mercredi 11 mars 2015

Inherent Vice : Les gueules d'ange en plein délire ("forget it Lebowski, it's Chinatown...")

Si vous habitez en région parisienne, vous avez forcément vu les affiches du nouveau film du frappé Paul Thomas Anderson, elles sont partout : l'une d'elle représente une femme en maillot de bain avec des jambes incroyablement longues, sous une lumière rose incongrue, tandis que l'autre présente le cast totalement dingue du film dans une représentation de la cène. On peut ainsi penser que PTA revient à ses sources, à l'exploration d'un monde fait de débauches, de bizarrerie et de sexe dans les méandres de la Californie comme il l'a fait avec Boogie Nights ou Magnolia auparavant... et c'est en partie le cas.

Inherent Vice est l'adaptation d'un roman de Thomas Pynchon du même nom, et nomdidiou que c'est compliqué et bordélique. PTA est de ce genre de réalisateur qui n'aime pas prendre le spectateur par la main et faire une visite guidée ; ou alors, s'il te prend la main c'est pour te jeter dans une benne à ordure où tu te retrouveras en compagnie d'une femme lépreuse habillée en ours polaire, qui te proposera de monter un groupe de rock dont la musique devrait permettre de luter contre les ondes maléfiques que le gouvernement utilise pour contrôler ton cerveau. Ouais, c'est un peu barré comme ça le cinéma de Paul Thomas Anderson, et cette fois-ci ne déroge pas à la règle : Joaquin Phoenix est Doc, un détective privé hippie totalement défoncé 24/24 7/7 qui se retrouve mêlé à une affaire de disparition... un peu comme dans The Big Lebowski, avec des personnages tout aussi hauts en couleur à tous les coins de rue, mais avec la complexité dramatique de Miller's Crossing et un déroulement proche de Chinatown. Ouais, rien que ça.


Franchement, on pige rien. Rieeeen. Doc se retrouve avec au moins 6 affaires qui se mélangent et se croisent autour d'un même groupe de personne sans trop savoir où donner de la tête, et à la manière de son personnage, qui en état de défonce permanent a du mal à suivre ce qui se passe, le spectateur plonge tête baissé dans la folie californienne. Dès lors, le film est plus un prétexte pour une galerie de personnages absolument ahurissante, et je pèse mes mots et ils font bien cinq tonnes douze vu le degré de connerie des personnages susmentionnés. 


Tous les acteurs et actrices, aussi beaux et belles qu'ils soient (le nombre de filles dénudés et aux jupes trop courtes dans le film est un peu ouf), sont avant tout des gueules ; ils ont des protubérances, des tronches quoi des vraies identités et c'est ce qui en ressort : Bigfoot, le flic joué par Josh Brolin, est un dur à cuir violent et incompréhensible qui ne cesse de manger des bananes glacées enrobées de chocolat de manière extrêmement suggestive, Martin Short est un dentiste cocaïnomane qui se tape sa réceptionniste vêtue d'un ensemble cuir ainsi qu'une mineur abonné à la fugue mensuelle, Katherine Wasterson est une femme fatale à la sauce hippie (qui a droit aux deux meilleurs plans séquences du film : une cavalcade amoureuse sous la pluie dans une lumière à tuer des chatons, et une scène... "sensuelle" ? avec Doc sur son canapé)... et au milieu de toutes ces gueules se pose une voix, la narratrice, qui apparaît aussi en tant que personnage mais qui raconte telle la Pythie, le monde comme elle le découvre sans le vivre. Et cette voix est l'équivalent d'une gueule dans le monde des voix (ouuuh admirez mon style), puisqu'il s'agit de la divine Joanna Newsom (allez écouter son triple album Have One On Me, vous comprendrez). Narration qui elle-même se perd et se détache de l'image au fur et à mesure jusqu'à oublier de la commenter et apporter un peu plus de confusion dans le mix.

Donc, on pige que dalle, c'est n'importe quoi, et surtout c'est drôle et c'est beau. Drôle, parce que ces personnages sont des caricatures vivantes mais avec juste assez d'authenticité pour qu'on y croit, drôle grâce à des scènes comme celle dans le bureau de Martin Short quand l'assistant de Doc débarque un volant à la main pour expliquer qu'il ne sait pas conduire. Beau, parce que Paul Thomas Anderson est un sacré plasticien qui filme encore en analogique et qui a su rendre une ville de Los Angeles toujours baignée dans une lumière trop forte, des couleurs trop vives, bref une ville trop. Et pour le coup, je peux dire merci à l'Arlequin qui diffuse le film en analogique, ce qui n'arrive presque plus de nos jours (hé Renaud, tu te souviens quand tu vivais à Chicago ? Que tu avais une bourse pour étudier des trucs géniaux, que tu pouvais aller voir 5 films en analogiques par semaine, que tu avais une copine géniale ? Ouais, la vie ça pue hein.). C'est un vrai régal de voir la bobine de la première pellicule déjà s'abîmer (ouais, la fin de l'analogique a quand même des raisons sacrément logiques) devant ses yeux et le grain ajouter un petit quelque chose à un film aussi frappé.


Inherent Vice, c'était bien fendard, et ce sera le mot de la fin. Fin !




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire