mercredi 11 mai 2016

[Cannes] Café Society : Oh mon dieu la caméra a bougé !!

Un jeune gars plein de ras-le-bol fuit Manhattan, sa famille juive et son frère criminel pour s'installer à Hollywood et découvrir les paillettes, les starlettes, le glamour et l'amour. Et si les trois premiers lui réussissent, c'est ce dernier qui va l'ensorceler... et le balader entre les deux mondes, côte est et ouest, jusqu'à ce fameux Café Society.


Le générique commence est personne n'est surpris dans la salle : c'est la même police, le même fond, la même musique de jazz. Les acteurs d'abord, dans l'ordre alphabétique, car ce sont eux qui comptent, ce sont eux qui brillent : cette fois, la muse est devenue Kristen Stewart, vraie Janus quelque peu inspirée de l'héroïne de The Appartment de Billy Wilder. Et elle est belle, belle, belle, belle. Une vraie gueule, et une vraie voix, comme Scarlett il y a dix ans. Et puis, outre l'apparition éclair mais très appréciable d'Anna Camp dans un rôle de prostituée débutante et la carrure de Steve Carrell en agent hollywoodien tellement cliché qu'il pourrait se reconvertir dans la vente de Polaroïd, celui qui crève l'écran, c'est le héros : Jesse Eisenberg devient en fait ici une nouvelle incarnation de Woody Allen. Certes, il y apporte sa propre touche, mais il est difficile de ne pas imaginer le réalisateur - plus jeune - à sa place. Mais voilà, Woody est trop vieux pour ces conneries, du coup il se cantonne au rôle de narrateur.



Oui, Woody Allen a une zone de confort, oui, il n'aime parler que d'un nombre de choses extrêmement réduites, et très clairement il en a conscience. Oui, dans le fond, on sait à quoi s'attendre : des histoires d'amours, des mariés infidèles, des fêtes, l'élite de l'Amérique caricaturé jusqu'à en faire des monstres endimanchés trinquant leur verres remplis d'argent. Ce qui change, ce sont les costumes, le décor. Les phrases sont les mêmes, ce ne sont que les mots qui changent.


Et pourtant, dès que le générique se termine, le sourcil se lève. Puis frémit. Woody... est-ce que tu es en train de traverser une fête avec un steadicam ?? Est-ce que tu mets des mouvements de caméras partout dans ton film et de la profondeur de champ ??? EST-CE QUE TU AS FOUTU UNE TRANSITION TELLEMENT DEBILE QUE MEME DANS STAR WARS ILS LE FONT PAS ???? Je suis si heureux. Je ne sais pas ce qui lui a pris, peut-être que l'idée de filmer l'âge d'or d'Hollywood lui a donné envie d'expérimenter et d'être original dans sa composition et son langage filmique mais je ne peux que m'en réjouir : c'est putain de sublime les gars. Les paillettes elles sont des mes yeux là. Superbe. Et le contraste New York/Hollywood est sans pitié : la première, Woody la connaît et la montre comme sa femme. Enfin, si sa femme avait son âge (lol) et qu'il la montrait nue. La deuxième, c'est son monde : c'est le cinéma, un monde qu'il aime inventer comme plus beau et dépeindre avec cruauté.



En effet, si Jesse Eisenberg nous dit que la vie "est une comédie écrite par un écrivain sadique", il ne peut parler que de son monde, dans lequel le réalisateur joue avec son cœur en lui promettant Kristen Stewart sans jamais vraiment lui laisser l'attraper. Aparté : c'pas grave Jesse, retourne voir Adventureland, tu t'en sors mieux dans celui-ci.


J'ai un peu l'impression que ma critique va dans tous les sens et n'a pas vraiment de direction logique, mais j'ai envie de dire, film, c'est tout ce que tu mérites vu ta tronche. Enfin c'pas une critique hein coco, c'est que je parle comme ça moi, mais clairement tu n'as ni queue ni tête. Au milieu de ton intrigue principale, tu nous a foutu une intrigue de gangster, toute l'histoire de la famille juive de Jesse Eisenberg, un ptit sketch sur le fait que les chrétiens sont des lâches et des froussards, un autre sur une prostituée débutante plutôt nerveuse qui relève davantage d'une sitcom que d'autre chose... sans parler d'un portrait monstrueux du monde hollywoodien et de son langage. Oui, à Hollywood selon HollyWoody on ne parle pas anglais, on parle le "name-dropping", c'est-à-dire qu'une phrase n'a du sens uniquement si elle contient les noms de trois ou quatre célébrités. La seule chose qui tente de faire le lien entre tous ses îlots, c'est la narration, la voix du réalisateur qui nous balade de lieu en lieu, d'époque en moment, de succès aux échecs. Jusqu'à un final emprunt de mélancolie, qui a le don de laisser sur la faim.


Sous bien des aspects, Café Society raconte la vie des êtres qui changent. Le temps passe, ou l'environnement évolue, et hommes et femmes se muent. Ce n'est qu'en retrouvant un morceau de passé que l'être se trouve un miroir et se dit finalement, tiens, c'est moi ça ? C'est ainsi que le souvenir revient, puis devient mélancolie, et enfin devient regret. Voilà peut-être comment expliquer le fouillis fascinant d'un film légèrement foufou, d'un réalisateur qui se met à regarder vers l'arrière. 

Je sais que beaucoup s'amusent à cracher sur papi Woody depuis l'après Match Point, mais j'insiste : depuis ses trois derniers films, il a quelque chose de nouveau, et il signe là son film le plus intéressant depuis Scoop. Oui, malgré son côté bancal et imparfait. Mais vous savez ce qui était aussi bancal et imparfait ? Scoop.

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