévisuel : cela permet à Antoine Fuqua de confronter deux histoires, celle très personnelle et authentique d'un père qui veut reconstruire sa famille, et celle des médias qui se sert d'une tragédie et lui tort le cou pour lui soutirer tout son blé. Ecouter les commentateurs lors du dernier match est à la limite du soutenable ; malsain, il n'y a pas de meilleur mot pour le décrire.C'est bien pour cela que le film se termine avec cet agent de sécurité qui éloigne la caméra et les journalistes du vestiaire du boxeur, de son intimité, et de sa vérité.


Je pense que vous l'aurez compris, j'ai absolument adoré La Rage au Ventre. Allez le voir ?

jeudi 30 juillet 2015

Le Petit Prince : S'il vous plait, anime-moi un mouton

Pour adapter un long-métrage animé autour du Petit Prince - car oui, ce film n'est pas une adaptation page par page du classique absurde de la littérature française -, les studios français ont annoncé vouloir créer une histoire profonde, émotionnelle, à la fois pour les enfants et les adultes, "à la Pixar". Pour cela, ils ont donc engagé un réalisateur de Dreamworks, Mark Osborne... Ok ? Donc, le type qui a réalisé les Kung-Fu Panda. Ce n'est pas un mauvais choix !


Parce qu'il apporte avec lui une codification de l'image, un rythme et une dynamique très américaine, qui se mêle assez bien à un long-métrage au rythme inhabituel, qui peut se le permettre justement parce que c'est une production française. On a donc trois films pour le prix d'un dans celui-ci : il y a d'abord l'histoire d'une petite fille dans un monde carré, où tout est décidé et où le travail fait la vie. Dans celui-ci, Mark Osborne ne fait que reprendre les thèmes qui lui tiennent à cœur en confrontant un parent seul et son univers, à un enfant qui a encore besoin de rêver. Puis, on a l'histoire du Petit Prince, subliment animée en stop-motion avec des pliages de papier, qui nous parvient depuis le biais du chaos du vieux pilote. Et enfin, nous avons une séquence qui mélange les deux univers façon Hook - mais en mieux parce que Hook ça pue le caca périmé - de façon à la fois géniale et terrifiante - de nombreux parents ont fait sortir leurs enfants dans la salle à ce moment - ce qui en fait à mon sens LA partie réussie du film.


Car le reste est un peu... maladroit ? Disons que l'ensemble manque de subtilité. Le monde très dichotomique présentée dans Le Petit Prince, le livre, très manichéen et simpliste, fonctionne parce qu'il est transmis dans une expression absurde, parfois poétique parfois prosaïque. Ici, il est associé à un univers où tout est carré, où la subtilité est restée sous le tapis. Le résultat, c'est qu'une grande partie du film dégouline d'un message moralisateur mal venu, et c'est dommage, car le reste est par moments grandiose. En dérobant la légèreté de l'oeuvre originale pour accabler cette dernière d'une rhétorique diabolisant le travail - symbolisé par les mathématiques, car tout le monde sait que les sciences sont l'ennemi de l'art, évidemment... -, Mark Osborne n'atteint définitivement pas la richesse d'un Pixar. Mais on retiendra les réussites du film, qui sont elles bien réelles.

Ant-Man : Marvel prend la mesure

Certains (personne) auront remarqué que je n'ai pas fait d'articles sur Age of Ultron, que j'ai pourtant vu trois fois au cinéma. J'ai essayé, je n'ai pas réussi. Ce film est trop bordélique, trop plein de tout, trop casse gueule, trop fourre-tout, bref il est trop pour que je parvienne à en parler correctement. Il m'a plu, et déplu, mais il est simplement trop.


Heureusement Ant-Man arrive, et voilà un film à ma taille ! Oui, je vais faire des blagues comme ça dans cet article, je sais, c'est petit. Donc Marvel clôt sa Phase 2 non pas dans une explosion, mais dans un gémissement, un petit film de cambriolage. Oui, car la réussite des Studios Marvel/Disney, c'est d'avoir rapidement compris que le schéma du film de super-héros est très vite limité ; c'est ainsi que la phase 2 a montré comment les créateurs et producteurs ont su adapter des films de genre en y ajoutant des super-héros. D'abord le buddy cop movie, puis l'heroic fantasy, puis le film d'espionnage à la Sydney Pollack/Alan J. Pakula, le space opera à la Star Wars, et enfin, en éliminant Avengers 2, on arrive à un film de cambriolage, mélangé à L'Homme qui Rétrécit de Richard Matheson.


Comme toujours avec ce studio, le film est plaisant, et réussi dans l'ensemble. Inventif, visuellement dément pour les scènes d'action (la technique de combat de Scott Lang, ses interactions avec les fourmis, c'est tout simplement du jamais vu au cinéma), drôle (mention spéciale à la digression "tu me connais je suis plus branché néocubisme"), prenant, et techniquement logique quant à ce qu'il raconte. L'écran par exemple, est très loin du souffle épique d'un IMAX et opte pour un cadre plus serré, à l'ancienne. L'histoire qu'il raconte est plus personnelle, moins gigantesque, et cela s'y prête bien.


Des déceptions cependant, bien sûr, car le film aurait pu être bien plus grand. Au delà du fait que la partie cambriolage du film ne soit pas particulièrement prenante, on peut regretter que le personnage de Scott Lang, très joliment interprété par Paul Rudd, ne soit pas encore extrêmement développé, puisque c'est surtout l'histoire de Hank Pym, interprété par LE GENIAL Michael Douglas, et il ne risque pas d'avoir des masses de développement dans les films à venir. Mais ce que certains, dont moi, regretteront le plus, c'est bien sûr l'absence d'Edgar Wright à la réalisation. Sa patte et son humour se sentent ici et là, mais ce n'est rien de plus qu'un fantôme, à des parsecs de son langage visuel comique. Quelque part, dans un univers parallèle, le film du génie derrière la Trilogie Cornetto existe, et c'est le meilleur film Marvel depuis Spider-Man 2 de Sam Raimi.

Pixels : Nostalgie Collatérale

Inspiré d'un court-métrage français, Pixels raconte comment une race extraterrestre reçoit un jour une sonde spatiale contenant des images de jeux vidéos d'arcade de 1982 et prend ça comme un défi ; ils attaquent la terre en utilisant ces jeux vidéos. Prétexte bidon pour voir New York se faire attaquer par un Pac-Man géant en gros ! Prétexte bidon mais tout de même, il faudrait être sacrément faux jeton (d'où vient cette expression ? Une haine pour les jetons inutilisables pour les caddies du supermarché ?) pour ne pas accepter que l'idée a de la gueule. Et visuellement c'est une réussite indéniable et curieusement indémodable. Pour autant, le film m'apparaît comme une déception.


Parce qu'il n'est pas mauvais, mais extrêmement générique. Le timing comique est légèrement hors de place, sauf pour Adam Sandler qui paraît lui décalé à cause du reste, le casting est excellent mais sous-exploité. Le personnage de Peter Dinklage est tristement sous-exploité, et je ne parlerais même pas d'Ashley Benson qui joue une Trophy Wife littérale. Oui, littérale, vous m'avez bien lu et je sais utiliser le mot littéral correctement. Ouais, jeux vidéos tout ça... Pixels aurait pu pourtant jouer de son prétexte totalement rocambolesque. Je propose donc ici deux pistes qui auraient pu donner au film le petit grain de folie qui en aurait fait plus qu'un blockbuster générique pas déplaisant :


1) Dans Pixels, le héros est une star du jeu d'arcade quand il est gosse, ce qui ne lui sert strictement à rien. Un jour, des aliens attaquent la planète en utilisant ces mêmes jeux, et qui plus est le président des USA est son meilleur ami d'enfance. Alors quand ce dernier dit au premier que cette attaque soudaine est peut-être le "grand destin" dont il lui a toujours parlé, NON ! C'est pas peut-être, c'est juste totalement démentielle, c'est une situation qui crache la gueule de la probabilité, tout en grattant des tickets de loto avec les ongles de pied et en gagnant 1 million par ticket. Mettre les personnages face à une telle absurdité et leur en faire prendre conscience aurait donné une profondeur au film.


2) Ok, Josh Gad est un nerd poisseux, un cliché qu'on pensait mort et enterré depuis la gloire de la nerd culture mais qu'Hollywood n'aime décidément toujours pas beaucoup, et il est amoureux d'un personnage de jeu vidéo  qui finit par devenir réel et par là-même, sa femme. Sauf qu'elle est une création extra-terrestre basée sur un personnage peu développé d'un jeu de 1982. Devient-elle son esclave sexuelle ? Développe-t-elle une personnalité ? Découvre-t-elle le féminisme ? Peut-elle tomber enceinte ?

mardi 21 juillet 2015

Daddy Cool : Comme un Homme

Question double pour ce mélodrame indépendant, qui raconte l'histoire d'un père maniaco-dépressif en 1977 qui doit élever ces deux jeunes filles seul à Boston tandis que sa "femme" (oui, sa santé mentale a quelque peu endommagé leur relation) est partie étudier à New York pour obtenir un travail digne de ce nom et sauver la famille : pourquoi sortir ce film maintenant ?


Pourquoi maintenant, c'est-à-dire en plein été ? Pour faire simple et être assez méchant avec un paquet de films - vous êtes prévenus bande de Groots -, Daddy Cool (ou Infinitely Polar Bear, le sublime titre original) a tout d'un film qui pourrait cartonner aux Oscars dans les catégories meilleur acteur/actrice, mais en mieux. Vous savez, les catégories qui sont trustées par les types qui jouent des biopics là, ou des gens en situation de handicap ou de maladie, ou les deux. Daddy Cool aurait tout pour plaire, si ce n'est qu'il est plus sincère. Il n'est pas larmoyant, il n'est pas facile, il est touchant car il déborde d'une sincérité jamais dégueulasse, toujours maîtrisée et c'est tout à l'honneur de la réalisatrice Maya Forbes.


La place de ce film, dans les salles en plein été, c'est-à-dire perdu entre explosions, super-héros et comédies grotesques (au sens neutre du mot, je précise, ne me mettez pas des mots dans la bouche que je n'ai pas dit, et puis c'est très malpoli je viens de me laver les dents), est absurde car il est littéralement invisible. Sans doute les études ont-elles prouvées que personne ne serait intéressé par un film sur un maniaco-dépressif qui n'est pas le protagoniste d'un biopic, et c'est en ce cas extrêmement navrant ; pour faire simple, c'est un peu comme on avait caché un bouquin d'Olivier Adam derrière une pile de Shonen dans une librairie... il ne risque pas d'avoir un grand succès. Et la place de ce film dans sa boite de production est tout aussi absurde, puisqu'il est produit par Bad Robot, la boite de JJ Abrams... à ses côtés, trois films de Star Trek, trois Mission Impossible, un Star Wars, et des thriller et films d'horreurs... vraiment, c'est à rien n'y piper de la papauté.


Et enfin, pourquoi maintenant, c'est-à-dire en 2015 ? Pourquoi projeter dans les cinémas l'histoire d'une famille de 1977, qui subit les conséquences des sixties et la réalité dure comme de l'adamantium non newtonien d'être une famille mixte il y a quarante ans ? Le retour à la réalité après les folies hippies, les années de l'amour, l'égalité entre les ethnies, l'égalité face à l'emploi ? Cette question est plus simple : parce que cette histoire trouve un nombre d'échos démentiel avec notre époque.

La deuxième qualité principale de ce film, après sa sincérité bouleversante transmise notamment par le jeu sans faute de Mark Ruffalo et Zoe Saldana, c'est sa richesse thématique. En 90 minutes, il n'a pas peur d'en dire beaucoup de bien le faire. Je ne veux pas faire long, parce que j'aimerais m'étendre sur un seul de ces aspects, mais on trouve dans ce film une réflexion sur la noblesse déchue, sur le rapport nostalgique au délicieux passé sous la forme d'images polaroids et de berceuses, sur nos rapports conflictuels aux maladies mentales, ces maladies invisibles qui par nature nous semblent toujours être de la comédie (la vérité, c'est que personne n'est si bon acteur.), sur le système éducatif américain... OUI VOILA CA FAIT BEAUCOUP. On est d'accord.


Mais ce dont ce film parle avant tout, c'est de masculinité. Le personnage de Mark Ruffalo est forcé par sa santé à devenir homme au foyer tandis que sa femme se prépare à devenir l'homme de la famille, le tout en 1977. Et cette situation, tout le monde le lui fait sentir, n'est pas normal ; lui-même se sent très vite inadéquat et sa dépression ainsi que ses crises deviennent alors associé à une recherche désespérée de la virilité qui sommeille en lui. Dès la première scène du film, lors d'une crise, il hurle en agrippant ses couilles, presque nu dans le froid du Massachusetts. Puis, lorsqu'il devient cuisinier/chauffeur/femme de ménage pour ses filles, il devient artiste et bricoleur. Il empile dans sa chambre les vélos et le cambouis comme pour se rattacher à une image, à un cliché - comme tous ces photos qu'il empile sur les tables de la maison - pour ne pas être écrasé par le poids de l'époque.

Maya Forbes a entièrement compris le lien qui existait, et qui existe bien sûr encore entre l'affirmation féministe et la redéfinition de la masculinité, car très vite cette première a su montrer que la seconde est tout aussi hors d'époque, insensée ; si Zoe Saldana, une femme noire en 1977, peut étudier et travailler dans une grande entreprise, un homme peut endosser le rôle de celui, habituel et désuet, de la mère. Dès lors la lutte de cette famille déchirée devient impossible, et déchirante : face à eux, l'intégralité de la société de Boston, qui n'est pas prête à accepter un tel changement. Aujourd'hui, quand ce film en plein cœur de la seconde vague féministe sort, lors de ce que beaucoup appellent la troisième vague féministe, il est certain que tous les esprits ne sont pas encore à la page.


Face à la pourriture rétrograde de leur monde, le microcosme familial de Daddy Cool ne peut se contenter que de petites victoires, mais à leurs yeux, elles sont merveilleuses, et le film l'est également.

vendredi 10 juillet 2015

Microbe et Gasoil, Les Minions : deux facettes du cinéma franco-américain

Un cinéma, deux salles, deux séances, deux expériences diamétralement opposées.

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Les Minions. Après avoir vampirisé les films de Moi, Moche et Méchant, c'est-à-dire après avoir été de très bons personnages secondaires dans le premier film puis vider le second de toute sa substantifique moelle en lui volant toute son intrigue pour lui préférer des gags enfantins (dont je ne critique pas la réussite indépendante), les américains d'Universal ont décidé de charger Pierre Coffin, co-réalisateur des deux opus précédents, et les équipes d'animation française, de faire un film uniquement sur les Minions. Ce à quoi je dirai tout d'abord : si leurs scènes sont si bonnes dans le deuxième film et qu'on ne demande qu'à les voir plus, c'est parce que l'intrigue principale est un caca de mammouth obèse. Après avoir eu un film pour enfants où on a le courage de montrer un papa élever des enfants seul, on nous fait toute une intrigue sur le fait que les petites filles ne seront pas réellement heureuses tant qu'elles n'auront pas de maman ? Et bah si c'est pas déprimant comme morale à la con ça. Mais passons.


Donc, les Minions, c'est toujours français mais sans le dire pour plaire au plus, et cela raconte la quête absurde de ces petits êtres jaunes qui depuis l'état de cellule tentent de servir le plus bad des méchants. Là un point sur la voix-off du début du film, qui fait très américain ; mais, vous faîtes pas confiance aux animateurs que vous employez ? Pire, vous prenez les enfants pour des abrutis ? Enlevez la voix-off on comprend vraiment tout ce qu'il se passe, parce qu'ils savent raconter une histoire là... mais bon au moins après ça s'arrête. Bon je ne vais pas en dire grand chose, personnellement je n'accroche pas. Je trouve les gags très enfantins et les références à 1968, l'année où se passe le film, un peu faciles malgré certaines qui m'ont plutôt séduites (la reprise de Hair en langage Minion par exemple), et voilà je sais pas, ça m'ennuie. Mais cela fera certainement un carton et éclatera Vice-Versa au box office français, parce que la vie c'est de la merde. Je me souviendrai cependant d'une séquence franchement tarée avec une famille pas habituelle en plein road trip, ça c'était vraiment drôle, et un point de scénario très bien trouvé qui implique la légende du Roi Arthur.

Et puis on quitte la salle pleine de mômes et d'adolescents morts de rire pour rejoindre une petite salle vide pour Microbe et Gasoil. Oui, le nouveau film de Michel Gondry, sans doute le réalisateur français le plus admiré outre-mer et méconnu et mal aimé dans son pays, se joue dans mon cinéma juste pour une seule personne. Surprenant ? Pas trop, mais vu l'échec commercial cuisant de son dernier film, l'excellente adaptation de L'Ecume des Jours de Boris Vian, on peut s'inquiéter quant à la suite de sa carrière... enfin, il pourra toujours retourner aux USA et pondre des merveilles en tout genre comme il l'a fait auparavant, là-bas au moins les studios semblent avoir envie de le vendre et le promouvoir... là son film est sorti mercredi, il a eu un trailer diffusé quelques jours la semaine dernière et aucune affiche dans le métro, franchement ça rend un peu triste des yeux.


Microbe et Gasoil, c'est l'histoire d'une amitié entre deux garçons un peu trop différents pour être bien dans leur peau au collège. L'un est timide, petit, efféminé et artiste, l'autre est intelligent, excentrique, et déjà classe (mais pas aux yeux de collégiens, qui sont les créatures les plus viles de la terre), et ensemble ils vont vivre de grande chose dans une France atemporelle. L'histoire se passe en 2014 mais tous deux sont déconnectés de la technologie moderne et préfère bricoler à l'ancienne (ça ne vous rappelle pas un certain Michel Gondry dans sa manière d'approcher le cinéma et la fabrique des rêves ça ? Si ? Ben, c'est normal, c'est fait exprès). Ils vont même - c'est un peu le propos du film - se fabriquer une voiture-maison et se barrer avec pendant les vacances d'été.

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Le film est drôle, absurde (le côté amateur des acteurs y jouent aussi beaucoup, ça Gondry semble beaucoup l'apprécier depuis son magnifique The We and The I, entièrement tourné avec des lycéens américains du Bronx), et surtout triste et touchant au final. Certains dont moi se reconnaîtront dans cette oeuvre et y verront leurs angoisses, leurs blessures passées qui ne passent jamais vraiment. Et ils y verront les moments de gloire, de beauté. Le plus troublant est sans doute la manière dont tout le monde semble ignorer volontairement la souffrance des autres, que ce soit les enfants, ou les adultes (mention spéciale au dentiste...). Le tout est magnifié par les dix dernières minutes du film, qui sont à la fois sont originales par leur utilisation Communityesque du montage cinéma en y ajoutant un côté rationnel (pour être plus clair : le film utilise les coupes pour symboliser l'état de santé d'un personnage), et par le moment et la manière dont le rideau tombe. Une idée de regret, un souvenir de grandeur, un mélange amer. Microbe et Gasoil est un grand film, très évidemment personnel (dans le sens d'autobiographique mais sans le côté... autobiographique) et Gondry est beau, point final.

jeudi 9 juillet 2015

Les Profs 2 : La méthode actionnelle des Robin des Bois

Il y a quelques semaines, beaucoup s'offusquaient du fait que Les Profs 2 faisait le meilleur démarrage en salles françaises depuis 2008 (c'était quoi à ce moment-là ? Avatar ? Je sais pas). Pourquoi donc s'offusquer ? Le premier film avait rencontré un succès public gigantesque, et les critiques, mêmes celles qui aiment les films du genre BIS (oh hi movie, fuck you movie) lui avaient craché à la face, ce que je vais tenter d'expliquer ici.


Mais qui a vu les Profs ? Et qui a vu les Profs 2 ? Moi. Et j'ai trouvé les deux films extrêmement amusants, et je n'ai pas honte de le dire. La preuve, je le dis sur un blog très sérieux et je n'ai pas peur de me décrédibiliser aux yeux de tous en disant cela. Les Profs sont deux films drôles et divertissants et qui ne rentrent pas dans le carcan des comédies françaises beauf de TF1 et compagnie. Pourtant, c'est bien eux qui produisent les deux films, donc comment se fait-ce ? Et bien parce que le scénariste et réalisateur, c'est Pierre-François Martin Laval. Voilà pourquoi j'ai vu ces films, parce qu'un génie de la troupe des Robin des Bois, qui joue également le prof d'histoire obsédé par Napoléon, se cache derrière ces films. Et ça, mesdames messieurs et le petit labrador qui court là-bas hé oh mais me vole pas mon goûter sale petit poilu de mes deux, ça change tout.


Le deuxième film des Profs envoie toute l'équipe de bras cassés dans le meilleur lycée anglais, pour réussir à remettre la petite fille cachée de la Reine sur le droit chemin. Là je saute les étapes mais quand même il faut que je parle du fait qu'à un moment des élèves courent avec des balais à la main dans le jardin de l'école, et qu'un des personnages principaux du film est Drago Malloy - pardon Malfoy. Non mais sans déconner, un petit blond qui fait des blagues nulles et a deux boloss qui le suivent partout, et qui n'a de cesse de dire "ha quand mon papa apprendra ça ce prof sera renvoyé !", c'est juste Drago Malfoy, et ça c'est merveilleux. Mais revenons à nos moutons. Enfin, à nos profs quoi, t'emballe pas Alfred Jarry. Donc, comme le premier, le film est à deux vitesses ; on a d'une part les gags lourds et chiants qui font très production TF1 bien sexiste comme il faut (la petite amoureuse de Boulard, qui est une gag parce qu'elle est laide, la prof de français sexy qui rend fous les petits anglais puceaux, le prof de maths qui symbolise les profs selon la droite réac...), qui heureusement ne sont pas majoritaires, et à côté on a l'Eden comique, l'humour absurde.


Humour absurde qui fonctionne encore mieux dans cette suite et ce pour trois raisons.
1. Elle va encore plus loin. Un élève congelé par de l'azote liquide qui perd un bras, une histoire de kidnapping de chat, une guerre à la craie... le film n'a aucune limite et c'est franchement tordant.
2. L'humour absurde est bien plus anglais que français, et le cadre lui donne donc une légitimité nouvelle, et qui peut expliquer en partie son accueil critique tiède voire froid sa mère en France.
3. Puisque le film est plus centré sur Boulard et la petite fille de la reine que sur les profs, il devient un peu teen movie, qui comme nous l'avons vu dans une chronique passée, est le terrain idéal pour un mélange des genres et une stylisation extrême. Parce que dans la vie d'un ado, tout est extrême ! Ouais.

Enfin, je n'oublie pas que moi-même, à mes heures perdues, j'enseigne un petit peu pour l'Education Nationale, et force est de constater que la "méthode française" qui sert de résolution dans l'histoire pour intéresser les décrocheurs à l'école, c'est ni plus ni moins la méthode actionnelle. Elle repose sur la mise en situation permanente, les jeux de rôles et le ludisme pour des raisons d'efficacité et de tentative pour capter l'attention des moins emballés. Bon, ça fonctionne mieux dans le film qu'en vrai, mais ça c'est pas trop surprenant, c'est un film, mais tout de même cela reste intéressant à remarquer.


Je comprends que l'on ne puisse pas aimer ces films, mais je ne supporte pas qu'on les attaque sans considérer au moins leur originalité. Le film mérite-t-il de faire le meilleur départ au ciné depuis 2008 ? Bien sûr que non mais je ne m'attends pas non plus à ce que Taxi Téhéran fasse péter le box office, faut pas se leurrer...

mardi 7 juillet 2015

Victoria : 2h14, zéro coupes.

Un jour, le réalisateur allemand Sebastien Schipper s'est réveillé en se disant qu'il en avait marre de se tourner les pouces. Il a voulu se sentir jeune, prendre des risques, faire un film qui lui fasse s'arracher les cheveux et qui serait un véritable défi en termes de réalisation. Alors il a tourné un film en un seul plan de 2h14, sans trucages, dans les rues de Berlin. Avec une dizaine de lieux de tournages, des passages en voitures, et certains passages plus ou moins spectaculaires (no spoiler). Victoria, c'est une jeune femme espagnole qui fait la fête dans Berlin, et qui est surtout très seule. Elle rencontre une bande de Berlinois excentriques et sympathiques, et tout un tas de trucs se passe.


Ce qu'il y a de particulier, avec les plans-séquences, c'est qu'ils sont par nature extrêmement contrôlés, millimétrés. On peut même les truquer maintenant, avec plus ou moins de réussite (le directeur de la photo de Children of Men, Gravity et Birdman est un peu le boss de fin de ce genre de délires), mais quand on est un gros malade comme Paul Thomas Andersen, Quentin Tarantino, Brian de Palma, et donc Sebastien Schipper, on fait ça comme ça. Mais ce qui différencie encore Victoria de ces autres réalisateurs, qui font du plan séquence une prouesse technique mais en plus une beauté esthétique calculée, c'est que là c'est le bordel total des glandus du pique-nique ! Caméra épaule qui suit des acteurs en semi-impro (oui parce que, hahaha, script de 15 pages avec moments-clés et le reste en impro, BIG LOL COMME SI C'ETAIT PAS DEJA ASSEZ COMPLIQUE), du coup c'est le foutoir, le focus est souvent en rade et on ne sait où regarder. Merveilleux ou prise de tête ?


Mais qu'importe, qu'importe car au delà du simple défi technique, qui est réussi et prenant, le film du coup se pose en contresens délicieux sur son approche du temps. Au cinéma, le temps est toujours une illusion, quoi que l'on fasse. La vidéo capture par fragments (24, 25, 30 fragments) des moments de fiction ou de vérité, puis le montage lui aussi ajoute son grain de sel quant à la quantification du temps. Et puis il y a le plan séquence, qui donc simule l'écoulement au plus près, mais c'est qu'il est d'autant plus trompeur dans Victoria.


En effet, les événements du film sont absurdes en 2h14. On voit plus le tout se dérouler sur une dizaine d'heure, ce qui veut dire que malgré l'apparente continuité le temps se contracte et se dilate, souvent à l'aide de la musique qui vient perturber les secondes qui passent et les muer en minutes, parfois en heures. Alors, qu'est-ce que cela veut dire ? Peut-être que c'est Victoria qui raconte le souvenir de cette nuit folle, d'une traite mais de manière condensée au rythme des danses de la mémoire. Dans tous les cas, ce qui compte, c'est que Victoria est un tour de force et assez intelligent pour nous faire réfléchir sur le temps au cinéma, même un tout petit peu, et ça, c'est inestimable.

Love & Mercy : Le son des souvenirs

L'an dernier au même moment on avait droit au biopic sur les Jersey Boys, par Clint Eastwood. Cette fois, c'est au tour de la face cachée de Brian Wilson de se révéler, lui-même face cachée du un ptit peu célèbre groupe des Beach Boys.


Qu'invente donc le film pour rendre original le genre le plus chiant qui soit ? Oui, je sais, mais j'ai jamais dit que j'étais objectif et ça je l'ai déjà dit aussi les biopic ça me fait suer des sangliers, même si ça veut rien dire. Et bien, Love & Mercy est plutôt malin, plutôt futé plutôt rusé. Il se concentre sur deux périodes ; l'enregistrement de Pet Sounds d'une part, et l'époque où Brian était exploité par un psychiatre cupide qui allait certainement le tuer à coups de médocs dans la trachée. Le jeune, c'est Paul Dano, et il est brillant, comme toujours. Vous avez déjà vu Paul Dano médiocre dans un rôle ? Même dans Ruby, ce film tout pourrave, il est resplendissant. Le vieux c'est John Cusack, et il est brillant comme toujours. Vous avez déjà vu John Cusack médiore dans un rôle ? Hmmmm oui, dans Hot Tub Time Machine mais là n'est pas le sujet mécréant de vomi !


L'intelligence de cette juxtaposition réside dans ce qui fait le lien ; plutôt que de produire une simple connexion par les images, et les thèmes, c'est la musique qui voyage dans le temps, ici et là. En fait, étant donné que je ne suis pas un vampire j'ai bien réfléchi et j'ai décidé que le film était encore plus intéressant sans l'image. Comme le dit Paul Dano à un moment du film, si l'on ferme les yeux nos sens sont plus aiguisés. Cela permet ainsi d'admirer la partie la plus riche du film, le travail sonore sur les voix qu'entend Brian Wilson, la musique, sa surdité partielle, et de s'interroger sur le son comme fondateur d'une continuité au sein du désordre du montage. C'est ainsi que la séquence la plus intéressante du film naît autour d'une chanson sur la fin, et d'un montage inhabituel dans ce genre de film.

Je crois que ce que j'essaie de dire, c'est que moins le biopic ressemble à un biopic, mieux il se porte.

jeudi 2 juillet 2015

Terminator Genysis : Pire que la Pub sur Sam, le conducteur qui ne boit pas.

Non.
Non.


C'est quoi cette daube putain ? On continue l'année nostalgie avec le retour de Terminator ET le retour de Schwarzie qui reprend son rôle le plus connu, bien des années après. Mais c'est pas grave parce que les T-800 sont faits avec des tissus humains donc ils vieillissent naturellement comme nous, c'est raccord. Explication à la con, ça devrait être le vrai titre du film, puisqu'on passe deux heures à voir des personnages sans aucune substance (mais qui à eu l'idée de faire de Kyle Reese le personnage central du film ? Ils ont vu le premier Terminator ? Il est TROP CHIANT KYLE REESE MAIS VOUS ETIEZ OU EN TRAIN DE VOUS ACHETER DES BONBONS A LA PRUNE??) nous expliquer les complexités du voyage dans le temps... seulement voilà, on s'en flanche la babine de tout ça, surtout que c'est totalement incohérent et que ça mélange paradoxe temporel et conneries temporelles du coup ça n'a ni queue ni tête.


Terminator Genysis propose ici aux fans de la saga d'oublier l'existence des troisième et quatrièmes volets, puis de faire une sorte d'hommage aux deux premiers. Comment expliquer cet hommage hmm... disons qu'en gros les producteurs ont pris les films de Cameron, leur ont fait caca dessus, et après ils ont collés des dessins moches de leurs scènes favorites sur le caca. Je ne vois pas comment le dire autrement. Film d'action banal et générique, gros mec musclé qui séduit la nana sans qu'ils n'aient jamais aucune alchimie, retournements de situations gros comme des maisons de star de basket NBA... mais allez au milieu de tout ça on va caster un type qui va imiter Robert Patrick, et faire des références aux deux premiers films, comme dans Jurassic World mais sans le côté enfantin et émouvant que ça pouvait avoir.


Les deux premiers Terminator de Cameron, et surtout le deuxième, ça n'était pas simplement d'excellents films d'action, c'était des films qui ont nourri de véritables réflexions parce qu'ils avaient une profondeur indéniable. A l'image, on voyait la terreur, l'isolation, le sentiment de ne pas pouvoir vivre normalement et de ne jamais pouvoir lâcher prise car la moindre erreur pourrait anéantir l'espèce humaine. Et puis autour de ça, on assistait à la déshumanisation de Sarah Connor tandis que nous spectateurs projetions nos émotions sur le T-800... Terminator, c'était beau ! C'était pas un film de bourrin sur le voyage dans le temps, c'était aussi un film sur le déterminisme et l'existentialisme ! Bon, et c'était aussi un film de gros bourrin avec du voyage dans le temps, et une sacré dose d'humour qui montrait bien qu'ils avaient conscience du côté totalement loufoque de leur histoire. Là, dans Genysis, tout le monde se prend bien trop au sérieux, (sauf Arnold, qui est SANS DECONNER la seule qualité du film, il est même délicieux en T-800 franchement, et les effets utilisés pour les "jeunes" T-800 soit dit en passant sont assez bien réussis et ils ont eu l'intelligence de profiter de l'obscurité pour dissimuler les imperfections), à commencer par cette putain de voix off qui ouvre et ferme le film, sans parler de cette pseudo réflexion jamais creusée sur le monde de 2017 et l'omniprésence de la technologie...


Car il y a des bonnes idées cachées dans le film, elles ne sont simplement pas utilisées. Aller en 2017 et découvrir que Skynet a déjà gagné, mais d'une autre manière, pas par la guerre façon années 80 mais par la guerre façon 21ème siècle, c'est-à-dire grâce à l'information et la désinformation et le contrôle de toutes les informations informatiques du monde ? Utiliser le fait que la naissance de John Connor soit plus un mal qu'un bien et faire de l'histoire entre Kyle et Sarah une histoire tragique, menant à un interdit inviolable, ou à un sacrifice déchirant ? Naaaan des scènes de bastons débiles et moches c'est mieux. Ouais ben Terminator, il serait temps que ça se termine. Cette blague est nulle ? Oui mais... oui. J'ai rien à répondre à cela. A part que ce film dispose de Matt Smith et qu'il apparaît environ 1 minute 12 l'écran, ce qui correspond ni plus ni moins à un crime cinématographique.


Un critique l'a dit mieux que moi : "Arnold est vieux, le film est obsolète".