mercredi 20 juillet 2016

Le Bon Gros Géant : Un gros film bon mais pas géant.

Un nouveau Spielberg qui cible les enfants, ça n'est pas forcément très surprenant. Certes, Tintin est déjà loin et son côté « JE raconte l'HISTOIRE de l'AMERIQUE » a largement pris le dessus ces temps-ci, mais le réalisateur d'E.T reste tout de même… Ben, le réalisateur d'E.T quoi. Et d'ailleurs, le Bon Gros Géant, présenté au festival de Cannes en hors compétition, a été écrit par la scénariste d'E.T, Melissa Mathison, décédée il y a peu.


Le lien Roal Dahl/Spielberg n'est franchement pas évident à tisser, et c'est vrai qu'il y a de quoi être quelque peu perplexe face à ce choix de la part du réalisateur, et de la part de Disney également : le roman raconte l'histoire d'une petite fille qui se fait enlever d'un orphelinat par un géant très bon mais pas gros du tout (c'est vrai quoi il est tellement fin on dirait qu'il va se casser à n'importe quel moment), et qui la ramène dans son pays peuplé de géants pas du tout bons et plutôt gros. Mais surtout, quiconque ayant eu une enfance et le goût de la lecture se souvient que Dahl a une plume qui trace surtout avec légèreté, humour et désinvolture... ce qui ne sont pas forcément les points forts de Steven Spielberg.


Du coup, il faut le dire, cette adaptation cinématographique est en partie foirée. Non pas parce qu'elle transformerait le roman en quelque chose d'autre, car une telle réflexion est absurde - cinéma et littérature sont deux langages différents, pourquoi les comparer si ce n'est pour déclencher un débat à la con sur son Facebook feed -, mais parce que sans le mordant de Roal Dahl, le tout perd tout de même de l'intérêt. L'oeuvre est visuellement riche, dynamique... mais généralement trop lisse, trop polie. On a l'impression soit d'un cadre contraignant imposé par Disney, soit d'un excès de fainéantise de Spielberg qui n'aura pas mis tout son cœur dans le projet. Même John Williams, qui paraissait si inspiré sur le nouvel volet de Star Wars, semble ici retomber dans des facilités que l'on pardonnerait à tout autre papy qui ne serait pas John Williams.





Dans la logique du discours, c'est le moment où je contrebalance mon "en partie foirée" du paragraphe précédent. Parce que oui, il y a aussi du très bon, que l'on peut finalement rassembler en deux éléments. Le premier, c'est la manière dont la séquence chez la Reine d'Angleterre parvient à renouer avec l'esprit du livre d'origine. Elle arrive bien trop tard dans le film malheureusement, mais qu'est-ce qu'elle est drôle ! Et puis, je spoile mais bon : Spielberg y fait sa première blague de prout. Mais il ne va pas avec le dos de la cuillère hein, il sort toute l'argenterie ! La deuxième, c'est le Géant, c'est-à-dire Mark Rylance, nouvelle égérie Spielberg ; sous les effets numériques, ses yeux sont d'une expressivité à couper le souffle d'un plongeur professionnel, et lors de la séance, il est clair qu'il a réussi à en émouvoir plus d'un.


Mais bon, le film reste malgré tout une déception pour un public adulte. Et cette précision n'est pas anodine, car c'est bien l'impression générale qui m'a gagnée au fur et à mesure du film : Le Bon Gros Géant n'est en fait peut-être pas vraiment appréciable pour un adulte. Ainsi, le film dont il se rapproche le plus dans la filmographie de Spielberg serait Hook, qui est extrêmement apprécié par ceux qui ont grandi avec, mais qui est bien plus hermétique pour un "grand" qui chercherait à se faire une petite overdose de jouvence.

dimanche 10 juillet 2016

La Légende de Tarzan : Impérialisme Cinématographique

Le nouveau carton mouillé de chez Warner ressemble beaucoup à son précédent, Pan : on commence avec le prétexte d'une histoire originale, une variation unique sur une histoire connue et reconnue, mais on tombe au final dans des clichés gigantesques. Pan par exemple montre comment Peter est enlevé d'un orphelinat par Barbe Noire, et le montre même ami avec un jeune Crochet... mais les arcs narratifs du film sont tristement évidents. 


Tarzan a le même problème : il propose de commencer l'histoire quand John "Tarzan" Clayton III est bien installé en Angleterre et heureux de sa vie civilisée. Des événements imprévus le renvoie dans sa jungle, désormais territoire colonisé sous le contrôle des Belges et du méchant Christoph Waltz.

Visuellement c'est laid comme un pou vérolé qui se serait déguisé en Marine Le Pen, scénaristiquement c'est parfois facile, parfois flou... mais surtout, le cadre du film est vraiment d'un extrême mauvais goût. Alors certes, il faut lui reconnaître l'effort qui a été fait pour représenter le Congo (enfin, c'est tourné au Gabon) avec authenticité, et avec la langue qui va avec, mais cela ne sauve pas le tout d'un parti pris que je trouve absolument dégueulasse.



Je m'explique : Tarzan est un film réalisé par des Anglais, sur un noble britannique membre de la chambre des Lords, qui vient sauver la contrée qui l'a vue grandir des méchants colons. Sauf que les méchants colons ne sont pas les Anglais, puisque nous sommes chez les Belges au Congo. Je ne pense pas être le seul à trouver qu'une telle prise de position est plus que douteuse. Et même plus que cela, je trouve ça dommage.


Parce que le film n'exploite jamais réellement cette dimension coloniale. D'ailleurs il n'exploite jamais ses autres thématiques ; donc pour voir un film sur le rapport entre sauvagerie et civilisation dans une vision qui questionne l'occidentalisme de cette dichotomie, on restera sur le Tarzan de Christophe Lambert, malgré les essais autour des personnages de Jane et de l'américain campé par Samuel L. Jackson. Pour un Tarzan qui exploitera la question coloniale en utilisant le personnage hybride de John Clayton pour mettre en question la Grande Bretagne et son impérialisme... il faudra venir le voir dans le cinéma dans ma tête. Parce que ce film n'existe pas.