samedi 5 mars 2016

Oscars, Golden Globes, Césars... Petite leçon de cinéma rapide

Les cérémonies de remises de prix ont une importance économique pour l'industrie du cinéma, puisqu'elles permettent la promotion des films en lice, ainsi que la réussite des artistes et artisans qui ont créé les films (sur un CV avoir travaillé sur un film qui a eu un Oscar, je pense que ça doit en jeter pas mal de la mésange), et c'est grâce à cela que tout le monde peut découvrir ou redécouvrir Fatima au cinéma en ce moment. 


Pourtant, la majorité des spectateurs des cérémonies ne s'intéressent pas forcément au cinéma plus que ça. Ce sont les stars du grand écran qui s'invitent à la télévision, ce sont les tenues, les gossips, les paillettes et les bonnes blagues qui attirent plus qu'autre chose. Les spectateurs qui, comme moi, auront vu la quasi totalité des films en sélection, sont donc très rares ! Sérieusement, vous pensez vraiment que tous le soutien que DiCaprio a eu sur Internet provient uniquement de personnes qui ont vu The Revenant ? Ainsi que les films des quatre autres nommés face à lui ? Bien sûr que non.

Et je ne dis pas cela pour juger, je regarde aussi pour les paillettes, faut pas croire! Parce que niveau cinéma, on ne va pas découvrir grand chose dans une cérémonie... si ?

oscars  excited yes oscars michael keaton

Et là c'est le twist : parce que l'on peut réfléchir à une notion cinématographique fondamentale en regardant les Oscars. Oui, même au moment où des scouts vendent des cookies aux stars du cinéma, on peut en apprendre sur le fonctionnement du cinéma dans notre rapport cognitif aux images.


Je m'explique : je vais vous parler de l'effet Koulechov. Koulechov, c'est un cinéaste russe qui, comme Sergei Eisenstein pour ne citer que les plus connus, a théorisé le cinéma autour de la notion du montage. C'est extrêmement simple : en mettant des images les unes à la suite des autres, le cinéma nous force à construire une histoire dans notre tête. Si je vous montre une image d'une femme qui regarde face caméra, puis l'image d'une pomme, puis le visage de la femme à nouveau, votre cerveau va construire une histoire : cette femme veut manger une pomme. Si je rajoute un quatrième plan où l'on voit deux pommes, on se dit qu'elle a très faim. Peut-être qu'elle vient de faire quatre heures de sport et qu'elle a besoin de ces pommes.


Là vous allez me dire, elle est cool ta vie Renaud, mais on voit toujours pas le rapport avec les Oscars, elle est nulle ta leçon de cinéma.

Ce à quoi je vous réponds : ne vous plaignez pas, je ne vous fais même pas payer bande de rustres.


Ce qu'on oublie facilement en regardant ce genre d'événement (et ça vaut également pour les événements sportifs et les concerts dans une moindre mesure), c'est qu'il y a un réalisateur derrière, qui dirige toute une équipe d'opérateurs et de monteurs et autres techniciens. Bah oui, y a quatre milles caméras qui vont dans tous les sens... et c'est là que cela devient intéressant. Parce qu'en utilisant toutes les caméras, et en faisant un montage en direct live, le réalisateur des Oscars nous raconte une histoire. Regardez le gif que j'ai posté juste au dessus : l'arrivée des droïdes de Star Wars sur scène s'enchaîne directement avec un plan de l'adorable Jacob Tremblay qui se lève de son siège pour les voir. Il n'y a besoin que de cela et nous avons déjà toute l'histoire en tête : au milieu de toutes ses célébrités, un enfant est bien plus excité à l'idée de voir des personnages de Star Wars que tous ces types en costume. On peut même aller plus loin et y voir une mise en image de la belle innocence de la jeunesse, mais le réalisateur sur le moment, très clairement, a décidé de montrer cela parce que c'est TROP CHOUPI.


Et cela veut dire que le réalisateur doit aussi être au courant de quoi montrer quand un nommé est récompensé. Il doit connaître le placement de toutes les célébrités pour qu'au moment où DiCaprio célèbre sa victoire, on puisse voir Kate Winslet. Là c'est encore génial comme procédé : il joue à la fois sur la complicité qu'ont les deux acteurs en tant que personnes (ce que sauront ceux qui suivent les presse people et autres), et sur leur complicité au cinéma (le couple le plus célèbre de l'histoire du cinéma probablement ?), et il lui suffit d'insérer un plan sur le visage ému de Kate Winslet pendant le discours de Léo, et tous les spectateurs sont conquis. Et comment montrer que TOUT LE MONDE voulait que Léo ait son Oscar ? En enchaînant des plans sur tous les nommés face à lui, debout, en train d'applaudir.


Tout ça pour dire que même dans un événement aussi futile qu'une cérémonie de remise de prix, on retrouve des constantes ontologiques : l'être humain façonne, est fasciné et façonné par les histoires, et il lui suffit de deux simples images pour en voir une. Bon, parfois une seule image suffit, évidemment, mais là ce serait aller contre mon propos. Et si la question de l'effet Koulechov dans ce genre d'espace scénique vous intéresse, je vous recommande le spectacle de stand-up de Chelsea Peretti qui se trouve sur Netflix ; elle s'amuse à enchaîner un plan où elle balance une vanne avec un plan du public qui s'endort par exemple, où... ça:

Seeing a guy in the audience salt and/or peppering a hard boiled egg

Allez, portez-vous bien chers lecteurs, et si cet article un peu différent vous a plu n'hésitez pas à me le faire savoir, et n'oubliez pas de m'envoyer vos dons pour que je puisse faire ça jusqu'à la fin de ma vie sans m'inquiéter de comment je vais acheter ma nourriture chez Picard.

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