vendredi 30 janvier 2015

Une merveilleuse imitation du temps : The Theory of Everything / The Imitation Game

Comme pour confirmer ce que je disais au sujet des Nouveaux Héros dans une chronique de la semaine dernière, place aux scientifiques. Universal et les britanniques de FilmNation suivent le mouvement actuel - et logique - qui met en avant des hommes et femmes de science pour en faire nos héros. Ce qui n'est pas surprenant ; autrefois c'était les hommes politiques, les instituteurs, les pasteurs... le héros du monde moderne libéral, c'est le scientifique.


The Theory of Everything et The Imitation Game sont deux biopics (ce qui veut dire : on va vous raconter des faits historiques et jouer sur le poids émotionnel que cela apporte en plus) extrêmement classiques, parfaitement calibrés pour les cérémonies de remises de prix : des histoires belles et tragiques, des rôles principaux d'êtres inadaptés à la fois physiquement et psychiquement, et des comédiens et comédiennes mis en valeur. Mais classique ne veut pas forcément dire ennuyeux, sans saveur ; on peut faire les choses efficacement et toucher, raconter réellement quelque chose avec force, sans se démarquer de la norme. Les biopics sont sans doute l'exemple phare du classicisme cinématographique avec les films d'action, aussi se doivent-ils d'exceller pour ne pas être rapidement oubliés. Et ces deux films sont très bons ! Voilà c'est dit, vous pouvez passer votre chemin maintenant. Ou bien je continue ? Bon, ok !


The Theory of Everything (Une Merveilleuse Histoire du Temps) raconte la vie de Stephen Hawking, scientifique et star populaire qui souffre d'une maladie qu'il lui a laissé deux ans à vivre... il y a là des dizaines d'années. Le film se penche très peu sur la dimension professionnelle de sa vie, sur ses découvertes (peut-être parce que, somme toute, elles ne sont pas si importantes que cela ? Surtout comparé à Turing...), et préfère montrer l'évolution de sa vie avec sa femme (jouée par Felicity Jones, absolument éblouissante), qui doit s'occuper de lui au fur et à mesure que son état empire. D'ailleurs, il est adapté du livre de Madame Hawking, ce qui explique l'angle d'approche choisi. Felicity Jones rappelle ainsi Suzanne Clément dans Laurence Anyways, qui accompagne l'homme de sa vie alors qu'il se transforme... Bref. Les acteurs sont époustouflants, absolument tous, surtout Eddie Redmayne - bien sûr - qui fait un travail corporel ahurissant et le film est incroyablement touchant : une scène entre Stephen et sa femme vers la fin du film m'a personnellement mis un coup au coeur franchement violent. Un peu comme si Colin Firth m'avait latté la tronche si fort que j'en étais devenu dépressif (allez voir Kingsman, allez voir Kingsman). Cependant, une fois le film terminé, on se prend à se demander quel était son but. Au final, en dehors de la romance, l'histoire ne va nulle part, et s'il est indéniable que ce sont 2h délicieuses à passer au cinéma, une fois sorti de la salle on risque de l'oublier trop rapidement.


C'est là que The Imitation Game remporte la manche (comment ça c'est pas un concours ? Mais si ! Même que ça s'appelle "Renaud décide le meilleur biopic scientifique des Oscars selon des critères totalement arbitraires, puisque c'est lui l'arbitre), puisqu'il s'est tout aussi excellent en termes de professionnalisme jeu, cinématographie, montage, décors et costumes...), son histoire est bien plus importante. Alan Turing est un mathématicien qui a conçu une machine aidant à décoder les messages codées du 3ème Reich pendant la Seconde Guerre mondiale, mais qui n'a jamais été reconnu publiquement pour son travail. Pour être plus précis, il s'est quand même bien fait niquer la gueule sévère même, alors que c'est globalement grâce à lui que l'Angleterre s'en est sorti... mais vous me dîtes, Renaud, là on ne parle plus de cinéma ? Tu es en train de dire que c'est un meilleur film parce que la véritable histoire est plus intéressante/importante, alors que le cinéma, ce n'est pas la vie, c'est le mensonge, l'imitation la duperie la supercherie ?


Et ben ouais. C'est exactement ce que je dis. Parce qu'il n'y a pas d'art plus démocratique et populaire que le cinéma, et qu'une histoire pareille mérite d'être racontée, même si c'est fait par le biais d'un medium qui va dramatiser l'Histoire et la faire rentrer dans le cadre d'une narration classique ! Car quoi qu'il arrive, nous créons des histoires, même en étudiant notre passé (cf. mon mémoire de M2, woot woot), et si transformer un peu la vérité pour la transmettre ici est nécessaire, alors c'est un mal pour un bien. Parce qu'une telle histoire mérite d'être connue, parce qu'il faut connaître Alan Turing et son oeuvre, c'est une question morale. Et l'art peut-il transmettre une morale ? Souvent, je réponds que non, et que si c'est le cas c'est dégueulasse. Mais là, je réponds plutôt : allez vous faire foutre, ce film est d'une importance capitale pour l'humanité un point c'est tout, et nos enfants à l'école devrait apprendre que si les Alliés ont gagné la guerre, ce n'est pas parce qu'ils étaient plus forts ou parce que c'étaient les gentils, c'est parce que des hommes et femmes de science, détachés de toute question de morale, ont inventé quelque chose. Et si Turing est pensé par certains comme un monstre, une machine, il est au contraire le plus humain de tous. Je vous réfère ici à mon passage préférée du film, lorsque petit Turing découvre les langages codés grâce à son ami Christopher, et qu'il compare cela aux véritables interactions sociales : tout le monde dit des choses pour en sous-entendre d'autres, et le langage est un code permanent...

Bref je me tais, ces films sont bien, surtout celui sur Turing, tous les acteurs et actrices sont magnifiques, allez les voir. Voilà.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire