jeudi 5 mars 2015

Red Army : la camaraderie du Rideau de Fer

Fetisov, ancienne star du hockey soviétique et mondial, regarde à peine le cinéaste en face de lui, et est très occupé avec son téléphone. Alors quand il lui assène un : "Tu es sympa, tu es sympa va, ptit Californien", on ressent la suffisance marquée d'un ancien champion, d'un représentant de la grandeur soviétique face à la suprématie américaine. Gabriel Polsky répond discrètement "Non... je suis de Chicago...", sans en dire plus.


Seulement voilà, les parents de Gabriel ont fui l'Union Soviétique pour s'installer aux USA (bah ouais, Gabriel POLSKY, sans déconner, si c'était pas méga prévisible...). Et en effet, le réalisateur n'en parle jamais dans son documentaire, mais il a un lien très personnel à son sujet. Red Army raconte le parcours d'une poignées de joueurs de hockey qui ont fait la gloire de l'URSS dans les années 80, avant de les voir partir aux USA jouer en NHL tandis que leur pays natal se pétait la gueule bien sévère.

Plutôt court (1h25), ce documentaire met un peu de temps avant de se lancer, et est d'ailleurs difficile à cerner sur la totalité de sa durée : les trente premières minutes sont consacrées à l'entreprise de l'URSS visant à créer des sportifs parfaits avec une méthode de travail bien à eux. Ils sont recrutés et entraînés dès l'enfance, et le groupe vaut avant tout le reste. C'est l'équipe, et au delà le pays. On voit ainsi un modèle dans sa forme idéalisée - la camaraderie - s'opposer à un autre, celui de l'individualisme dans ce qu'il a de plus bas. Les succès aux jeux olympiques sont un moyen pour les soviétiques de montrer au monde que leurs valeurs sont les bonnes - tout comme les américains le font quand ils remportent le trophée, avec ce coup de fil de Jimmy Carter au coach de l'équipe, juste démentiel -. Donc, rien de bien neuf durant cette première partie de film.


Seulement, l'envers du décor, c'est bien sûr les conditions de vie totalement hallucinantes de l'équipe, véritables esclaves au service du pays. Et là où le gouvernement russe voit en eux des modèles... et bien les américains voit des modèles aussi, seulement ce ne sont pas les mêmes. Et dès que la NHL se montre intéressée par ces joueurs et tentent de les attirer en leur proposant des millions de dollars façon grand coup d'American dream dans ta gueule, le documentaire décolle.


Parce qu'ils vont tous y aller ! Enfin, cinq sur les six joueurs suivis. Ils vont même être recrutés par le même club à un moment et utiliser leur jeu collectif (même sans s'y connaître en hockey c'est absolument démentiel à voir) pour remporter la Stanley Cup. Dès lors, tout le film devient passionnant parce qu'il offre des thématiques à explorer dans toutes les directions, sur la question de la guerre froide...


...mais aussi en rappelant bien que si les enjeux géopolitiques sont bien présents, les joueurs eux n'en avaient que faire. Ce qui compter, c'était jouer avec leurs meilleurs amis, sur la glace, encore et encore, faire ce qu'ils aimaient le plus. Alors, si les thématiques sont bien là, comme sur les journaux américains qui titrent "l'invasion rouge" pour parler des joueurs en NHL, elles ne sont pas dans la tête de ces quelques anciennes gloires sportives. "C'est quoi la guerre froide ?" Répond même Fetisov à un moment. Ce n'est pas ça qui compte. En cela, le documentaire de Polsky a quelque chose de remarquablement touchant. Qui plus est, la qualité et la quantité d'images d'archives est remarquable et rend le tout très agréable à voir. Un bon documentaire à voir ! 

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