dimanche 24 mai 2015

Cannes # 2 - The Lobster : 1+1 = 2 / / / / / / / / 1 = 0

Ce week-end, Gaumont a décidé de laisser les ploucs comme moi rêver un peu, et propose des séances spéciales Cannes, avec des films du festival présentés en exclusivité, à des horaires uniques. C'était donc l'occasion d'aller marcher sur un tapis rouge ridicule en arborant un beau noeud papillon Celio, et de voir un film qui allait être - je l'espérais - chouette. J'ai donc choisi The Lobster, de Yorgos Lanthimos, avec Colin Farrel, Rachel Weisz, Ben Wishaw, John C. Reilly, Léa Seydoux et plein d'autres.

Le cinéaste grec fait parler de lui depuis quelques années, et il se retrouve ici en compétition officielle à Cannes avec ce film de science-fiction complètement barré. L'idée est très simple, sous ses apparences fantasques : The Lobster présente une société pas si différente de la notre, sauf que tous ceux qui ne parviennent pas à vivre en couple sont transformés en animaux. Oui, je vous avais prévenu ne faites pas cette tête-là, j'avais dit fantasque ! Imaginez, dès qu'un homme ou une femme se balade seul en ville, un agent de police vient le ou la contrôler pour être sûr que sa ou son compagnon n'est pas loin, et qu'il ne s'agit pas d'un célibataire clandestin. Ouais, on en est là ! Le film commence (après une scène démentielle que je ne décrirai pas, pour ne pas vous la ruiner) lorsque le personnage de Colin Farrel se fait quitter par sa femme, qui part vivre avec un autre homme. Ce pauvre homme doit alors se rendre dans un hôtel où il devra trouver une nouvelle compagne, sous peine de quoi il sera transformé en l'animal de son choix (un homard, d'où le titre).


Vous l'aurez compris, le film joue avec un des traits les plus significatifs de nos sociétés, l'obsession de la vie en couple, et ce en grossissant le trait à la manière dont le fait série britannique Black Mirror. La grosse différence, c'est qu'ici le trait est non seulement grossi mais également grossier, et donc franchement hilarant. Une fois n'est pas coutume, ce film est comme le reste de la sélection (pour ce que j'en ai vu, c'est-à-dire pas grand chose) une bien belle démonstration d'humour noir. Toutes les scènes ou presque se passant à l'hôtel sont d'un grotesque jubilatoire, comme par exemple celles décrivant les cours de "pourquoi la vie c'est mieux en couple". Exemple : à table, si on mange seul et qu'on s'étouffe, personne n'est là pour nous aider. Au delà de ça, le jeu des acteurs est extrêmement particulier, et c'est tout sauf un truc pour faire original dans The Lobster ; c'est plutôt une trouvaille géniale car extrêmement pertinente. Dans cette société, tout flirt est interdit, le rapport à la sexualité et aux simples rapports humain est extrêmement différent du notre, ce qui influe sur l'expression du ton. Et cela fonctionne à merveille.


C'est une mise en scène de l'obsession de la dualité permanente. Il faut que les choses soient simples, c'est soit hétéro, soit homo, soit en couple, soit un animal. Les demi-mesures n'existent pas car elles sont trop compliquées et nous voulons que le monde soit simple. Ainsi, dans The Lobster, les couples sont formés à partir d'un trait de caractère commun. Ben Wishaw boite, son ex-femme boitait aussi. Une jeune femme à l'hôtel saigne du nez sans cesse, c'est son trait de caractère. Il lui faut quelqu'un de similaire. Cette obsession du point commun, simplifié à l'extrême pour le rendre grossier, est le miroir déformant de notre société et notamment des sites de rencontre qui utilisent des algorithmes pour proposer des alchimies fondées sur des goûts et couleurs en commun. 


Et même sans cela, The Lobster s'attaque à des principes fondateurs de notre société occidentale : ne pas être en couple arrivé à un certain âge, c'est avoir échoué. C'est être mal vu aux yeux de tous. C'est un monde absurde, ce que The Lobster représente le mieux par la présence des animaux les plus étranges - puisque les célibataires qui échouent choisissent eux-mêmes leur animal - dans un décor inapproprié. Il n'y a rien de plus parlant qu'un chameau et un flamand rose dans une forêt d'Irlande moi jvous dis.
The-Lobster---Colin-Farrell-and-Rachel-Weisz

Enfin, un tel film ne serait pas réussi si sa dernière minute ne l'était pas. Ce film est réussi, je vous laisse tirer les conclusions vous-mêmes.

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