mardi 19 avril 2016

Les Malheurs de Sophie : Christophe Honoré fait la bombe

Une amie l'a dit bien mieux que je ne saurais le faire : "il y a ceux qui ont grandi en lisant Les Petites Filles Modèles, et les autres".


Ce que cela veut dire, c'est que nombreux sont les enfants qui ont grandi et appris à lire avec la Comtesse de Ségur, et tout particulièrement avec sa trilogie narrant, justement, Les Malheurs de Sophie. Bon, il faut aussi être honnête : nous sommes aussi beaucoup à avoir vu le dessin animé qui passait pendant les grandes vacances, mais on accède à la culture comme on le peut, hein. Ce qui compte, c'est que ces livres et leur morale - aussi casse-gueule et rétrograde qu'elle puisse être parfois, notamment dans ses penchants catholiques - ont une importance considérable pour beaucoup.


 Alors forcément, quand une adaptation filmique est annoncée, il y a de quoi prendre peur. Certes ce sont des livres pour enfants, mais est-ce que l'on peut imaginer cette oeuvre adaptée actuellement, pour les enfants au cinéma ? Parce que, on l'oublie assez aisément, ce sont des histoires affreuses ! Sophie, qui selon ses dires est inspirée de la Comtesse elle-même, est une petite fille indéniablement horrible au début de l'histoire. Elle a tout ce que les enfants ont de cruel en elle.


Donc, c'est risqué. Mais c'est un pari à prendre, et Christophe Honoré, car c'est lui qui réalise et a écrit le film, les paris, il leur tord le cou façon warrior. Héritier bâtard de la Nouvelle Vague et de Jacques Demy, Christophe Honoré n'a jamais tourné avec des enfants avant mais il a toujours raconté le monde de manière enfantine, avec des mots qui sonnent si plein de couleurs qu'ils révèlent la noirceur du monde avec mélancolie. Que l'on soit donc clair comme de l'eau de caillou : le film, c'est les Malheurs de Sophie, de Christophe Honoré. En bon auteur, il s'est totalement approprié le personnage et l'univers pour le réarranger à sa sauce (Honoré, c't un peu le Zack Snyder français du coup, il adapte le Comtesse de Ségur Universe selon SA vision). C'est-à-dire en y mélangeant allègrement deux éléments : la cruauté des livres, et la légèreté de l'enfance. A son contact, Sophie devient dotée d'une curiosité et d'une insouciance touchantes ; même Madeleine, Camille, Marguerite et Paul dans cette version se comportent plus comme des enfants que comme des poupées de cire, qui feraient toujours bien attention de ne pas rester au soleil.
(Et d'ailleurs, il faut que je le mentionne quelque part : Sophie devient aussi métisse ici. Christophe Honoré prouve ainsi que même dans un film d'époque, on peut donner des rôles à d'autres comédiens que des blancs, et ça c'est quand même putain de rafraîchissant et d'encourageant. Parce que faut quand même le dire aussi : la maman de Sophie, Mme de Réant, qui est donc interprétée par Golshifteh Faharani, est époustouflante et bouleversante dans le film. Donc, prends-toi ça dans les dents, racisme subversif !)


Cela permet de donner un fond de joie à une histoire absolument terriblement dramatiquement et d'autres adverbes en ment triste. C'est super, méga, giga, hyper, ultra, triste cette histoire, et ceux qui ont lu les livres le savent mais ne s'en souviennent sans doute pas. C'est pourquoi lorsque Christophe Honoré permet à tous ses enfants de jouer, rire, hurler, faire les pitre et les clowns et les saltimbanques, son film respire et nous aussi. De par son originalité notamment dans sa structure, il est probable que Les Malheurs de Sophie ne séduira pas tous les publics, mais ce qui est certain, c'est qu'il ne laissera personne indifférent. Il fait ressentir des choses, de la boule au ventre, aux larmes, aux éclats de rire scintillants. Et c'est en partie grâce à l'éternel compatriote, camarade et amant filmique de Christophe Honoré, le compositeur Alex Beaupain qui signe une partition d'une richesse picsoutienne (adjectif basé sur le mot Picsou, quoi ça vous pose un problème), avec notamment une chanson qui m'est restée dans la tête pendant plusieurs jours.



Les éclats de rire, justement, arrivent assez tard dans le film ; et c'est bien normal, car ils sont déclenchés par Madame de Fichini, interprétée par Muriel Robin, qui nous a aussi bien faire rire avant la séance d'avant-première, en se moquant du fait que le public était majoritairement composé d'adultes et en demandant à une fille de 35 ans où étaient ses parents. Franchement, comment je peux dire ça autrement : elle était incroyable ! Vraiment, vraiment, vraiment affreuse et tellement choquante que terriblement drôle. Les réactions de la salle étaient tout à fait révélatrices.


Les Malheurs de Sophie est un film qui se voit en famille, ou avec ses proches ; avec des personnes qui comprennent l'attachement à ces histoires, ou à Christophe Honoré. Avec des ami-e-s qui sont conscient-e-s de la tristesse du monde, et de la beauté de l'enfance. Et je suis heureux d'avoir pu le voir de cette manière ; il apporte ainsi une belle conclusion à une histoire très personnelle, qui aura commencé un vendredi soir dans mon appartement, sous le secret d'un dossier MK2. Je le recommande plus que chaudement, je le recommande donc... incendiairement ?


Et puis s'il y a des gens parmi vous, lecteurs-ices fidèles et intrépides (coucou), qui sont des fans intenses de Paul, sachez que ce cher Paul a droit à deux séquences mémorables, dont une qui restera sans aucun doute mon moment cinéma préféré de l'année 2016. Et je pèse mes mots. Et ils ne sont pas très lourds, vu qu'ils ne sont que numériques, en fait.

dimanche 17 avril 2016

Le Livre de la Jungle : Limitations de l'imitation

Un petit humain nommé Mowgli a grandi dans la jungle élevé par les loups. Mais l'équilibre des espèces est menacé lorsque le terrible tigre Shere Khan s'en mêle ; Mowgli pourra-t-il continuer à vivre dans la jungle, ou bien devra-t-il retrouver le monde de ses semblables ?

Avec Neel Sethi, Bill Murray, Ben Kingsley, Idris Elba, Lupita Nyong'O, Scarlet Johansson et Christopher Walken.
Un film de John Favreau.



Un an après Cendrillon, Disney poursuit sa quête toujours bizarre mais acharnée de refaire ses classiques d'animation en film live. Et on peut continuer à se demander pourquoi un tel sacrilège, nous enfants qui avons appris à marcher en regardant Mowgli se prendre pour un éléphant, mais voilà, il faut voir les choses en face : les gens de Disney savent exactement ce qu'ils font. Ils l'ont prouvé avec le Cendrillon de Kenneth Branagh qui était tout bonnement excellent, et ils le prouvent une nouvelle fois avec Le Livre de la Jungle.

Non pas que tout soit réussi, attention. Mais ils ont compris quelque chose d'essentiel : cela ne sert à rien de refaire le dessin animé tel quel. L'histoire de Mowgli est riche, sa morale... plus que complexe (Kipling et le fardeau de l'homme blanc, tout ça...), et s'inspirer de sa trame d'origine pour en faire une oeuvre différente, voilà qui serait fascinant.


Du coup, Favreau et son équipe ont décidé d'en faire une fresque épique, riche en décors hauts en couleurs et en animaux majestueux - des loups claniques aux éléphants semi-divinisés -, sur un conflit à la limite du shakespearien entre un tigre dominateur sa mère, et un enfant perdu dans les méandres sinueux et sournois de sa quête existentielle. Le film fonctionne dès qu'il entre dans cette représentation épique, et John Favreau n'a jamais été aussi expressif en matière de représentation de l'héroïsme. Un comble pour un type qui a fait les deux premiers Iron Man ! Voir Mowgli courir partout dans la jungle, escalader des arbres façon Tarzan miniature, voir les animaux s'affronter comme des titans (Baloo vs Shere Khan les gars, c'est un peu démentiel à quel point ça défonce), jusqu'au face à face final, au cœur du brasier, à la David contre Goliath. Le tout est porté par une musique très riche et expressive de John Debney, que les grands connaisseurs reconnaîtront comme... le compositeur de la musique du manoir hanté du parc Disneyland Paris. Oui, j'ai dit grands connaisseurs.
Ce que j'ai préféré personnellement dans le film, c'est la représentation des humains tels que les voit Mowgli : ce ne sont que des silhouettes éclairées par le feu. En utilisant une imagerie immédiatement réminiscente de la caverne de Platon, Favreau nous montre la distance qui existe entre leur monde et celui d'un petit homme qui n'en a que le nom.


Donc tout ça, c'est génial, mais. Car il y a un mais, et même deux maintenant si vous savez compter. Le film ne fonctionne pas dans sa totalité, et c'est précisément parce qu'il tente aussi de faire des clins d’œils plus ou moins appuyés au dessin animé d'origine. Très mauvaise idée ! Parce que tout simplement, ils ne s'accordent pas du tout avec l'angle d'approche du film. Ainsi, toute la séquence avec Baloo ressemble plus à un cheveu dans la soupe de miel, tout comme la chanson du roi des singes, qui ici aussi paraît très étrange. C'est aussi dans ces moments que Favreau tente d'installer la morale du film... qui est super méga casse gueule. Les humains sont mieux que les animaux parce qu'ils savent inventer des outils ? Il ne faut pas vivre ailleurs qu'avec ses semblables ? Le fil rouge de la structure morale, essentielle dans tout film pour enfants, n'est pas clair.


Et ça, j'ai envie de dire tant mieux : car au final, dans cette version du Livre de la Jungle, on a l'impression que toutes les tentatives de morales contradictoires sont anéanties par l'affrontement final. C'est-à-dire que toutes les réflexions s'effondrent face à la nécessité de survie... ce qui fait des vingt dernières minutes du film une sorte de remake de Predator mais pour les enfants.

Il est clair que cette version ne plaira pas à tout le monde ; les clins d'oeils ne seront pas assez pour des puristes, l'angle d'approche épique et primal sera trop pour d'autres... mais dans sa tentative de ne pas imiter pour innover, Favreau construit une oeuvre qui a quelque chose de fascinant, et également son film le plus intéressant à ce jour.


samedi 16 avril 2016

Desierto : Gravity mais à la frontière americano-mexicaine.

Un groupe d'immigrés clandestins tentent de pénétrer sur le sol américain en traversant un désert. C'est sans compter sur un patrouilleur et son chien qui sont prêts à tout pour les empêcher de rejoindre le "pays des braves et des hommes libres".

Avec Gael Garcia Bernal, et Jeffrey Dean Morgan.


Quand je vivais aux USA, il y avait sur les milliards de chaînes de télévision disponibles une émission de télé réalité sur des gros malades qui vivent à la frontière mexicaine, et qui avec leur 4x4, leurs chiens, leurs fusils et leurs chapeaux de cow-boy, passaient tous leur temps libre à "protéger le pays". C'est-à-dire, chasser les clandestins qui fuient leur pays en galère pour venir galérer dans un lieu riche en mirages.


Si cette émission les présentaient en héros - rien qu'en l'écrivant j'ai l'impression de me vomir dans la bouche -, bébé Cuaron (que l'on connaît pour avoir co-scénarisé Gravity avec son papa Alfonso) a décidé de faire l'inverse. Desierto est donc une sorte de film d'horreur/western post-moderne ou un psychopathe (évidemment joué par Jeffrey Dean Morgan, aka Negan dans The Walking Dead) pourchasse et massacre des mexicains.


La dimension politique est évidente, mais pas forcément très appuyé ; elle est intelligemment toujours présente mais jamais mise en avant, comme dans tout bon film de genre au final. En d'autres termes : sans jamais être directement le sujet de l'action, on ne peut s'empêcher de la garder en tête de la première minute à la dernière.


Ce qui prime donc, c'est l'action ; et à ce sujet, Desierto est l'équivalent de Gravity. Tout ce dont on parle, c'est de survie en milieu hostile. Le désert et Jeffrey Dean Morgan sont l'équivalent de l'espace dans Gravity, pourchassant sans relâche les héros. C'est ultra violent, stressant et choquant, et jamais apologétique. La dernière demi-heure est outrageusement primale et finit par ressembler au final de Predator, ou à une forme de western postmoderne. Enfin, les derniers instants du film ont l'intelligence de nous montrer le véritable personnage principal : le désert. Et là je remarque qu'en disant cela je tombe dans le cliché de la critique de film indé qui se veut intelligente, mais voilà, j'en ai rien à branler de vos pastèques, parce que c'est vrai et na. Le désert est dans le titre et à l'image, il ne fait qu'envahir de son espace et n'est jamais accueillant. Au fond, le personnage de Jeffrey Dean Morgan n'est qu'une incarnation du désert, comme si ce dernier l'avait invoqué façon manga bien débile.


Bon le film a quelques défauts : le gentil est un peu trop parfait (on insiste biieeeen dessus franchement, c'est quelque peu agaçant), et surtout le méchant est bien trop fort au début du film. Du coup dès qu'il commence à faire des erreurs et à rater un tir par exemple sur le héros, ça n'est pas super crédible. C'est dommage qu'ils n'aient pas réussi à conserver une tension exemplaire sans tricher un peu sur les règles établies par le film, mais bon. Cela reste un bon film de genre assez original. Et puis surtout point intéressant : on peut constater une  volonté d'étude du spectacle quasi muet dans le cinéma latino de ces dernières années : entre Cuaron père et fils et Inarritu, pourrait-on parler d'un mouvement ?

dimanche 10 avril 2016

Demolition : L'Etranger.

Un jeune homme d'affaires tente de comprendre pourquoi la mort tragique et accidentelle de sa femme ne semble pas l'attrister. Dans le plus grand des calmes, il démolit sa vie morceau par morceau.


Beaucoup de films sont sortis cette semaine, mais je ne savais pas trop quoi écrire au sujet d'une grande majorité d'entre eux.
Mais il fallait quand même que je prenne le temps de poser quelques paragraphes au sujet de Demolition, le nouveau film du réalisateur québécois Jean-Marc Vallée, connu pour Dallas Buyers Club, Wild et bien sûr C.R.A.Z.Y. Pas beaucoup, mais quelques uns. Parce que voilà, j'ai adoré ce film qui n'a pas reçu un accueil critique ou public très chaleureux, et ce sont deux choses que je peux comprendre, oui oui oui. Mais tout de même ! 


Pourquoi est-ce que ce que ce film ne plaira pas à tout le monde ? Parce que, vous l'aurez compris, Demolition est très franchement mélo ; il oscille dangereusement sur un fil d'équilibriste de sa première à sa dernière minute, et il en revient au spectateur de parvenir à le suivre sans tomber dans les écueils qui l'entourent, tels des volcans plein de la lave en fusion. Ben oui quoi, un film sur le deuil, sur un accident tragique, sur des vies brisées, on est facilement dans le téléfilm qui sent le moisi façon fromage oublié dans un frigo débranché pendant quatre mois.


Et pourtant, je suis parvenu à garder le fil, à ne pas perdre pied ; c'est d'abord grâce au talent de conteur visuel de Jean-Marc Vallée, qui est toujours très narratif à l'image plutôt que dans la parlote. Les inserts permettent de suggérer et d'insuffler une émotion sans lourdeur. C'est ensuite par la performance de Jake Gyllenhaal, qui confirme encore et toujours son statut actuel de "acteur favori de Renaud". Cet homme est un monstre, il peut tout faire et est absolument captivant. Son interprétation est si juste que ses actions en deviennent franchement drôles : c'est-à-dire que son pétage de plomb progressif, qui se fait dans un calme à faire passer Doc Gynéco pour un lapin qui a bu douze tasses de café, paraît tellement vrai qu'il en devient jubilatoire. Il n'y a rien de plus drôle que l'humanisme mes choux, et du coup bah, on se fend la poire, d'un rire gorgé d'empathie. Je ne veux pas trop spoiler, mais la quasi totalité des meilleures scènes du film sont des interactions entre le personnage de Jake et un adolescent sexuellement confus, notamment une séquence qui inclut des armes à feu et un gilet pare-balles.

Et au final, Demolition parlera le plus à ceux qui se reconnaîtront dans le personnage. Dans ses difficultés à comprendre ses sentiments, dans son détachement face au réel, je n'ai pu m'empêcher de voir beaucoup de mes propres facettes, et troubles personnels, dans le héros. Mais si vous êtes à peu près sain d'esprit, ouais, je ne suis pas sûr que ce film soit pour vous. En résumé : Demolition, un film pour les démolis.

samedi 9 avril 2016

Gods of Egypt : Les Racistes du Zodiaque

Il fut un temps où le nom d'Alex Proyas pouvait faire frémir l'amateur de cinéma de genre ; une époque révolue où la simple mention d'un The Crow ou de Dark City pouvait faire briller les yeux des mortels.


Tout cela paraît bien loin en 2016, lorsqu'Alex Proyas sort Gods of Egypt, film assassiné par la critique et la société qui y voit à la fois un mauvais film et un exemple idéalement anachronique de whitewashing. Et ni l'un ni l'autre n'ont tort, hélas.


Gods of Egypt s'inspire de la mythologie égyptienne complexe et fascinante pour construire une histoire compliquée et barbante : les Dieux sont grands et forts, et ils dominent les hommes. Osiris, fils de Râ et père de Horus, se fait assassiner par son frère Seth qui prend le pouvoir sur le disque-monde. Oui parce que dans cette histoire, le monde entier est un disque dont une face représente le royaume des vivants, et l'autre le royaume des morts. Horus crée une alliance avec un humain (sacrilège ! Un humain, c'est si inférieur et naze !) pour reconquérir le monde et le libérer du joug de son frère.


Le film est moche, mal dosé, chiant comme un rat prof d'éco, prévisible et sans surprises pour 95% de son contenu. Gerard Butler en fait trop en Seth mais en même temps ce mec est tellement toujours intense que je paierais juste le voir commander un Big Mac, Brendan Thwaites est insipide, Elodie Yung (Elektra) est correcte en déesse de l'amour, Nikolaj Coster-Waldau est lourd, tous les autres presque sans exception n'ont aucun intérêt. Le pire de tout étant Chadwick Boseman qui joue Thoth le dieu du savoir, qui a été dirigé à la perfection si le but était de me faire pisser du sang par les oreilles.


En plus, le whitewashing fait vraiment mal aux yeux. Certes c'est un film de fiction, c'est une fantaisie en long en large et en travers, mais tous les figurants sont très variés dans leur physique. Les personnages principaux ne le sont pas, et c'est juste franchement super dommage. C'est vraiment gênant de voir un Danois blanc comme un cul danois être célébré par la population pauvre (pour ne pas dire esclave carrément) égyptienne quand eux sont basanés quoi. Et puis... Alex Proyas est égyptien. Et blanc. C'est quand même intéressant ça comme phénomène.


Mais j'ai bien dit 95%, parce qu'au final, sous des couches de caca de classicisme bidon, il se cache un film de qualité. C'est là qu'il y a de quoi être frustré, parce que beaucoup d'éléments sont captivants : les démons qui assaillent la déesse de l'amour, les serpents géants, la lutte perpétuelle de Râ contre le monstre qui veut dévorer le monde... En fait Gods of Egypt par moments ressemble aux Chevaliers de Zodiaque. On a même une princesse qui se prend une flèche en plein coeur, et le chemin des morts comme dans l'anime!

Malheureusement, toutes ses qualités indéniables n'apparaissent que sous les décombres gigantesques d'un cinéma démodé, aussi vieux et calciné que la mythologie qu'il mutile et colonise au fer blanc. Reviens Alex Proyas, s'il te plait. Reviens.

dimanche 3 avril 2016

Rosalie Blum : Suivre une fille dans la rue, c'est mignon

Non, dans la vraie vie, c'est pas super mignon du tout. C'est même supra flippant. D'ailleurs, si vous avez l'intention ce soir de vous faire une petite escapade et suivre quelqu'un dans la rue, suivez ce conseil : ne le faîtes pas. Ne le faîtes jamais.


Et pourtant, c'est là en grande partie le propos de Rosalie Blum, un film adapté d'une série de bande dessinée française. Et en grande partie sa réussite.

Rosalie Blum, c'est l'histoire d'un loser coiffeur sacrément complexé d'Oedipe, qui un jour s'intéresse à une femme qu'il ne connaît pas. Il ne sait pas pourquoi, mais il se met à l'observer, à la suivre partout et découvrir sa vie, de loin. Il la suit dans un bar, et découvre une chanson de Belle and Sebastian. Il la suit dans un cinéma, et découvre un film d'horreur japonais.


On est très loin d'une histoire de stalkage flippante et glauque à la Brian de Palma, ou à la David Lynch. Notre cher coiffeur, interprété avec brio par Kyan Khojandi, n'a aucune intention mauvaise vis à vis de Rosalie Blum. En fait, il n'a aucune intention vis à vis d'elle... il s'ennuyait voilà tout. On est donc aussi loin de James Stewart et de sa mystérieuse blonde dans Vertigo... sauf dans un élément, que je ne divulguerai pas ici.


Le film ne s'arrête pas à ça, et ne connaissant pas la bande dessiné je n'étais pas préparé à certains retournements, qui m'ont je dois l'avouer, fort enchanté sa mémé. Au final, on parle de personnes brisées, des laissées (accord de majorité féminine) pour compte, des affaiblies. Qui se rencontrent, avec originalité et douceur... maladroitement certes. Mais comment peuvent-ils se rencontrer et apprendre à s'aimer autrement ? Les personnes brisées sont souvent maladroites. On leur pardonne.


Rosalie Blum est un beau film. Peut-être pas génial d'un point de vue esthétique et avec quelques faux pas (la voix off par moment), mais c'est un beau film.

samedi 2 avril 2016

Un Monstre à Mille Têtes : Les yeux dans les yeux... des autres.

Une femme désespérée, accompagnée de son fils dépassé, tente de forcer sa compagnie d'assurance à payer le traitement de son mari, gravement malade. Son désespoir mène à la violence...


Voilà ce qu'il se passe lorsque l'on va voir un film en n'en connaissant que le titre (méchamment cool, avouons-nous les choses en face sans langue de bois), et son affiche. On tombe sur un truc indé mexicain assez frappé, une tragédie qui mérite son nom tant l'épée de Damoclès passe loooongtemps au dessus de l'héroïne. Et si je vous parle du titre, ce n'est pas anodin : celui-ci a une importance capitale dans notre interprétation du film en tant que spectateur.


Pour m'expliquer, je me vois forcé de vous parler de style. Non, attendez, c'est stupide comme phrase. J'adore parler de style, rien ne me force, et c'est parti : Un Monstre à Mille Tête joue énormément avec le cadrage et les focales. En gros, le réalisateur nous montre uniquement ce qu'il a envie de nous montrer et joue avec les points de vues. Très souvent, il nous donnent les événements à voir depuis les yeux de personnages apparemment secondaires. Sauf que - et là est toute l'originalité du film - ces moments s'accompagnent de pistes audio où l'on entend ces personnages témoigner lors d'un procès. Celui de notre pauvre femme.


Et oui, le monstre à mille têtes, ce sont tous les témoins qui n'ont vu que le pire de cette femme et l'ont condamné... le monstre, c'est l'absence de compassion, c'est la perspective du spectateur éloigné qui ne voit que la conséquence de la souffrance.


Le film est extrêmement malin puisqu'en diabolisant la compagnie d'assurance (cette belle de brochette de crevards d'enflures de bites), il nous permet de nous faire compatir avec cette pauvre femme malgré ses actions, et ce même en nous plaçant dans le point de vue des témoins tout le long du film. Une oeuvre donc placée sous le signe de la pitié.

Super habile, super original, c'est rafraîchissant, c'est cool.