dimanche 17 avril 2016

Le Livre de la Jungle : Limitations de l'imitation

Un petit humain nommé Mowgli a grandi dans la jungle élevé par les loups. Mais l'équilibre des espèces est menacé lorsque le terrible tigre Shere Khan s'en mêle ; Mowgli pourra-t-il continuer à vivre dans la jungle, ou bien devra-t-il retrouver le monde de ses semblables ?

Avec Neel Sethi, Bill Murray, Ben Kingsley, Idris Elba, Lupita Nyong'O, Scarlet Johansson et Christopher Walken.
Un film de John Favreau.



Un an après Cendrillon, Disney poursuit sa quête toujours bizarre mais acharnée de refaire ses classiques d'animation en film live. Et on peut continuer à se demander pourquoi un tel sacrilège, nous enfants qui avons appris à marcher en regardant Mowgli se prendre pour un éléphant, mais voilà, il faut voir les choses en face : les gens de Disney savent exactement ce qu'ils font. Ils l'ont prouvé avec le Cendrillon de Kenneth Branagh qui était tout bonnement excellent, et ils le prouvent une nouvelle fois avec Le Livre de la Jungle.

Non pas que tout soit réussi, attention. Mais ils ont compris quelque chose d'essentiel : cela ne sert à rien de refaire le dessin animé tel quel. L'histoire de Mowgli est riche, sa morale... plus que complexe (Kipling et le fardeau de l'homme blanc, tout ça...), et s'inspirer de sa trame d'origine pour en faire une oeuvre différente, voilà qui serait fascinant.


Du coup, Favreau et son équipe ont décidé d'en faire une fresque épique, riche en décors hauts en couleurs et en animaux majestueux - des loups claniques aux éléphants semi-divinisés -, sur un conflit à la limite du shakespearien entre un tigre dominateur sa mère, et un enfant perdu dans les méandres sinueux et sournois de sa quête existentielle. Le film fonctionne dès qu'il entre dans cette représentation épique, et John Favreau n'a jamais été aussi expressif en matière de représentation de l'héroïsme. Un comble pour un type qui a fait les deux premiers Iron Man ! Voir Mowgli courir partout dans la jungle, escalader des arbres façon Tarzan miniature, voir les animaux s'affronter comme des titans (Baloo vs Shere Khan les gars, c'est un peu démentiel à quel point ça défonce), jusqu'au face à face final, au cœur du brasier, à la David contre Goliath. Le tout est porté par une musique très riche et expressive de John Debney, que les grands connaisseurs reconnaîtront comme... le compositeur de la musique du manoir hanté du parc Disneyland Paris. Oui, j'ai dit grands connaisseurs.
Ce que j'ai préféré personnellement dans le film, c'est la représentation des humains tels que les voit Mowgli : ce ne sont que des silhouettes éclairées par le feu. En utilisant une imagerie immédiatement réminiscente de la caverne de Platon, Favreau nous montre la distance qui existe entre leur monde et celui d'un petit homme qui n'en a que le nom.


Donc tout ça, c'est génial, mais. Car il y a un mais, et même deux maintenant si vous savez compter. Le film ne fonctionne pas dans sa totalité, et c'est précisément parce qu'il tente aussi de faire des clins d’œils plus ou moins appuyés au dessin animé d'origine. Très mauvaise idée ! Parce que tout simplement, ils ne s'accordent pas du tout avec l'angle d'approche du film. Ainsi, toute la séquence avec Baloo ressemble plus à un cheveu dans la soupe de miel, tout comme la chanson du roi des singes, qui ici aussi paraît très étrange. C'est aussi dans ces moments que Favreau tente d'installer la morale du film... qui est super méga casse gueule. Les humains sont mieux que les animaux parce qu'ils savent inventer des outils ? Il ne faut pas vivre ailleurs qu'avec ses semblables ? Le fil rouge de la structure morale, essentielle dans tout film pour enfants, n'est pas clair.


Et ça, j'ai envie de dire tant mieux : car au final, dans cette version du Livre de la Jungle, on a l'impression que toutes les tentatives de morales contradictoires sont anéanties par l'affrontement final. C'est-à-dire que toutes les réflexions s'effondrent face à la nécessité de survie... ce qui fait des vingt dernières minutes du film une sorte de remake de Predator mais pour les enfants.

Il est clair que cette version ne plaira pas à tout le monde ; les clins d'oeils ne seront pas assez pour des puristes, l'angle d'approche épique et primal sera trop pour d'autres... mais dans sa tentative de ne pas imiter pour innover, Favreau construit une oeuvre qui a quelque chose de fascinant, et également son film le plus intéressant à ce jour.


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