dimanche 9 octobre 2016

Le Ciel Attendra : Le cinéma aussi.





Cette semaine est sorti un film très prometteur, qui s'inscrit dans une lignée de longs et courts métrages qui se nourrissent de l'actualité politique française. Comme Divines, comme Nocturama, comme Les Cowboys, des films qui ont des forces et des faiblesses (sauf Divines, c'est le film de l'année, duh), voilà venir Le Ciel Attendra, qui parle d'embrigadement des jeunes par les terroristes de Daesh.

Le film, extrêmement renseigné sur son sujet, propose de suivre plusieurs familles et enfants qui sont confrontés à cette situation ; le point névralgique, c'est Dounia Bouzar qui interprète son propre rôle, c'est-à-dire directrice du "Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam". Au coeur de l'histoire : Sonia, une radicalisée en désintox de terrorisme, et Mélanie, une future convertie.

Il n'y a pas grand chose à redire sur le sentiment et les réalités que le film illustre : c'est exactement comme cela que ça se passe. Par contre... il y a un vrai problème qui fait que l'accueil critique et public est tout de même assez mitigé.

Cela tient énormément à la réalisation et au scénario, qui sont en désaccord total sur ce qu'ils racontent. La réalisation de Marie-Castille Mention-Schaar (ou MC-MS pour son groupe d'électro qui j'espère existe) se veut documentaire. On est dans l'action, à la manière d'un documentaire et sans jamais ou presque que l'image vienne sublimer ou commenter le propos. Et ça se comprend, comme choix, pour un sujet pareil. Pourtant à côté de ça, le scénario est trop écrit. Pas assez libre, pas assez fou, il décrit une réalité dont l'horreur tient à sa complexité, mais avec des mots trop simple. Lors d'une engueulade par exemple, jamais qui que ce soit ne s’interrompt ; c'est chacun son tour dans la discussion, même à la cantine du lycée.

Les mots manquent, les comédiens flanchent, et la réalisation façon documentaire ne fait que mettre en avant l'artifice... qui est également malmené par des choix narratifs. Oui, franchement, les ptits twists mélodramatiques sur un film avec un tel sujet, je ne sais pas vous mais moi ça me dérange. On est dans le téléfilm là, pas dans le cinéma. On manque de réflexion. Et je ne parle même pas des conversations par Facebook où Mélanie lis à haute voix ce qu'elle écrit... est-ce que c'est réaliste ? Non ! Est-ce que c'est forcément un problème ? Non, pas si la mise en scène s'y prête ! Mais là dans une approche aussi documentariste, on est dans un nonsens total !

Et c'est vraiment dommage. Parce que même si le film avait été un docufiction réussi, il n'aurait pas réussi à être cinéma. A représenter et non pas présenter. D'autant plus qu'il aborde de nombreuses pistes fascinantes qui auraient le mérite d'être explorées plus en détail, et avec plus de précision, bref de réussite quoi.

 Plutôt que de nous montrer le personnage de Mélanie se faire embrigader avec de la distance, on aurait pu oser nous faire subir ce qu'elle a subi. Nous laisser être aveugler nous public, nous mener en bateau avant de nous révéler nos erreurs. Parce que le terrorisme se rebelle contre le capitalisme et contre bien des choses que nous (et là je dis ça en supposant que vous lecteur êtes à gauche et militant comme moi, mais bon après chacun sa vie hein) pouvons reconnaître comme NOS convictions... et c'est ça qui fait peur. C'est là où Nocturama réussissait si bien au fond.

De la même manière, Le Ciel Attendra n'est pas mauvais dans son approche sur les distinctions entre la conversion à l'Islam et l'embrigadement chez les djihadistes... Mais il aurait pu être plus problématique justement ! Et explorer cette question épineuse plus en profondeur de façon à résonner avec la réalité, où le problème existe réellement. Être moralisateur c'est bien, mais répondre aux troubles du monde réel avant de l'être, c'est quand même mieux.

On sort donc franchement frustré par un film dont les défauts ne lui permettent pas d'apporter assez au discours... c'est vraiment dommage.

dimanche 2 octobre 2016

Les Sept Mercenaires : What The Fuqua

Je n'avais pas envie de parler de ce film, et puis je l'ai vu. Et me voilà. Parce qu'il pose quand même quelques problèmes.



Je n'ai rien du tout contre les remakes de manière générale. D'ailleurs, le film d'origine de 1960 était lui-même un remake d'un film de samouraï de Kurosawa. Seulement voilà... c'est DIFFICILE de refaire un classique. Et certes, le western de Sturges n'est pas des plus populaires aujourd'hui, il est donc facile à remettre au goût du jour... mais pour les cinéphiles adeptes de western, il est quasiment impossible d'effacer le spectre de l'ancien.

Mes problèmes avec le film sont donc indéniablement liés à l'existence du film de 1960, mais vous verrez qu'au fond, ça a du sens.

Un des premiers problèmes est dans la motivation des mercenaires : dans le film de Sturges, la beauté de la chose est qu'ils n'en ont pas vraiment en fait. Ici, c'est presque pareil... sauf que le leader des mercenaires fait ça par vengeance. Dès lors, la voix off de la madame du village à la fin du film de De Fuqua n'a aucun sens : non, ce n'est pas magnifique qu'ils se soient battus pour une cause qui ne les concerne pas, leur chef a voulu tuer ton ennemi parce qu'il a violé et buté sa mère !

Un des autres problèmes est dans la structure du film, qui ne permet pas à l'héroïsme de s'installer forcément de manière aussi organique que dans l'original. Qui plus est, certains des mercenaires n'ont pas vraiment le temps d'exister au delà de quelques caricatures stéréotypées... le mexicain et l'amérindien par exemple, ne sont pas grand chose de plus narrativement qu'un mexicain et un amérindien. Et ça, franchement, c'est super giga dommage. Après, certains acteurs déchirent hein. Ethan Hawke est comme toujours gigantesque et Denzel Washington aussi. Mais bon.

Et enfin, le souci principal avec ce remake à mon goût, c'est qu'il s'est un peu foiré niveau diégèse. Je m'explique : Antoine de Fuqua a fait le choix de donner le rôle principal à Denzel Washington. C'était déjà le gars dans The Equalizer et Training Day, deux autres films assez problématiques à mon sens. Bref, pour une raison qui m'échappe, le perso de Washington n'est pas traité comme afro-américain. Antoine Fuqua, lui-même afro-américain, a forcément fait ce choix consciemment, bien évidemment. Sauf queeeeeee ben ça n'est pas crédible. Si on est honnête, en regardant le film, le héros est clairement traité comme si personne ne voyait sa couleur ; on est à l'opposé du personnage de chasseur de primes de Samuel L. Jackson dans The Hateful Eight. Et ceci ne serait pas du tout un problème s'il était établi dans la diégèse qu'on est dans un monde où les hommes sont égaux. Sauf que là, tout laisse à croire qu'on est dans du réalisme pur et dur, et donc je doute qu'un chasseur de prime noirs quelques années après la Guerre de Secession, ça ne fasse réagir personne, et surtout, les autres personnages non blancs sont eux totalement caractérisés par leurs couleurs/ethnies ! Donc, pas cohérent. Donc problématique. Au moins ça fait réfléchir mais... ça sort bien trop du film quoi.

Donc dommage.