mardi 16 juin 2015

Un Français : Allons Errants de la Patrie

Voilà pour moi une occasion de parler d'un film qui mérite d'être vu, et qui s'en prend quand même plein la gueule dans la critique. Bon, j'exagère, mais son accueil à la fois critique et public me dépasse, car c'est une oeuvre de qualité et surtout inattendue dans le paysage actuel. Alors parlons-en ! Tous ensemble, allez venez approcher on s'assoit en tailleur. On peut commencer par un peu de small talk si vous voulez ; vous venez souvent ici ? Moi oui, enfin c'est là que j'écris quoi. Ah, on me signale dans l'oreillette que je dois commencer !


Un Français donc. Son réalisateur, c'est le genre de type qui agace beaucoup : musicien, dramaturge, metteur en scène, réalisateur, romancier et journaliste, qui a le droit d'être aussi doué ? Voilà son deuxième passage derrière la caméra, et un passage compliqué puisque 50 avant-premières ont été annulés, après que le film a été aussi recalé à Cannes... certains disent que c'est à cause de son sujet, mais vu qu'il n'y a aucun moyen de savoir véritablement, oublions. Franchement, moi tout ça jm'en tabasse les poules en pantalon, ce qui m'intéresse c'est le film : l'histoire sur trente ans d'un skinhead d'extrême droite (et pas d'extrême gauche, attention ouais ouais), interprété par fucking Klaus de la série Hero Corp, j'ai nommé Alban Lenoir, qui s'en sort comme un chef.


Bon, je ne vais pas vous mentir, Un Français a de quoi me plaire personnellement, et ce pour deux raisons : il est bourré de plans séquences très immersifs et bien pensés, et il traite de l'évolution d'un personnage sur une longue durée de temps. Qui a crié marotte ? Ah, c'est moi. Le ptit Marc, on ne lâche pas pendant tout ce temps... ou presque. Disons que l'intelligence des séquences fait que l'on se retrouve plongé dans des moments précis, toujours instantanés et très vivants vivaces et terrifiants (le plan séquence du squat punk qui se finit en fusillade putain de sa mère bordel), mais entre chacune les ellipses sont gigantesques. Par exemple, on passe en dix minutes d'un meeting du FN en 1995 à la finale de la coupe du monde de foot de 98, pour enfin arriver à 2003.


 Le film se termine d'ailleurs de nos jours, à la grande belle époque de la Manif pour Tous, retrouvant ainsi l'idée de base du film : montrer comment un homme, au cœur du mouvement skinhead, s'en détache au fur et à mesure (certains critiques ont dit que les ellipses rendent ce détachement incompréhensible ; il fallait ouvrir les yeux pendant les séquences, pas entre celles-ci... dès la première scène on voit bien que le héros n'est pas à l'aise dans le contexte...), mais  aussi montrer comment il continue à voir ses proches évoluer dans cette spirale de haine et de violence. C'est une situation que, toutes proportions gardées, beaucoup d'entre nous peuvent reconnaître et comprendre.


Déjà, le sujet est poignant et inhabituel, et si l'utilisation d'images d'archives déplaira à certains, c'est quand même une grosse claque américaine dans la gueule que de voir la dédramatisation de MEURTRES par le Front National. Qui plus est, on n'est pas dans le film à message ; celui-ci, on peut le décortiquer et l'extraire tout seul, si on en a envie. Si non, on ne peut y voir qu'une histoire, et une histoire franchement triste, celle d'un Français.


Mais ce qui lui donne vraiment de l'intérêt, c'est qu'il est traité intelligemment dans la forme ; j'ai déjà parlé des plans séquences, qui donnent à la violence une atmosphère particulière, particulièrement invivable, mais qui rendent les ellipses particulièrement impressionnantes également. Et puis, au fur et à mesure que la vie du héros change, le style change avec lui, et le montage devient plus classique, moins emballé... c'est logique, c'est intelligent et c'est bien formulé. Les séquences, mises bout à bout, créent un sens unique par une sorte d'effet Koulechov (ouais, je déforme un peu le principe mais l'idée est là), et on voit des parallèles particulièrement savoureux ici et là : une Marseillaise nationaliste, puis une autre. Un couteau de boucher, puis un autre. Enfin, il serait déloyal de ne pas parler de la réussite exceptionnelle - et je pèse mes mots et la balance dit que c'est bon pas besoin de faire de pompes ni de tours de terrain ils sont bien comme il faut stop your stupid fat shaming this is what real words look like - du passage du temps dans Un Français : Alban Lenoir surtout, que l'on voit dans plusieurs états, a su rajeunir et vieillir grâce à la magie du cinéma mais aussi grâce à une sacré préparation, mais bon là personne n'en parle vu que la promotion autour du film n'existe pas. Et il n'est pas le seul, c'est notamment très impressionnant pour une des actrices que l'on retrouve au tout début et à la presque fin... ça en ferait presque froid dans le dos, de voir que le cinéma peut nous mentir si bien.


Un Français est un film unique dans le paysage cinématographique français actuel, et je ne peux que vous recommander d'aller le voir. D'ailleurs je viens de le faire, et je vais le refaire : allez-y s'il vous plait.

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